Petit nouveau ? Alors que le bio était il y a quelques années encore cantonné aux magasins spécialisés, il est aujourd’hui en passe de devenir LA star des rayons des supermarchés. Comment la grande distribution s’est-elle emparée du phénomène ? La bio touch, pourquoi ça marche ? L’éclairage de Rémy Gerin, directeur exécutif de la chaire grande consommation d’ESSEC Business School.
Le bio est dans toutes les bouches. Si le célèbre label français « Agriculture biologique » existe depuis 1985, c’est dans les cinq dernières années que la consommation de bio s’est accélérée. Preuve en est, 71% des Français en consommaient au moins une fois par mois en 2019, selon une étude Spirit Insight pour l’Agence bio.
Les supermarchés loin devant
Et contrairement à l’image que l’on peut s’en faire, ce n’est pas au marché que les Français s’approvisionnent mais bien dans les moyennes et grandes surfaces. 77 % des achats de bio se font dans ces magasins, contre 27 % au marché et 24 % dans les magasins spécialisés (source : Spirit Insight pour l’Agence bio). Les raisons ? « La France entière passe chaque semaine dans les supermarchés. Chez Leclerc, Auchan, c’est 1 million de consommateurs par jour, expose Rémy Gerin. Et surtout, les produits bio sont moins chers en supermarché que dans les magasins spécialisés. »
Prix du bio : UFC-Que-Choisir alerte L’association de consommateurs alertait dans un article en date d’août 2019, sur les sur-marges faites par la grande distribution, notamment pour les produits bio les plus consommés. Exemple, pour la pomme de terre, la tomate et la pomme, les marges brutes seraient respectivement de 83 %, 109 % et 149 % supérieures au conventionnel. La palme reviendrait au poireau, pour lequel la grande distribution margerait 2,5 fois plus que sur le conventionnel.
Les marques bio ont la cote
Et côté communication, la grande distribution est experte ! L’une de ses stratégies : une double implantation de produits bio dans les magasins, avec un univers dédié au bio puis des produits biologiques rangés avec les produits conventionnels, par catégories. Autre réussite : la création de leur propre marque bio. « Le but ? Installer dans l’esprit des consommateurs que l’enseigne s’engage pour eux », explique le directeur de la chaire grande consommation de l’ESSEC. Pari gagnant pour les grandes enseignes qui voient un triple avantage à surexposer le bio. « Répondre à l’attente des consommateurs, miser sur une bonne image… et bien gagner leur vie ! » résume Rémy Gerin.
Les hyper sont verts : vrai ou faux ?
Mais s’agit-il alors de communication ou d’un vrai investissement ? Pour Rémy Gerin, les supermarchés ne font pas de green-washing. « Leur produits sont labellisés bio et on ne triche pas avec ce label, assure l’expert. Et ils font 5 % de leur vente avec : c’est du business, oui, mais de la com’, non ».
Circuits-courts et emballages : les défis de demain De nouveaux challenges émergent pour les grandes surfaces. La question des emballages d’abord. « L’emballage a une vertu de protection qui va revenir à l’ordre du jour avec le Covid-19, rappelle Rémy Gerin. Le problème est le suremballage, conçu par les industriels. La grande distribution fait la guerre à ses fournisseurs pour les alléger. » Les circuit-courts ensuite. « Les consommateurs demandent des produits locaux. Ce qui vient de loin fait peur, ce qui est près nous rassure. Un phénomène voué à s’accélérer avec le coronavirus », analyse Rémy Gerin. La grande distribution va alors être amenée à faire évoluer l’offre en fonction des attentes des consommateurs. « Les produits de fabricants locaux sont encore très à la marge dans les rayons des supermarchés mais cela va se développer », prédit Rémy Gerin.