Le marché de l’énergie électrique est en forte mutation. Cette évolution est portée par la capacité à surveiller, contrôler et adapter la production à la consommation. Le modèle actuel de grands centres de production et de distribution est en train de changer vers un modèle décentralisé où les consommateurs seront aussi producteurs. Cette révolution énergétique est rendue possible avec le développement de la société numérique, des capteurs et du Big Data.
Focalisons-nous ici sur la production d’électricité grâce à des cellules solaires. Les cellules photovoltaïques sont des générateurs électriques ingénieux, capables de transformer directement l’énergie du soleil en énergie électrique, sans aucune partie mobile ou rotative, ce qui les rend particulièrement robustes. Elles sont regroupées dans des modules dont la puissance nominale est de l’ordre de 100 à 300 W par m². L’assemblage des modules PV dans des centrales peut couvrir des besoins de quelques kW (résidentiel) à quelques centaines de MW (centrales solaires).
Ainsi, une caractéristique unique du photovoltaïque est sa modularité, apportant des solutions à des besoins énergétiques allant de quelques milliwatts (10-3) jusqu’au térawatt (10+12). Sur les deux extrêmes de cette demande énergétique, le PV est d’ores et déjà compétitif. Les cellules photovoltaïques apportent des solutions à l’électronique « nomade » depuis les années 80 et génèrent de l’électricité (injectée au réseau) à des prix compétitifs dans de nombreux pays. On entend souvent que cela n’est pas le cas en France et en effet notre pays est plutôt l’exception. Mais il est grand temps de voir en dehors de nos frontières : les industriels du PV ont produit et installé environ 30 gigawatt de modules photovoltaïques en 2014 (à titre de comparaison, une tranche de centrale nucléaire délivre entre 1 à 1,5 gigawatt suivant la technologie utilisée), avec un taux de croissance de 30 à 40 % sur les dix dernières années. Essayez de trouver un autre marché aussi dynamique. Notons aussi qu’aujourd’hui un des plus grands acteurs du photovoltaïque mondial est français !
Les marges de progrès de l’énergie solaire photovoltaïque sont énormes à tous les niveaux :
• Au niveau des cellules photovoltaïques, la filière du silicium cristallin est en train de suivre une « cure d’amincissement » (réduction de l’épaisseur des plaquettes de silicium) afin de diminuer les coûts. Mais cela ne saurait suffire : on peut continuer à réduire les coûts tout en augmentant les rendements. Ainsi on voit de plus en plus de cellules photovoltaïques alliant silicium cristallin et des procédés couches minces avec l’intégration de nano-objets : nano-structuration, nano-cristaux, nano-fils, jonctions radiales, …
La liste d’approches est très longue et les idées ne manquent pas aux chercheurs pour augmenter les rendements des cellules, dont les plus avancées ont déjà atteint un rendement de 46 %.
• Au niveau des modules et des systèmes (montage et interconnexion des modules). C’est probablement le secteur où des marges de progression rapides seront obtenues : modules flexibles, onduleurs, suivi du point de puissance maximum, gestion de l’énergie et stockage. A ce sujet, les recherches sur les matériaux (nano-fils, nano-particules, nanotubes, graphène,…) utilisés aussi bien pour les cellules photovoltaïques que pour les batteries sont en forte synergie. On imagine bien des modules intelligents avec un stockage à base de couches minces intégrées.
Bref, l’énergie solaire est une occasion unique de prendre des initiatives et de développer des innovations. De nature pluridisciplinaire, tout le monde peut y apporter sa contribution : que ce soit au niveau des cellules, des modules, de leur intégration au bâtiment ou dans des centrales, et in fine dans des réseaux intelligents, nous avons besoin d’hommes et de femmes (physiciens, chimistes, opticiens, électroniciens, …).
Un seul message à retenir : l’énergie solaire photovoltaïque, c’est aujourd’hui. Nos sociétés basées sur l’information et la communication ont besoin de cette énergie propre à toutes les échelles (du mW au TW). Voici un excellent défi pour nos lecteurs, toutes disciplines confondues.
Par Pere Roca i Cabarrocas
Directeur de Recherche au CNRS, professeur à l’Ecole polytechnique
pere.roca@polytechnique.edu