Aujourd’hui, chacun peut bénéficier, grâce à l’adaptive learning, d’un parcours de formation personnalisé. Cette démarche pédagogique est partout : les acteurs de la formation digitale nous font miroiter des cursus plus rapides, moins chers, sur-mesure pour les apprenants. Que valent ces promesses ? Comment distinguer ce qui ressort de l’artisanat ou de l’apport réel de l’intelligence artificielle ?
L’adaptive learning, c’est quoi déjà ?
Frappée au coin du bon sens, l’idée est simple : adapter l’apprentissage à l’apprenant pour optimiser l’effort consenti. L’adaptive learning intègre le contenu pour qu’il fasse sens dans le cursus et la logique personnelle de l’apprenant, prenant en compte le rythme, les supports et les modèles d’apprentissage qu’il favorise. Concernant l’ancrage, par exemple, le « testing effect »(a fait l’objet de nombreuses publications, en 1998 par Glover, en 1991 par Mc Daniel et Fisher, en 2006 par Roedriger et Karpicke…) a été largement étudié et utilisé : il propose de créer, pour chaque apprenant, une méthode spécifique et active de mémorisation, basée sur le fait de se tester régulièrement et intelligemment (principe de l’apprentissage du code de la route).
Cet apprentissage adaptatif s’appuie sur 3 réalités :
Il est inutile de réviser ce que l’on sait déjà
Il faut vérifier ce qu’on sait vraiment pour limiter l’impact du hasard
Il convient de revenir régulièrement sur une notion pour l’ancrer correctement
Une technologie qui doit encore faire ses preuves ?
L’adaptive learning est une tendance forte au service des formations digitales, mais sa délivrance effective est protéiforme. Dans sa forme d’expression la plus simple, on le retrouve sous forme d’un « pre-assessment test » (ou test de positionnement) qui va ensuite déterminer principalement les modules à affecter à l’apprenant et/ou leur niveau. Heureusement, la pertinence de ce test peut être alimentée par des algorithmes qui vont en améliorer le spectre, la durée et l’efficacité du questionnement, à condition bien sûr de les nourrir des datas d’importantes cohortes d’apprenants.
Une technologie qui présuppose une offre de formation variée et granulaire ?
Un cran plus loin, l’offre d’adaptive learning peut être l’ajustement automatique et en temps réel des modules à mettre en face de l’apprenant grâce aux LMS qui collectent génériquement des données sur les résultats aux évaluations intermédiaires, les durées d’apprentissages, les intervalles… Cela suppose une offre de formation granulaire très importante sur les thèmes ou cursus abordés, dont les écoles et organismes de formation ne disposent que rarement, obligeant mécaniquement à réduire la voilure de l’adaptation à l’apprenant.
LMS : Le learning Management System est un logiciel qui accompagne et gère un processus d’apprentissage ou un parcours pédagogique
De quoi peut-on rêver, en matière d’adaptive learning ?
La data utilisée aujourd’hui provient essentiellement des LMS, et est à mon sens polluée par le filtre qui existe naturellement entre la compétence opérationnelle et sa traduction en action de formation. On peut rêver d’un adaptive learning dont la data viendrait du workflow, et pousserait, en temps réel et en situation de travail, du contenu pertinent à l’apprenant. Imaginez que vous rencontriez des difficultés avec un nouveau logiciel ? Un pop-up s’ouvre et propose un support qui vous fait immédiatement monter en compétences et d’ancrer de façon durable le process, à condition d’utiliser fréquemment le logiciel… Certaines grandes entreprises internationales utilisent cette version très opérationnelle de l’adaptive learning, mais cela pose encore de nombreuses questions en matière de traitement des données personnelles, d’implémentation de outils du digital-learning dans les applicatifs des entreprises, de sécurité informatique, et plus généralement de la place de la formation dans le temps de travail et son financement.
Par Odile Jacotin-Legras, directrice de la Learning Factory à L’École supérieure de la banque