A 30 ans, Jokariz quitte son poste de VP chez Goldman Sachs pour se lancer dans la création de contenus après être devenu Master sur League of Legends. Un coup de folie ? Plutôt l’envie d’un nouveau défi et de s’investir dans un milieu en plein boom, la creator economy. Rencontre.
On pourrait résumer le parcours de Jokariz ainsi : beaucoup de travail et de talent, un peu de chance et une dose de culot. Pour le comprendre, il faut revenir au temps où Jokariz n’était encore que Marc Lesage-Moretti. Issu d’un milieu parisien, entre Neuilly-sur-Seine et Levallois, le jeune homme intègre une prépa ECS en 2009 puis le Master in Management de l’ESCP en 2011. Et c’est là que l’aventure commence. « Je suis en 2è année à l’ESCP, je m’incruste à des entretiens professionnels organisés par BNP Paribas qui ne m’étaient pas du tout destinés et auxquels je n’étais pas convié car ils s’adressaient aux étudiants en double diplôme CentraleSupélec/ESCP. Je les réussis et deviens le premier étudiant d’école de commerce à faire le métier de structureur » explique-t-il. Un coup de poker « qui a changé sa vie » et devient la première d’une longue série de moments où Marc s’illustrera comme précurseur. En 2015, il rentre chez Goldman Sachs qui cherche des profils hybrides ingénieurs/commerciaux et y fait une carrière fulgurante : il fait ses preuves en tant qu’analyste en un temps record de deux ans (au lieu de trois habituellement), avant d’évoluer comme associé, puis vice-président à 27 ans seulement. Une fonction qu’il exerce deux ans et demi avant de quitter l’entreprise. « Mes fonctions d’analyste et d’associé étaient très challengeantes mais en tant que VP mon rôle tournait autour de négociations en interne que je trouvais stériles, explique-t-il. Je n’apprenais plus rien alors que mon salaire continuait d’évoluer et était décorrélé de mes compétences. Et il n’était pas envisageable pour moi de ne plus sortir de ma zone de confort à 30 ans ! »
De Marc à Jokariz
Au même moment le mouvement de la creator economy se développe. Un écosystème de créateurs de contenu qui utilise les réseaux sociaux pour créer du contenu innovant et faire du business. « En octobre 2021, la plateforme Twitch est hackée et on apprend que certains streamers peuvent gagner plus d’un million d’euros par an, raconte Jokariz. Je me suis dit qu’il y avait un coup à jouer là-dedans. » Mais avec quel type de contenu ? « En tant que joueur amateur, je me rendais compte qu’il y avait un vrai challenge intellectuel dans les jeux vidéo. Mes amis et moi étions déboussolés devant la complexité de League of Legends. Un jeu où il faut faire partie du Top 0,01% mondial pour passer professionnel. » A 31 ans, Jokariz est déjà un papi dans l’univers du esport mais se lance quand même dans un challenge qu’il qualifie de « quasi impossible » : devenir Master sur League of Legends. Autrement dit, rejoindre le top 0,5 % des 125 millions de joueurs dans le monde. Mais impossible n’est pas Jokariz ! « A 31 ans on n’aurait plus assez de réflexe et de mécanique pour réussir. J’ai voulu montrer que la réussite dans le jeu passe aussi par des questions de stratégie, d’anticipation et de réflexion. » Fin 2022, il propose un deal à Kazewa, ancien joueur professionnel reconverti dans des formations aux jeux vidéo : un coaching gratuit pendant trois mois contre une super visibilité s’il réussit à le hisser au rang de Master. A raison de 12h d’entrainement par jour, 6 jours sur 7, Jokariz atteint son objectif et se fait connaitre dans le milieu. « Sur LinkedIn et dans mes Live Twitch, les gens étaient très curieux de mon passé chez Goldman Sachs. Ça m’a donné l’idée de faire la tournée d’une cinquantaine de grandes écoles de commerce et d’ingénieurs pour me constituer une communauté. » De son récit personnel est née l’idée de raconter d’autres histoires dans le talk-show Métier de rêve fin 2023, qui devient en six mois, excusez du peu, le plus gros podcasts carrière de France. « Son but ? Démystifier les métiers prestigieux en France à travers des informations qualitatives et gratuites. »
Faire de Paris le hub mondial de la creator economy
Aujourd’hui, Jokariz garde en tête son objectif de développer la creator economy. « Les étudiants s’attachent davantage à une personne qu’à une entreprise, ils ont besoin que les messages soient incarnés, transparents et authentiques. Pour moi, nous n’en sommes qu’aux débuts de l’ère des influenceurs et créateurs de contenus » prédit-il. Preuve en est, le revenu des créateurs de contenu s’élève à 250 milliards de dollars et le marché doit doubler dans les cinq prochaines années pour atteindre 500 milliards de dollars selon Goldman Sachs. « C’est une énorme opportunité pour la France en termes de PIB et de création d’emplois ». Face à ce constat, Jokariz se lance un nouveau défi : faire de Paris le hub mondial de la creator economy d’ici trois ans. Rendez-vous en 2027 !