De la santé animale aux risques alimentaires en passant par la santé des végétaux, l’ANSES œuvre en cas de crise sanitaire pour nous protéger. Cet organisme de recherche est également à l’initiative de bon nombre de décisions politiques. Comment contribue-t-il à notre sécurité ? Gilles Salvat, promu Directeur Général Délégué à la recherche et à la référence, nous emmène dans les coulisses de l’ANSES.
Qu’est-ce que l’ANSES ?
L’ANSES signifie Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Il s’agit d’une agence de sécurité sanitaire issue de la fusion entre l’AFSSA [Agence française de sécurité sanitaire des aliments, NDLR] et l’AFSSET [Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, NDLR]. Nous traitons de sujets liés aux risques auxquels l’homme est confronté dans son alimentation, environnement et travail. Nous nous occupons également de la santé animale et végétale. En sus, nous délivrons les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, des médicaments vétérinaires et des biocides. Enfin, nous évaluons les risques des produits liés au tabac.
Comment cela se traduit-il concrètement ?
En France, l’ANSES possède 11 laboratoires de recherche et de référence sur les maladies animales dont celles transmissibles à l’homme, les maladies des plantes, etc. Les ministères nous saisissent en cas de crise sanitaire pour confirmer les études menées par les laboratoires de première intention. Par la suite, notre rôle est de déterminer l’origine des contaminants et de trouver des moyens de lutte et de prévention.
Pourquoi est-ce important d’avoir une institution comme l’ANSES ?
L’ANSES a été créée pour séparer la partie évaluation des risques de la décision politique. Ainsi, les syndicats, les ministères ou les associations peuvent nous saisir, mais notre jugement est objectif et se base sur la recherche et l’expertise scientifique. Ces temps-ci, de nombreuses questions sont soulevées autour des perturbateurs endocriniens, du glyphosate, de la salmonellose. Notre rôle d’agence indépendante est plus important que jamais !
Quel est votre impact en Europe ?
Chacun des pays héberge des instituts équivalents à l’ANSES. L’Union européenne a également mis en place une entité qui recouvre l’essentiels de nos champs de compétences, nommée l’EFSA. Aujourd’hui, nous sommes les porteurs du programme EJP One Health. Ses actions porteront sur les zoonoses alimentaires ou maladies transmises par les aliments, la résistance aux antibiotiques ainsi que les maladies émergentes, transmises de l’animal à l’homme.
Comment travaillez-vous avec l’enseignement supérieur ?
Nos laboratoires de recherche collaborent étroitement avec les COMUE locales. Nous accueillons également des doctorants, actuellement entre 70 et 80. Nous sommes aussi associés à de nombreux enseignements et événements organisés par les universités. Nous attachons une grande importance à travailler avec l’enseignement supérieur en termes de recherche, dès lors que les proximités thématiques et géographiques s’y prêtent. Nous sommes très impliqués dans les écoles d’agronomie ou vétérinaires, puisque nous sommes membres d’Agreenium [l’institut agronomique, vétérinaire & forestier de France, NDLR].
Vous venez d’arriver à la tête de la recherche à l’ANSES, avec quels projets ?
Ma première ambition est de consolider nos partenariats au niveau national et international avec les grands organismes de recherche. Ensuite, en nous basant sur l’évaluation collective de 2016, nous comptons rapprocher nos laboratoires les plus modestes mais néanmoins essentiels à notre politique de recherche, de plus grands ilaboratoires de recherche situés à proximité ou en cohérence thématique. Enfin, une qualité de nos chercheurs sur laquelle je veux insister en tant que DG délégué à la recherche est leur capacité à développer de la recherche sur le terrain. Comme j’aime le dire, nos collaborateurs passent souvent des bottes aux séquenceurs.
Pourquoi rejoindre l’ANSES ?
Quand on est un doctorant, l’ANSES offre un formidable terrain de jeu en prise avec les préoccupations actuelles de la société. Nous rejoindre c’est l’assurance d’évoluer dans la recherche fondamentale, mais également dans la recherche appliquée en prise avec les besoins de la décision publique et de la sécurité sanitaire au sein des entreprises. Nous valorisons le parcours professionnel en doctorat. Nous proposons également des postes dans l’évaluation des risques. Notre force réside dans notre mode de recrutement qui ne passe pas par le concours, mais par l’entretien. Nous sommes donc ouverts aux profils très divers.
À quelle prise de conscience ou prise de décision a contribué l’ANSES en 2017 ?
Nous avons été pionniers sur les sujets des perturbateurs endocriniens ou sur les évaluations des risques liées au bisphénol A. En 2016, nous avions déjà retiré 130 préparations au glyphosate de la circulation. Début 2017, nous avons été grandement mobilisés sur les cas d’influenza aviaire qui touchait de nombreux canards et nous avons été capables de confirmer que le virus ne se transmettait pas à l’homme. Nous avons également mené des recherches inédites sur les campylobacters, qui représentent la première cause de toxi-infection en France chaque année. Nous avions longtemps pensé que cela se développait dans les viandes de volaille à cause d’une mauvaise manipulation en cuisine. Aujourd’hui, nous nous sommes rendu compte que la viande hachée de bœuf insuffisamment cuite comportait vraisemblablement également des risques. Nous travaillons toujours sur ce sujet pour pouvoir soumettre des pistes de décisions aux pouvoirs publics.
Quelles sont vos pistes d’étude pour 2018 ?
Notre particularité est d’être des sentinelles qui surveillent les moindres crises sanitaires. Nous déployons toutes nos équipes dans la lutte contre ces nouvelles maladies. Nous ne connaissons donc pas toujours les projets sur lesquels nous allons œuvrer, cependant, deux grands travaux sont en cours :
– La fièvre aphteuse. Nous venons d’obtenir le mandat de référence européen sur la maladie. C’est une maladie dont on ne parle plus, mais qui touche encore de nombreux bovins de par le monde et dont l’Europe souhaite rester indemne.
– Les produits phytopharmaceutiques. Nous délivrons les autorisations de mise sur le marché de ces produits. Nous allons œuvrer pour réduire leur consommation, comme pour les antibiotiques, au profit d’une utilisation plus raisonnée.