Nouveau rendez-vous pour le Monde des Grandes Ecoles et Universités : tous les mois, deux experts ou personnalités débattent d’un sujet brûlant autour d’une question polémique. Pour ce premier match, place au top management.
« Les top managers continuent de jouer un rôle essentiel en 2024 »
par Felipe Guzman & Johannes Claeys, professeurs de Leadership à l’IÉSEG et co-directeurs du Centre de Recherche ILEAD
En effet, ce sont des relais indispensables aux décisions prises par les décideurs individuels, tels que les PDG ou les dirigeants d’entreprise, pour trois raisons principales : la gestion de perspectives diverses, l’atténuation des biais cognitifs et la gestion des risques majeurs. Ensemble, les top managers peuvent s’appuyer sur un ensemble plus varié de compétences, d’expériences et de perspectives. Cela s’avère inestimable lorsqu’il s’agit de prendre des décisions et de résoudre des problèmes : la recherche montre que les équipes peuvent ainsi générer des solutions mieux adaptées aux besoins de l’organisation. Les top managers sont également mieux à même de gérer les biais cognitifs, tels que le biais de confirmation (lorsque des collaborateurs privilégient des informations qui confirment leurs choix et ignorent celles qui les remettent en cause). Au sein d’un groupe, en particulier d’un groupe composé de top managers, ces biais ont plus de chances d’être identifiés et évités : les échanges entre membres du groupe permettent en effet de mieux contrôler ces préjugés individuels. Enfin, les top managers ont tendance à être plus prudents, surtout comparé aux PDG avides de pouvoir qui ont une mentalité de Win Big or Go Home. Cela s’explique par le fait que les équipes de top managers sont mieux à même d’équilibrer les risques en tenant compte des multiples perspectives et menaces. À l’IÉSEG, nous insistons sur l’importance du travail en équipe comme moyen de stimuler l’innovation et d’atteindre les objectifs tout en soutenant et en respectant les valeurs de l’organisation.
« Le top management n’influe plus vraiment sur les destinées de l’entreprise et sur sa performance »
par Loïc Fourot, enseignant permanent à Ascencia Business School, responsable de la Chaire Ascencia x Fondation Mozaïk – Inclusion Économique & Promotion de la Diversité
Pour quelles raisons ? Tout d’abord, la composition du top management témoigne toujours d’une profonde endogamie : très majoritairement masculins, blancs de peau, âgés de la cinquantaine, diplômés des écoles les plus prestigieuses et issus de CSP+, les membres des équipes dirigeantes se ressemblent tous. Or cette quasi-absence de diversité au sommet des entreprises entrave le renouvellement des idées et par conséquent nuit à l’émergence de stratégies alternatives et à l’innovation. Ensuite, cet isomorphisme des équipes dirigeantes a pour corollaire un effet de mimétisme par lequel le top management des entreprises se contente de dupliquer les stratégies à la mode, habilement diffusées par les grands cabinets de conseil. Enfin, il est établi depuis plusieurs décennies que la latitude managériale des membres des équipes dirigeantes sur la performance de l’organisation (autrement dit la capacité à envisager une palette d’actions et à prendre des décisions engageantes pour son organisation) est éminemment dépendante de considérations propres à l’entreprise, des contraintes de son environnement et également des caractéristiques personnelles de ses dirigeants. Il est pour ces raisons notoire que la liberté d’action du top management s’est considérablement restreinte avec la mondialisation : au sein des entreprises multinationales, les équipes de direction des filiales ou de business unit ont pour unique mission de décliner localement les stratégies décidées au niveau de la maison-mère.