Le match : La discrimination peut-elle être positive ?

discrimination positive
Diane Roman - crédit Pascal Levy Université Paris I Panthéon-Sorbonne

« Une discrimination ne peut pas être positive, puisqu’elle revient à refuser arbitrairement un droit ou un service » – par Diane Roman, Professeure à l’École de droit de la Sorbonne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Membre de l’Institut universitaire de France

Juridiquement, une discrimination est une différence de traitement réunissant deux conditions cumulatives : d’une part, être fondée sur un critère défini par la loi (sexe, âge, handicap, orientation sexuelle ou convictions politique… avec plus de 25 critères de discrimination, la liste de critères interdits par le droit français est fort longue !) et, d’autre part, relever d’une situation visée par la loi (accès à un service, un emploi, un logement…). Mais pour que ce soit une discrimination, cette distinction doit conduire à un traitement défavorable. Dès lors, une discrimination ne peut pas être positive, puisque, par hypothèse, elle revient à refuser arbitrairement un droit ou un service.

L’interdiction des discriminations peut se prévaloir d’une conception universaliste de l’égalité. Mais l’égalité, aveugle aux différences, ne doit pas conduire à un aveuglement face aux expériences de vie différenciées vécues par certaines catégories de personne. A ce titre, une conception enrichie de l’égalité, moins formelle et plus substantielle, justifie que des politiques publiques soient conduites en faveur de certains groupes sociaux. En droit français, principalement les femmes, les personnes en situation de handicap ou de précarité. Ces mesures, qui ont un objectif de lutte contre les inégalités sociales ou de promotion de la diversité peuvent, entre autres, prendre la forme d’impératif de parité en matière électorale, de quotas d’emploi ou de droits spécifiques. Elles ne constituent pas des discriminations mais des mesures positives qui, selon la formule de la Cour de justice de l’Union européenne, « visent effectivement à éliminer ou à réduire les inégalités de fait pouvant exister dans la réalité de la vie sociale ». En ce sens, la parité entre les femmes et les hommes n’est pas une discrimination, même positive, mais une mesure tendant à l’égalité réelle.

« La discrimination positive constitue un signal fort… à défaut de mieux ! » – Cécile Méadel,
Professeure des universités, Vice-présidente numérique et commission des droits de l’Université Paris-Panthéon-Assas

discrimination positive

La discrimination positive s’oppose au pacte républicain qui fonde notre démocratie : n’introduit-elle pas des distinctions qui rompent le principe d’égalité entre tous les citoyens, quels que soient leur origine, leur âge, leur religion et leur sexe ? Ne casse-t-elle pas le principe méritocratique que construit l’école ? Son application dans l’enseignement supérieur, en particulier par des universités américaines prestigieuses, a suscité de nombreux débats depuis les années 1960. En France, la politique d’ouverture menée par Sciences Po depuis 2001 en réservant des places à des étudiants via les Conventions d’éducation prioritaire demeure controversée. Les critiques sur le caractère limité des dispositifs, leur démagogie opportuniste, la création de nouvelles inégalités… ne sont pas infondées, mais elles négligent plusieurs points.

Ces politiques ont d’abord un effet fort en termes d’images et de représentations. Elles fournissent des modèles aux étudiants qui n’auraient pas suivi de tels cursus. Elles ouvrent la composition sociale des établissements, rompant ainsi l’entre-soi qui les caractérisent et cette ouverture est un enrichissement dans la formation elle-même. Les questions posées, les terrains explorés, les réactions se diversifient.   Elles ne sanctuarisent pas les différences, elles les utilisent de manière stratégique à défaut d’autres politiques plus efficaces. Leur abandon dans certaines universités américaines très sélectives a drastiquement réduit le nombre d’étudiants noirs, hispaniques ou autochtones. Bref, face aux très grandes inégalités dans l’accès à l’enseignement supérieur, la discrimination positive apporte une réponse certes très partielle à la ségrégation sociale, mais elle constitue néanmoins un signal fort… à défaut de mieux !

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