Le Grand Témoin : Julie Chapon, co-fondatrice de Yuka, l’application mobile à succès

© Portrait Madame
© Portrait Madame

Vous connaissez forcément Yuka, l’application pépite de FoodTech qui permet de scanner vos produits pour connaître leur impact sur votre santé et sur l’environnement. Créée en 2017, l’appli est devenue incontournable en quelques mois seulement. Six ans plus tard, Julie Chapon, sa co-fondatrice, vous révèle les ficelles de sa création. Startupers en herbe, prenez des notes !

Vous avez cofondé Yuka avec deux frères. Une anecdote que vous n’avez racontée à personne (ou presque !) sur la création de cette célèbre appli ?

Quand nous avons commencé à développer le projet, nous travaillions le soir ou le week-end car nous avions tous un boulot à côté. Il fallait ainsi trouver des lieux qui étaient ouverts tard le soir et tous les jours. Nous avons fait plusieurs sessions de travail dans des MacDo et KFC car ils sont ouverts tout le temps et qu’il y a des prises de courant à disposition. Donc on travaillait sur un projet sur l’alimentation saine… depuis des fastfoods !

Est-ce qu’une bonne idée de startup naît toujours d’une passion, à l’image de votre penchant pour la nutrition ?

J’ai envie de dire que pour nous, oui ! Nous n’aurions pas pu le faire si nous n’étions pas passionnés par le sujet. Mais ce qui s’applique à notre histoire ne s’applique pas forcément à tout le monde. Beaucoup de personnes montent des startups sur des sujets pas très funs car ils y voient une opportunité. On peut lancer une boîte sans être passionné à la base et se passionner par la suite.

Question pragmatique de startuper en herbe : comment obtenir le financement d’une application ou d’une solution digitale à développer, comme Yuka ?

Ce n’est pas forcément coûteux à développer si on s’associe aux bonnes personnes ! Chez Yuka, François, un des trois fondateurs, développait déjà des applis. Cela n’a donc rien coûté à part de son temps. Ça me parait compliqué de lancer une application mobile sans avoir, en interne, une personne du côté technique. Aussi, mon autre associé Benoît, dont ce n’était pas le métier, a appris à développer en six mois pour coder sur Android pendant que François développait sur iOS. Nous n’avions pas les moyens de prendre un freelance, donc Benoît s’est formé tout seul pour apprendre à coder, aidé par son frère. Aujourd’hui, il existe plein de solutions pour se former et apprendre à coder. Il ne faut pas que le budget soit un frein. Si on veut sortir une appli mobile, on peut le faire sans avoir à lever des fonds, en s’entourant intelligemment et en se formant. De plus, pour un démarrage de projet, il n’est pas nécessaire de développer une application complète avant d’avoir testé s’il y a une appétence sur le sujet. Je me souviens : nous avons testé Yuka en imprimant des maquettes sur du papier et en les montrant aux gens pour voir si ça leur parlait.

Avez-vous eu un élément déclencheur dans votre parcours qui vous a fait comprendre que vous étiez faite pour entreprendre ?

Au départ, l’entrepreneuriat ne me parlait pas du tout et je n’avais personne dans mon entourage qui s’était lancé. Le déclencheur a eu lieu au bout de cinq ans dans mon cabinet de conseil. Un jour, François m’a dit qu’il s’était inscrit à un hackathon sur la FoodTech avec son frère. Je m’ennuyais un peu dans mon boulot, donc j’ai eu un déclic. J’ai trouvé ça génial de développer et piloter le projet. Il se trouve qu’en plus, nous avons gagné le hackathon. C’était la première fois que je bossais un week-end entier en aimant ça !

On parle souvent « d’esprit startup ». Quel sens donnez-vous à cette expression ? Et comment garder cet esprit quand la startup grandit ?

Pour nous l’esprit startup, ça correspond à une structure très agile et capable de lancer très rapidement des choses, de les tester et d’arrêter si ça ne marche pas. C’est la liberté de lancer plein de choses. Chez Yuka, on maintient une petite équipe de dix personnes et on ne bouge pas. Comme ça, tout le monde est au courant de ce qui se passe en interne et on sait exactement quel interlocuteur consulter en fonction des demandes. Cela permet aussi d’être extrêmement autonome et polyvalent sur de nombreux sujets. Beaucoup de startupers ont de grandes ambitions, mais parfois, passer de vingt à cinquante salariés n’a pas de sens en soi… en dehors de l’ego !

D’après vous, quelle est la meilleure manière de se préparer à l’entrepreneuriat ?

Je ne m’y suis pas du tout préparée ! A l’époque, il n’y avait pas de master entrepreneuriat à l’EDHEC. Pour moi, on a besoin de rien, à part être motivé. Quand on est investi sur un projet, on trouve toujours les moyens de se débrouiller et les bonnes solutions. Il est toujours possible de se renseigner sur comment faire un business model. La preuve : nous n’avons pas eu de cours. Benoît, par exemple, sortait de dix ans dans les achats en banque et assurance. On peut dire qu’il était très éloigné de notre secteur ! Dès qu’il y avait quelque chose que l’on ne connaissait pas, on prenait le temps de se former et de se renseigner. Tout cela s’apprend sur le tas et c’est justement ça qui rend l’entrepreneuriat accessible à tout le monde.

Dans dix ans, vous imaginez-vous continuer à développer de nouveaux challenges pour Yuka, ou bien plutôt à la tête d’un nouveau projet entrepreneurial ?

J’ai déjà du mal à dire où on sera dans six mois, alors dans dix ans… Chez Yuka, nous ne faisons pas de plan à un an, trois ans ou cinq ans comme dans les grandes entreprises. Nous faisons des plans à six mois, car sur une petite structure comme ça, en six mois il se passe déjà beaucoup de choses ! En tout cas, aujourd’hui, je ne me vois pas du tout partir sur un autre projet.

Le conseil que vous auriez aimé avoir en vous lançant dans l’aventure entrepreneuriale ?  

Ne vous prenez pas la tête avec le business model. Quand on lance une boîte, on se dit qu’il faut absolument définir le business model, voir comment notre startup va être viable à trois ou cinq ans. Mais si le produit marche, qu’il rencontre une demande et répond à un besoin, le business va venir tout seul ! Mieux vaut ne pas trop perdre du temps sur cette partie et plutôt tester sa solution et récolter un maximum de retours pour l’améliorer. Nous avons perdu du temps là-dessus. Et quand on regarde ce que l’on a construit à l’époque, cela n’a vraiment rien à voir avec le business model d’aujourd’hui. C’est véritablement quand nous avons commencé à développer que sont venus les prismes essentiels de notre projet. Enfin, le meilleur conseil, c’est de suivre son intuition. Ecouter les conseils, c’est bien, mais il ne faut pas toujours les appliquer. Ce n’est pas parce que ça a marché pour une personne que ça va marcher pour les autres. La recette du succès n’est pas la même pour tous et pour tous les secteurs. Il est donc nécessaire de prendre du recul et de suivre ses intuitions. Une personne reconnue dans le milieu de la FoodTech m’avait par exemple dit que personne ne scannerait des produits en magasin, que les gens avaient autre chose à faire… Et heureusement, on ne l’a pas écoutée !

Imprimer

Articles qui pourraient vous intéresser également

Inscrivez-vous à notre newsletter !

Vous pouvez vous inscrire à notre newsletter en cliquant sur le lien suivant :

inscription à la newsletter