Des algorithmes sont développés et utilisés depuis des siècles, comme en témoignent l’algorithme d’Euclide ou le crible d’Eratosthène bien connus des étudiants en mathématiques, ou plus simplement les recettes suivies consciencieusement par l’apprenti cuisinier. Néanmoins, ils ne sont réellement employés comme outils d’aide à la décision que depuis quelques décennies.
De la recherche opérationnelle…
Par exemple, la recherche opérationnelle, discipline scientifique de l’aide à la décision, est née au tournant de la seconde guerre mondiale avec le besoin de résoudre des problèmes logistiques militaires. La raison tient à la concomitance de percées scientifiques dans la résolution théorique de problèmes d’optimisation (on peut penser à l’invention de l’algorithme du simplexe par Dantzig en 1947) et du développement des premiers ordinateurs. Dès lors, l’industrie s’empare de ces techniques qui permettent des gains considérables de productivité. La place des algorithmes comme outils d’aide à la décision n’a fait que s’amplifier dans la seconde moitié du XXème siècle, grâce au développement de l’informatique. Les verrous à lever sont nombreux. Ils vont des travaux fondamentaux permettant de hiérarchiser la difficulté des problèmes de décision au développement d’architectures matérielles de plus en plus performantes, en passant par la découverte d’algorithmes efficaces.
… à la « science des données »
Une nouvelle révolution a lieu depuis une dizaine d’années, celle des données, devenues disponibles en quantités gigantesques. Rappelons qu’un ordinateur des années 90 était rarement connecté à un réseau et était doté d’un disque dur d’une vingtaine de méga-octets, à comparer aux centaines de milliards de méga-octets de vidéos visionnées chaque jour sur un service mondial comme Youtube. Sans atteindre de telles extrémités, n’importe quelle entreprise possède de grandes quantités de données, qu’elles soient relatives à un processus industriel ou financier, ou à la connaissance des clients. Bien sûr, l’humain ne peut en extraire d’information intelligible sans l’aide d’outils algorithmiques adaptés. Encore faut-il que ces outils existent. Il se trouve que la disponibilité de gigantesques quantités de données et les progrès des architectures matérielles et logicielles ont bouleversé les recherches académiques sur l’intelligence artificielle, donnant naissance à de nouveaux algorithmes d’apprentissage automatique, en particulier les réseaux de neurones artificiels et l’apprentissage dit profond. Les dix dernières années ont ainsi vu l’émergence de nouveaux outils d’aide à la décision particulièrement performants, qui concernent par exemple l’aide au diagnostic médical, l’aide au pilotage de véhicules, ou des systèmes de recommandation d’achat ou de programmes télévisuels.
Des outils à utiliser de manière responsable
Au-delà des problèmes éthiques soulevés par l’exploitation de données personnelles, il convient également d’être attentif à l’utilisation de ces nouveaux outils. « Admission Post-Bac » a défrayé la chronique et l’utilisation d’algorithmes pour effectuer une orientation scolaire a pu être décriée : il ne s’agit jamais ici que de la mise en œuvre de l’algorithme des mariages stables, étudié depuis les années 1960, qui répond très bien à la question. Il ne faut pas oublier que les algorithmes restent des outils et que les règles de décision qu’ils sous-tendent sont aussi de la responsabilité de leurs utilisateurs et concepteurs. La science des données et les algorithmes de décision bouleversent notre manière d’appréhender le monde et soulèvent de nombreux défis scientifiques, techniques, et éthiques, relevant de différents champs disciplinaires. A Mines Nancy, ces problématiques sont l’objet de parcours au sein des départements « Génie Industriel et Mathématiques Appliquées » et « Information et Systèmes », ainsi que dans le programme international « Big data and data science ».
En savoir plus sur l’auteur, Frédéric Sur, Responsable du Département Génie Industriel et Mathématiques Appliquées (GIMA) de Mines Nancy depuis septembre 2017– Maître de Conférences en informatique à Mines Nancy
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