arrivee de maud fontenoy d un tour du monde a contre courant (photo:raymond wae tion)

Le Grand témoin – Maud Fontenoy

Navigatrice aux multiples exploits, mère de famille et femme engagée pour la sauvegarde de l’environnement et des océans, Maud Fontenoy a fait de l’éducation son combat. Défenseure d’une écologie pragmatique et positive, elle travaille aux côtés de la jeunesse et des entreprises pour que chacun puisse, à son niveau, agir pour la planète. Rencontre.

 

Agée de sept jours à peine, Maud Fontenoy embarque sur la goélette familiale pour 15 ans de vie au large, entre apprentissage de la navigation et éducation à la nature et à la mer. Une vie au large qu’elle voit même au grand large lorsqu’en 2003, elle décide de se lancer dans l’incroyable aventure de la traversée de l’Atlantique Nord à la rame, en solitaire et sans assistance. Une première féminine bouclée en 4 mois. En 2005, elle retente le pari mais dans le Pacifique cette fois, entre le Pérou et les Iles Marquises. Une performance unique qui lui vaut d’être élue Personnalité de l’année par le Time Magazine. En 2007, elle troque les rames pour la voile et part pour un tour du monde à contre-courant et sans assistance. 150 jours et 3 caps franchis plus tard, elle compte un nouvel exploit à son actif.

Après avoir passé plus de de temps sur les mers que sur la terre, Maud Fontenoy s’engage plus que jamais pour l’éducation. Raconter les effets visibles de la pollution et du réchauffement climatique sur ces océans qu’elle connait si bien, former la jeunesse à la sauvegarde des espaces marins : voilà ce qui anime cette femme engagée.

Présidente de la Maud Fontenoy Fondation, porte-parole de la Commission Océanographique de l’UNESCO, Ambassadrice pour l’Education à la Mer et les classes de Mer, elle porte aujourd’hui un discours pragmatique sur l’environnement. « Chacun d’entre nous peut agir ! » : tel est son mot d’ordre.

 

Qu’est-ce que l’écologie réaliste et pragmatique que vous prônez ?

On ne peut pas toujours revenir sur le constat du « tout va mal ». Même si le grand public en a pris conscience peut être un peu tardivement, aujourd’hui, tout le monde sait que la planète est en danger et qu’il faut agir vite. Et pour la sauvegarder, il faut apporter de la connaissance et des faits scientifiques afin de permettre à chacun de se demander : concrètement, c’est quoi avoir un impact sur l’environnement ? Quel est le meilleur levier sur lequel travailler ? Où suis-je le plus efficace ? En clair, il est peut-être préférable de faire la moitié de quelque chose que l’intégralité de rien du tout. Non pas que nous ne soyons pas dans l’urgence, mais parce qu’il faut embarquer tout le monde dans ce défi passionnant du changement.

 

Une écologie positive donc ?

Je le vois toutes les semaines dans le cadre de mon travail auprès des écoles, avec la nouvelle génération, il faut effectivement réinventer les choses avec enthousiasme, avec passion, tout en pensant rentabilité et durabilité. Personnellement, je ne pense pas que le catastrophisme soit le meilleur des moteurs. Le risque est que cela paralyse même les meilleures volontés. Donnons-nous les moyens d’agir car il y a tout à y gagner ! L’ensemble des programmes pédagogiques que nous proposons aux classes, en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale, sont toujours très factuels et apportent une multitude de solutions concrètes.

 

Activiste, un mot qui vous parle ?

Un activiste c’est celui qui lance l’alerte et qui montre que c’est possible de s’engager. Je crois qu’il nous appartient d’être le plus activiste possible, tout en restant modéré, à l’écoute. Je suis contre les mouvements violents qui n’aurait de cesse de montrer les autres du doigts. Nous ne sommes pas dans une dichotomie avec les « gentils » d’un côté et les « méchants » de l’autre. Nous voulons tous sauver la planète et nous pouvons le faire, ensemble. N’oublions jamais que la nature détient un bon nombre des réponses aux questions de nos sociétés : Energies, emplois, médicaments, oxygène, nourriture, métaux précieux et tant d’autres trésors indispensables à notre survie. Il ne s’agit pas d’un combat de l’humain contre la nature mais bien d’interdépendance. En voici un bel exemple. Un cabinet d’architecture parisien a mis au point des bio-façades, des sortes d’aquariums verticaux remplis de plancton qui peuvent doubler ou même remplacer une façade classique. Un système isolant qui permet en plus d’économiser plus de 50 % de l’énergie thermique nécessaire au bâtiment.

 

On peut donc tous être activiste à notre façon ?

Absolument. Choisir d’aller au travail à pieds ou en vélo plutôt qu’en voiture, manger des produits de saison… ces actes du quotidien peuvent paraitre dérisoires face au problème, mais ils sont aussi des façons d’agir. Mais là encore, il s’agit de se mettre en mouvement et de comprendre que cela nous concerne tous. C’est de notre survie et de la structuration de nos sociétés de demain dont il est question !

 

Votre conseil aux entreprises pour faire rimer économie et écologie ?

Elles ont pris conscience des enjeux. Elles entreprennent des stratégies RSE pour elles mais aussi pour répondre aux attentes de leurs actuels et futurs collaborateurs et de leurs clients, qui eux aussi ont pris veulent que ça change. Bien sûr, intégrer le développement durable dans son business model n’est pas forcément évident. Cela répond à un process global qui implique de la traçabilité, la responsabilité de tout ce qu’elles prélèvent, produisent, recyclent… Mais en réalité, ça enclenche un cercle économique vertueux qui fonctionne comme dans la nature. L’arbre pousse, les feuilles tombent, les champignons fertilisent les arbres pour qu’ils poussent mieux… Il n’y a pas de déchets dans la nature, tout ce recycle. Alors pourquoi ne pas faire pareil dans les entreprises ? La nature, c’est comme une immense bibliothèque : en gérant mieux ses ressources, l’humain peut avoir un impact positif sur la nature. C’est gagnant, gagnant.

 

Des exemples ?

La peau des requins a une constitution telle qu’elle empêche naturellement les bactéries d’y adhérer. Plutôt que de faire un carnage pour exploiter leurs ailerons, pourquoi ne pas s’inspirer de ses propriétés pour équiper les blocs opératoires et lutter contre les infections nosocomiales qui infectent 450 000 personnes chaque année en France ?

Il en va de même avec la barrière de corail, le berceau de la vie. Elle absorbe 90 % de la force des vagues et agit donc comme la meilleure de toutes les digues. La préserver ce n’est pas juste conserver la beauté du corail, c’est une question de survie.

Le ver arenicole (celui qui produit les petits tortillons de vase sur les plages à marée basse) a aussi des propriétés incroyables. Son hémoglobine, proche de celle de l’être humain, a un pouvoir oxygénant 40 fois supérieur à la nôtre et est compatible avec tous les groupes sanguins. Quels progrès cela pourra engendrer pour la médecine ! La nature est sous nos yeux et peut nous apporter beaucoup. Il ne faut pas brûler la forêt mais au contraire comprendre la pharmacie géante qu’elle représente.

 

L’argument qui tue face à un climato-sceptique ?

Je ne suis pas certaine qu’il y ait encore des climato sceptiques. Des gens qui ne se sentent pas concernés, oui, mais surtout par manque de connaissances. Montrez leur les impacts du développement durable sur l’économie ou sur leur santé et ça les intéressera. Ça ne va peut-être pas assez vite face à l’urgence de la situation mais il faut relever les défis les uns après les autres.

 

Mais d’où vient la solution alors ?

De chacun d’entre nous ! Dès lors que l’on est réaliste et en cohérence avec ses actes. Il faut soit même changer ses comportements, trouver les moyen de bien choisir l’entreprise où on va travailler par exemple. Ne pas juste être dans la dénonciation, avoir le courage de se regarder dans le miroir. Choisir ses habits, son alimentation, son téléphone portable, ses moyens de transports : ce sont aussi des engagements.

 

Deux gestes écoresponsables faciles et qui changent tout ?

Changez votre alimentation. Mangez moins de viande (cela permet aussi de pouvoir s’offrir de la meilleure qualité), plus de végétaux et de légumineuses. Les protéines animales ont un énorme coût environnemental et elles ne pourront pas nourrir la population mondiale.

Utilisez de la crème solaire bio, un écran minéral qui ne dégrade pas les coraux et les océans.