C’est aux Etats-Unis à partir de la fin des années 80 que l’on peut identifier les prémisses de la construction du marketing vert. Plus récemment, Elisabeth Laville, dans son ouvrage intitulé « L’Entreprise Verte » (1), nous apporte à partir de la notion générique de « marketing responsable » tous les éléments de distinction nécessaires pour appréhender et comprendre cette nouvelle coloration du marketing. Ainsi, le marketing responsable englobe non seulement le marketing éthique (respect des promesses annoncées, intégrité et transparence, etc.) et le marketing social qui promeut les comportements durables (sensibiliser le grand public et encourager des pratiques plus responsables) mais aussi le marketing vert qui « consiste à concevoir et promouvoir des produits et des services apportant une valeur ajoutée écologique à l’une au moins des phases de leur cycle de vie ». Cette valeur ajoutée est susceptible de s’inscrire dans différentes stratégies d’entreprises afin de satisfaire les exigences des consommateurs qui demeurent encore très sensibles aux prix des produits verts.
Marketing vert et stratégies des entreprises
Le marketing vert se pratique en fonction des engagements pris dans le cadre de la politique de développement durable. Trois stratégies sont alors possibles (2) : accentuer (mettre en avant des attributs verts dans le portefeuille de produits existants), acquérir (faire l’acquisition de marques vertes) ou architecturer (construire une offre à partir de rien en s’appuyant sur l’innovation). Quelle que soit la stratégie adoptée, le point central est le degré de sincérité que les marques sont prêtes à engager. Ainsi, certaines d’entre-elles ont été accusées de « greenwashing » par les organismes tels que Greenpeace. Il s’agit de simplement habiller de vert les produits et / ou les messages publicitaires sans réelles valeur ajoutée écologiques. Le marketing vert est donc sous étroite surveillance car ses pratiques ne sont pas si éloignées de celles du marketing traditionnel. Or, il suscite aussi des attentes fortes dans un contexte sociétal où une tendance « à consommer moins mais mieux » s’installe peu à peu et nécessite de répondre à plus de transparence. De plus, le marketing vert est porteur de solution dans la construction de nouveaux modèles de croissance mais se heurte encore à d’importantes difficultés notamment en matière de politique de prix.
Marketing vert et démocratisation de l’offre
Le prix demeure le frein le plus important en matière d’achat de produits verts. Les enseignes de la grande distribution ont donc multiplié les efforts de démocratisation en proposant des produits verts, de qualité et moins chers. Leurs dernières campagnes de communications ne manquent pas d’arguments : « Le bio moins cher chez Leclerc », « 50 produits Bio Auchan à moins de 1€ », ou bien encore côté hard discount « Chez ED, le Bio tous les jours ce n’est pas du luxe ». Cette guerre des prix est-elle cependant réellement pertinente ? Une étude récente réalisée à partir des données du panel MarketingScan (3) a montré que les leviers traditionnels du marketing n’ont pas les mêmes effets sur l’achat de produits bio que sur les produits conventionnels. Le prix représente de loin la variable la plus surprenante en la matière. En effet, l’achat de produit bio sur les catégories étudiées dans le panel a tendance à diminuer quand le prix baisse. Même constat quant à l’usage des techniques promotionnelles qui restreint la demande de produits bio. En plus de révolutionner les leviers traditionnels, le marketing vert a donc bien des défis à relever pour contribuer à nourrir l’espoir d’un monde meilleur.
(1) « L’Entreprise Verte », Elisabeth Laville, Editions Pearson, 2009, p. 274.
(2) « Growing Green, Three smart paths to developing sustainable products », Gregory Unruh et Richard Ettenson, Harvard Business review, June 2010, p. 94-100.
(3) Etude de Paul V. N’GOBO dans Journal of Retailing, n°87, vol. 1, 2011, p. 90-100.
Par Sylvie Jean, professeur de Marketing, Edhec Business School