S’il fallait retenir un qualificatif pour définir les évolutions vécues dans le secteur du luxe en ce début de 21ème siècle, ce serait « bousculé ». L’univers du luxe est bousculé par les évolutions, voire les révolutions, sans précédents des modes de production, de distribution et de consommation. Il l’est également par l’arrivée de nouveaux acteurs, insoupçonnés il y a encore quelques années, qui tentent de prendre leur part de cette industrie si attractive. Enfin, il est bousculé par les innovations technologiques incessantes des dernières années. Par Michel Phan, Professeur de marketing luxe et directeur du Master of Science in Luxury management and Marketing – emlyon business school
« See now, buy now », quèsaco ?
Le modèle de production traditionnel du luxe a fondamentalement changé. Sous la pression des ONG et des consommateurs, beaucoup de maisons de luxe abandonnent l’utilisation des fourrures animales, voire des peaux exotiques. La traçabilité de la production des produits de luxe devient un sujet d’actualité et d’importance pour tous. Les cycles de production se raccourcissent pour satisfaire les consommateurs à la poursuite de l’immédiateté. On a même donné un nom à cette tendance, le « see now, buy now ». Traditionnellement il fallait environ six mois entre la présentation d’une nouvelle collection de prêt-à-porter et sa disponibilité en boutique. Aujourd’hui ce délai s’est raccourci à quelques jours à peine ! La demande croissante des clients pour « consommer plus responsable » amène les maisons de luxe rechercher des matières biologiques et naturelles, comme le coton, la soie ou la laine, et à en faire un argument de communication et de positionnement marketing.
Luxe et e-commerce
Les modes de distribution des produits ont aussi fortement évolué depuis ces dernières années. Si les boutiques physiques ont encore de beaux jours devant elles, elles ne sont plus les seuls endroits où les consommateurs achètent les produits de luxe. Le e-commerce, et de plus en plus le m-commerce (ou mobile commerce : on achète avec son smartphone partout dans le monde), s’ajoutent aux boutiques. En Chine, les maisons de luxe commencent à vendre sur WeChat, le réseau social utilisé quotidiennement par plus d’un milliard de chinois.
Le poids des influenceurs…
Le consommateur moderne de produits de luxe a lui aussi changé. Il s’informe sur les réseaux sociaux via des « influenceurs » ou des célébrités avant de se décider. Le rôle des publicités et des magazines de mode s’atténue et va probablement disparaître. Pour acheter le produit, le consommateur a le choix entre plusieurs canaux possibles et plusieurs zones géographiques. Les barrières physiques et géographiques n’ont plus aucune importance. Et si par hasard, il n’était pas satisfait des choix offerts par les maisons de luxe, il pourrait créer ou co-créer « son » produit de luxe correspondant parfaitement à ses désirs. Enfin, l’industrie de luxe voit arriver, avec ou sans invitation, de nouveaux acteurs qui comptent bien profiter de sa santé éclatante. Ces dernières années ont vu pas moins d’une dizaine de maisons de luxe européennes passer sous contrôle de propriétaires non-européens (qataris, chinois, indiens, …). Ils apportent de nouveaux capitaux leur permettant de se développer ou de survivre tout simplement, comme dans le cas de la maison Lanvin.
… et de l’IA !
Les innovations technologiques quant à elles bouleversent littéralement l’industrie du luxe. Elles révolutionnent le secteur et forcent les maisons de luxe à penser différemment. Il n’y a pas si longtemps, qui aurait imaginé qu’un jour l’intelligence artificielle (IA) choisirait un parfum pour nous ? Que nous paierions nos achats sans passer par la caissière ? Que les maisons de luxe communiqueraient seulement sur les produits qui nous intéressent au moment qui nous convient le mieux sur notre smartphone ? Fini le temps de publicités intempestives et de masse. Nous ne sommes qu’au début du 21e siècle. Qu’adviendra-t-il de cette industrie avec l’arrivée des ordinateurs quantiques et de leur puissance inimaginable qui vont (encore) révolutionner nos savoir-faire actuels ? L’avenir nous le dira… très vite !