Le cinéma chinois : le miroir d’une société

L’Europe n’a connu qu’avec retard le cinéma chinois, il aura fallu attendre les années 70 pour que les spécialistes prennent connaissance des oeuvres de cinéma chinois allant des années 20 jusqu’à la proclamation de la République Populaire le 1er octobre 1949.

Passée cette date, le pouvoir communiste est installé et impose une influence considérable sur l’ensemble de l’oeuvre culturelle chinoise, y compris son cinéma. Un cinéma socialiste d’état s’impose donc, mettant en avant l’idéologie et de côté les réalisateurs ; des centaines d’oeuvres sont produites par an. Une fois Mao mort en 1976, la chape de plomb se soulève, mais tout le cinéma chinois est à reconstruire. C’est alors qu’apparaît au début des années 80 une nouvelle génération de cinéastes (appelée la 5e génération) qui a contribué à faire connaître le cinéma chinois à l’échelle internationale. On citera par exemple Chen Kaige et son film culte, Terre Jaune, sorti en 1984, relatant l’histoire d’un soldat venu recueillir des chants populaires dans la campagne chinoise faisant la rencontre d’une jeune fille qui, selon la tradition féodale, s’est vu attribuer un mari dont elle ignore tout et qu’elle ne veut pas. Celle-ci, déterminée à le suivre, dessine déjà les contours d’une Chine qui s’émancipe peu à peu de certaines traditions. Ces cinéastes des années 80 affirment leur autonomie tandis que la Chine se modernise ; ces artistes recherchent une identité sociale nouvelle et redressent certaines visions de l’histoire. D’autres oeuvres apparaissent alors : Epouses et Concubines de Zhang Yimou ou encore L’incident du canon noir de Huang Jianxin. Ces oeuvres ont pour point commun de mettre davantage en avant l’individu, occulté pendant de longues années de communisme.
Enfin, dans une Chine qui s’éveille à la mondialisation apparaît une 6e génération de cinéastes ; alors que leurs prédécesseurs étaient plutôt formés dans la tradition qu’ils ont revu, cette nouvelle génération a été habituée aux images rapides de la télévision américaine, et lorsqu’elle se met à réaliser des films après les événements de Tian An Men (4 juin 1989) elle délaisse les problèmes de la campagne pour s’attaquer aux sujets urbains et à des thèmes de plus en plus controversés, au risque de ne pas être produits dans leur propre pays. Avec son entrée dans l’économie de marché, le cinéma chinois prend donc un nouveau tournant sous l’influence de blockbusters. De nouveaux réalisateurs apparaissent comme Feng Xiaoguang ou Jia Zhangke qui, avec des styles narratifs différents, enrichissent le marché.
Ce cinéma est à distinguer de celui de Hong Kong, qui acquiert véritablement une renommée mondiale dans les années 1990, un grand nombre de talents s’y créent et s’expatrient progressivement : Jet Li et John Woo s’envolent directement vers Hollywood pour produire des films à succès mondial, comme Volte-Face (1997) pour ce dernier, mettant face à face Nicolas Cage et John Travolta. Jackie Chan et ses fameux Rush Hour contribuent également à cette renommée internationale. Cependant, à partir des années 2000, alors que le cinéma hongkongais décline peu à peu après l’apogée qu’il a connu dans les années 90, le cinéma continental, lui, continue sa lente progression. Finalement, cette nouvelle génération de cinéastes qui peine parfois à se faire connaître, dépeint ce nouveau portrait de la société chinoise, plus personnel, plus indépendant et contribue à nous faire mieux connaître cette culture et ce pays dans sa lente évolution politique et sociale.

 

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