Apparu il y a une trentaine d’année, Internet a déjà connu sa première révolution avec l’apparition des Smartphones au tournant des années 2010. Depuis, les objets connectés (et le Smartphone reste le premier d’entre-eux) se sont multipliés et cette croissance s’accélère et cette accélération devrait être encore plus importante dans les années à venir. Cela se traduit inéluctablement par un accroissement exponentiel des données recueillies, stockées et traitées. Comment ne pas s’interroger sur la confidentialité des données personnelles collectées à l’heure de l’explosion des objets connectés.
Les objets connectés, avant tout des services offerts aux utilisateurs
Les objets connectés sont avant tout conçus pour nous offrir des services, nous faciliter le quotidien. La captation de données n’en est donc qu’une conséquence. En tant qu’utilisateur, nous avons conscience de cette réalité, mais nous estimons que les bénéfices promis sont supérieurs au coût engendré (captation des données).
Des entreprises comme Google et Facebook, pour n’en citer que deux, ont imaginé leur développement autour de la donnée, rendant possible cette « culture du gratuit ».
Ces données sont même devenues des arguments pour inciter à accepter ce « don ». Pour bénéficier des atouts de ces objets connectés, il faut avant accepter de « payer » cette utilisation en contribuant à ce modèle économique. Et les marques ont pleinement pris conscience de cette approche don / contredon, en en faisant même un de leurs arguments privilégiés. N’est-ce pas le cas, quand Apple promet : « What happens on your iPhone, stays on your iPhone. » (Ce qui est dans votre iPhone reste dans votre iPhone).
Données personnelles et confidentialité : consentir une atteinte à sa vie privée au bénéfice d’avantages à court terme
Le Big Data constitue donc une réalité, que les utilisateurs connaissent bien désormais. Attachés à leur vie privée, les usagers n’étaient pourtant, en 2017, que 9 % à protéger cette dernière en refusant de recourir à ces objets connectés. Pour les autres, les fonctionnalités et les services offerts (l’avantage immédiat) restaient supérieures à ce coût défini par rapport au respect de la confidentialité. Un paradoxe, qui ne peut que s’accroitre avec la croissance exponentielle de l’internet des objets. (La 5G doit permettre de multiplier par 10 ou même 20 le nombre d’appareils connectés à une même antenne relais).
Les usagers acceptent par exemple d’être pistés et profilés par Google en utilisant le moteur de recherches américain, plutôt que de protéger leur vie privée avec un Internet non personnalisé promis par Qwant, par exemple
Co-inventeur du protocole TCP/IP mais aussi véritable évangélisateur pour Google, Vinton Cerf condense toute cette problématique en une phrase, lorsqu’il déclare :
« Le respect de la vie privée est une parenthèse de l’histoire »
Les usagers sont conscients de la nécessaire capitalisation de ces données par les entreprises, qui s’en servent pour prédire, suggérer, soumettre et/ou vendre, tout en s’inquiétant aussi du danger du contrôle, que pourraient suivre les États pour sécuriser les sociétés. Les caméras de vidéo-surveillance, installées par chacun, ne peuvent-elles pas devenir de véritables auxiliaires de police, si elles deviennent accessibles aux autorités ?
C’est une autre problématique, plus chère encore à l’attention des usagers. Mais là encore, l’analyse du bénéfice immédiat devrait faire oublier les risques à moyen ou à long terme. Accepter de dévoiler sa vie privée en rendant accessible l’accès à sa caméra de vidéo-surveillance reste une atteinte à ce droit à la confidentialité, mais cela garantit aussi instantanément de se protéger plus efficacement contre tous types d’actes délictueux (vandalisme, cambriolage, …). Comme quoi, les menaces d’atteinte à la vie privée des usagers résultent bien en partie d’un choix assumé de ces derniers, basé sur l’analyse bénéfices /coûts.
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L’auteur est Lionel Tardy, Consultant Stratégie Digitale, Innovation & UX
Enseignant Digital School of Paris (DSP)