Selon le Baromètre de la microfinance 2010, 42 % des français déclarent connaître la microfinance mais ils ne sont que 7 % à savoir de quoi il s’agit. Le microcrédit bénéficie lui d’une notoriété plus élevée allant jusqu’à 71 % des personnes interrogées dont 29 % estimant connaître suffisamment ce concept.
Cela est peut être dû au caractère pionnier du microcrédit apparu pour la première fois, dans sa forme moderne, en 1976 au Bangladesh où Mohammad Yunus, banquier des pauvres, avait créé la Grameen Bank, banque rurale destinée à accorder des prêts de faible montant à des paysans pauvres.
30 plus tard, Yunus obtenait le Prix Nobel de la Paix, un an après la déclaration par l’ONU de l’année 2005 « année internationale du microcrédit ». La microfinance intègre en revanche, une gamme plus large de services financiers (crédit, épargne, assurance, transfert d’argent, etc.) et une clientèle plus étendue. Elle ne se limite pas à l’octroi de microcrédits aux pauvres mais bien à la fourniture d’un ensemble de produits financiers à tous ceux qui sont exclus du système financier classique.
Le microcrédit est conçu principalement comme un instrument de lutte contre la pauvreté. Les institutions de microfinance sont surtout présentes en Asie du Sud-est, en Amérique du Sud et en Afrique. Selon Mix Market, le microcrédit a bénéficié à 150 000 d’emprunteurs dans le monde en 2009, dont 79 % de femmes, avec un montant moyen de 300 € dans les pays en développement. L’engagement des investisseurs français dans ce marché mondial est passé de 110 M € en 2005 à 270 M € en 2009 témoignant d’un intérêt réel pour la microfinance. Les investissements se font principalement dans les ONG et les IMF (institutions de microfinance) avec une part de 35 % chacun et se concentrent principalement sur le Moyen Orient, l’Afrique du Nord et l’Afrique Subsaharienne.
Malgré le développement de ce marché, le microcrédit couvre à peine 2 % de la population exclue du système bancaire classique. Il a tout de même un rôle essentiel à jouer dans les pays industrialisés notamment en Europe et en France qui a été le premier pays européen à adapter sa législation financière aux exigences du microcrédit. Le microcrédit peut répondre à un besoin professionnel dans le cas de financement de la création ou du développement des micro-entreprises ou à un besoin social visant à améliorer ou à maintenir le niveau de vie des particuliers n’ayant pas accès au réseau bancaire classique (salariés précaires, chômeurs, allocataires RSA, etc.).
Dans le premier cas, on parle de microcrédit professionnel développé par des associations de microcrédits spécialisés comme l’ACCRE qui propose des microcrédits pour chômeurs ou l’ADIE qui accorde des microcrédits allant jusqu’à 10 000 € et un suivi très personnalisé quelque soit la forme juridique de l’entreprise. En revanche le microcrédit social cible les particuliers dans certaines situations comme le maintien d’un logement, l’obtention d’un permis de conduire, des frais médico-dentaires, l’accès à la formation ou à l’éducation, etc. Il a été institué par la loi de la programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. Les collectivités locales ou les associations comme le Secours Catholique, La Croix Rouge, Les Restos du Coeur assurent dans ce cadre, le rôle d’intermédiaire entre la banque et le demandeur du microcrédit.
Le marché français du microcrédit est en progression continue. L’Inspection Générale des Finances (IGF) note une augmentation régulière du montant et du nombre de microcrédits extra-bancaires octroyés par les associations habilitées qui passent de 7 713 microcrédits pour un total de 21,8 M € en 2006 à 14 249 microcrédits soit 48,8 M € en 2009. Cela correspond à un prêt moyen de 3 000 € sur une durée de 18 mois. Il en est de même pour les microcrédits personnels dont le nombre est passé de 473 microcrédits en 2006 à 5 520 en 2009, selon la Caisse des dépôts. Soit une augmentation de 11,5 M € entre 2006 et 2009 avec un prêt moyen stable sur la période d’environ 2 300 €. Les taux d’intérêts restent eux très variables selon les associations allant de 3 à 13 %.
Ces chiffres montrent le dynamisme du marché français qui est l’un des pays phares de microfinance en Europe avec un volume des prêts relativement important, une diversité des acteurs, une adhésion politique nationale et un engagement progressif du secteur bancaire qui est toutefois appelé à se développer en vue d’une bancarisation de l’activité ; l’objectif final étant de faire revenir ces exclus dans le système bancaire classique. Cela passe par une implication plus importante des banques qui sont peu habituées aux réseaux d’accompagnement ainsi qu’aux bénéficiaires potentiels comme le montre le rapport de l’IGF qui appelle les banques à ne plus agir seules dans une optique d’image ou de tradition et à développer leur partenariat avec les associations habilitées et à renforcer leur présence sur ce marché à travers les filiales spécialisées.
Khaled Saadaouis
Professeur de finance et gestion de l’entreprise à l’EM Normandie