La passion joue-t-elle dans la réussite professionnelle des diplômés ?

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crédits Unsplash

Selon les diplômés des écoles de commerce, il faut suivre sa passion pour réussir dans la vie. Néanmoins, suivre aveuglément une passion n’est pas toujours une bonne option. Imaginons un jeune diplômé qui se passionne pour les crèmes glacées et qui s’apprête à lancer son entreprise dans ce secteur. Comment réagir si la tendance de la clientèle potentielle s’oriente plutôt vers un mode de vie plus sain ? Va-t-il se rediriger vers le secteur plus diététique du yaourt glacé ? Ou sa passion pour les crèmes glacées va-t-elle le pousser à persévérer et le faire échouer ? Des recherches récentes publiées par des enseignants-chercheurs indiquent que la réponse à cette question pourrait dépendre de la façon dont les personnes vivent leur passion et de l’importance qu’elles accordent à leur rôle professionnel.

Passion harmonieuse et passion obsessionnelle

La passion renvoie aux sentiments de joie et d’enthousiasme éprouvés lorsqu’un individu exerce une activité professionnelle qu’il aime et dans laquelle il s’épanouit. On éprouve une passion harmonieuse lorsqu’on aime une activité d’une façon qui n’empiète pas sur les autres aspects de notre vie professionnelle. Dans ce cas, l’attention consciente allouée aux divers rôles professionnels et aux tâches correspondantes est partagée de façon équilibrée. Inversement, on connaît une passion obsessionnelle lorsque l’on se sent poussé à se complaire dans une activité qui entre en conflit avec les autres tâches. On s’absorbe alors complètement, de façon inconsciente, dans un rôle professionnel spécifique et dominant.

Apprendre à gérer sa passion

Il existe souvent un impératif d’évolution constante tout au long d’une carrière. Les diplômés des écoles de commerce devraient réinventer leur passion au fil du temps, en fonction des signaux de réussite ou d’échec qu’ils reçoivent durant leur vie professionnelle. Pour réussir, il faut répondre efficacement aux feedbacks externes, ce qui implique de parvenir à passer d’une passion obsessionnelle à une passion harmonieuse puis gérer les conflits potentiels entre les deux.

Les passionnés harmonieux

Les diplômés « passionnés harmonieux » parviennent à percevoir les divers rôles comme étant différents mais coexistants et faisant partie d’un tout, qui constitue leur identité professionnelle. Comme l’excitation découlant de l’activité de prédilection est « maîtrisable », ceux-ci disposent des ressources psychologiques voulues pour traiter l’information et répondre avec souplesse à des impératifs professionnels qui changent. Grâce à ce mode de pensée souple et adaptatif, ces diplômés peuvent réagir en cas de sous-performance dans un rôle, considérer les nouveaux rôles comme des opportunités et s’adapter aux nouveaux rôles qui s’imposent. Dans l’exemple choisi, la passion pour la crème glacée occupe une place importante dans l’esprit du fondateur, mais sans pour autant masquer celle de l’activité yaourt glacé. Lorsque l’environnement renvoie un signal d’échec, il est plus facile pour le créateur d’entreprise « passionné harmonieux » d’intégrer ce retour négatif ; cela stimule le désir d’explorer d’autres pistes. Ce créateur peut alors amorcer un changement cognitif : dans notre exemple, moins se focaliser sur la crème glacée et se découvrir une nouvelle passion pour le yaourt glacé. En changeant le produit, on évite d’engager l’entreprise dans une voie sans issue. De manière générale, une passion harmonieuse rend les diplômés attentifs aux stimuli externes et facilite finalement leur réussite.

Les passionnés obsessionnels

La question est de savoir ce qui se passe lorsque des diplômés « passionnés obsessionnels » ne se passionnent pas pour des aspects clés de leur profession qui réclameraient pourtant énergie et implication. Le rôle dominant de ces diplômés entre en conflit avec les autres et limite la palette des rôles possibles. Dans la mesure où l’enthousiasme généré par l’activité de prédilection est « incontrôlable », le diplômé devient « rigide » sur le plan cognitif, ne parvient pas à se désengager complètement de ses pensées à ce sujet, et ce malgré les exigences externes qui l’appellent à s’impliquer dans une nouvelle activité. Dans notre exemple, la passion pour la crème glacée occupe une place disproportionnée dans l’esprit du fondateur. L’idée de se tourner vers le yaourt glacé, suggérée par les réactions du marché, est occultée. La transition vers le yaourt glacé pourrait menacer l’image que le diplômé a de lui-même, ce qui le rend peu enclin à tenter de nouvelles expériences. La réaction peut alors consister à tenter de préserver le statu quo, ce qui amène le jeune créateur à consacrer son énergie et son attention à une entreprise sans lendemain. En d’autres termes, les passions obsessionnelles peuvent créer un sentiment de menace pour les diplômés, occulter les signaux externes, et finir par affaiblir leurs chances de réussite.

Une évolution professionnelle conditionnée par la gestion de sa passion

L’un des facteurs clés de réussite dépend du type de passion des diplômés des écoles de commerce (harmonieuse ou obsessionnelle), ainsi que de la façon dont ils répondent au retour d’information qu’ils reçoivent, quant à leurs performances aux différentes étapes de leur parcours professionnel. La passion et ces retours d’information s’allient pour déclencher des évolutions de rôle qui conditionnent la réussite future. C’est ce qui explique, par exemple, pourquoi certains diplômés n’évoluent pas suffisamment sur le plan professionnel en dépit de signaux précoces de réussite, là où d’autres réussissent en se réinventant tout au long de leur vie professionnelle.

Maria Kakarika, PhD, Professeur Associée en Comportement Organisationnel, EM Normandie

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