Le numérique, un facteur d’innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur

Le numérique bouleverse notre environnement quotidien dans toutes ses dimensions, y compris celle de l’apprentissage. Développement de nouvelles formes de présence et de participation, émergence de nouvelles formes collaboratives, apparition de nouveaux modes d’accompagnement et de tutorat, développement de nouvelles compétences et savoir-faire : la formation et l’enseignement supérieur ne sont pas épargnés par ce mouvement.

 

Nathalie Paille Salez-Babin
Rita Sassine

Les auteurs sont : Nathalie Paille Salez-Babin, Ingénieur pédagogique multimédia, Responsable de l’innovation pédagogique et de la cellule audiovisuelle pour l’enseignement à l’ESTP Paris, Administratrice de la plateforme pédagogique ecampus.estp.fr et Rita Sassine, BIM Manager au sein de la Direction des Etudes de l’ESTP

 

Rupture numérique mais pas rupture de présence

Cette transformation ne peut pas être réduite à une superposition de technologies et d’usages plus ou moins disruptifs. En effet, bien que créatrices de nouvelles pratiques, quantité d’innovations digitales s’appliquent à simuler la présence humaine afin de reconstruire de l’échange et du vivre ensemble par des artéfacts numériques.
La modernité ne peut négliger les problématiques immuables de l’apprenant : garder sa motivation, rompre son isolement par l’interaction, mieux apprendre par la confrontation avec autrui. On n’apprend jamais seul. Ainsi, dans un contexte d’apprentissage à distance, la réussite de l’apprenant dépendra également de la qualité de l’accompagnement et donc d’une meilleure « présence à distance », selon l’expression d’Annie Jézégou.
De ce fait, les grandes évolutions liées à l’éducation placent l’humain et la richesse des interactions entre les individus au centre des dispositifs d’apprentissage. Les axes sont multiples.

L’humain et le social

Tout d’abord, l’enjeu majeur semble l’amélioration continue des plateformes d’enseignement pour intégrer davantage la fonction sociale pour des générations à forte appétence pour les réseaux sociaux. De plus, la pédagogie ouverte tend à se développer et à irriguer l’ensemble des fonctionnalités : contenus ouverts, modifiables et partageables, laissant la place au collectif (commentaires, likes). Enfin, nous avançons vers une visibilité plus grande pour l’apprenant de l’activité de la communauté pour se positionner par rapport au groupe et renforcer son implication: savoir qui est actif, qui a vu quoi, qui a réalisé telle activité.

L’humain et le tuteur – L’ingénierie tutorale

L’autre défi concerne la nécessaire mutation de la posture du formateur afin d’adapter son implication dans le contexte numérique. eTuteur, coach, mentor… la mission du formateur se complexifie et se transforme. Néanmoins, comme le précise Jacques Rodet, l’ingénierie tutorale demeure un élément clé pour prévenir l’abandon endémique au sein des communautés d’apprentissage (eLearning, Mooc). En effet, toute négligence d’accompagnement peut compromettre l’ensemble d’un dispositif, bien que techniquement élaboré. Le chef d’orchestre de la salle de classe digitale devra tour à tour encourager, guider, désamorcer différentes situations (prévisibles ou non) où ces compétences prennent tout son sens. Un discours clair, une écoute empathique, un engagement au service de la réussite.

Softskills et valeurs

L’autre type de rupture concerne plus spécifiquement la valorisation de nouvelles  compétences mobilisables dans le contexte numérique. A l’heure des « fake news » et des vérités alternatives, force est de constater que laisser l’apprenant sans filet dans la masse d’informations disponibles, c’est prendre un risque certain. La promotion des capacités non techniques devient incontournable : séparer le bon grain de l’ivraie, développer son empathie pour créer du lien au-delà de la distance géographique et culturelle, créer de la connaissance collectivement sur des projets et des valeurs communes. Ces talents feront l’apprenant du futur.

La technologie qui se fond dans l’humain – l’apprenant augmenté

En outre, les technologies d’avenir qui ont de beaux jours devant elles semblent présenter un point commun : elles placent l’apprenant « sur le siège du conducteur » et se fondent facticement dans le décor pour laisser plus de place à l’autodétermination et à l’utilisation naturelle. La possibilité de proposer, avec la réalité virtuelle, des expériences immersives ou bien d’utiliser les données générées par l’activité pour perfectionner le tableau de bord du pilote vont dans ce sens (learning analytics, badges de motivation, feedback personnalisés). Passagère clandestine, la machine n’indique pas le parcours, elle augmente l’apprenant dans son propre cheminement.

L’exemple du BIM (Building Information Modeling) à l’ESTP Paris

Smart Buildings/Cities, Big Data, maquettes numériques intégrées : les métiers de la construction et du BTP sont en pleine mutation. Cette transition numérique implique l’adoption, par les professionnels du secteur, de nouvelles technologies et méthodes de travail permettant à différents métiers de travailler ensemble sur un même projet.
C’est ainsi que l’ESTP Paris a souhaité intégrer ces évolutions au sein de son offre de formation : elle dispose d’une salle de formation BIM entièrement équipée, et propose des cours de BIM en mode projet ainsi qu’un Mastère Spécialisé BIM en partenariat avec l’ENPC.
La gestion de projet en mode BIM implique de nombreux bouleversements techniques et managériaux pour les acteurs de la construction. La méthode d’apprentissage adoptée pour nos cours offre l’opportunité de travailler sur des maquettes numériques, avec une modélisation et une centralisation des données issues des différents corps de métiers impliqués dans le projet. Elle permet, dès la phase de conception, de mieux anticiper la faisabilité et les différentes évolutions du projet. Les apprenants sont ainsi amenés à travailler en mode collaboratif, à la faveur de cet environnement virtuel 3D immersif qui constitue en outre un véritable outil d’aide à la décision. Cette formation de pointe est très appréciée des entreprises.

Références bibliographiques :

Innovating Pedagogy 2017 https://iet.open.ac.uk/file/innovating-pedagogy-2017.pdf

L’ingénierie tutorale / Jacques Rodet. CreateSpace Independent Publishing Platform, 2016

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