Alors que la représentativité des femmes dans l’entreprise est aujourd’hui un enjeu sociétal crucial, le réseau Supélec au féminin accompagne les diplômées de l’école à ne pas censurer leurs ambitions dans un secteur de l’ingénierie, où les femmes restent encore sous-représentées. Quelles sont les actions menées par l’association pour booster la carrière des diplômées ? Comment faire bouger les choses ? La présidente de Supélec au féminin, Catherine Gibert, nous dit tout !
Pourquoi vous être engagée pour Supélec au féminin ?
Je fais partie de l’association depuis sa création, en 2006. Supélec au féminin est née à une période où je me suis aperçue qu’il n’était pas toujours facile d’évoluer dans le milieu high-tech, secteur où les femmes sont sous-représentées. Avant d’avoir des enfants, je ne me sentais pas concernée par la question de la différence hommes / femmes. Le fait d’être une femme ne m’avait alors jamais posé de problème dans ma carrière. Mais lorsque je suis devenue mère, tout a changé. L’organisation de ma vie personnelle avec des enfants s’est mise à impacter ma vie professionnelle et je n’arrivais plus à gérer. J’ai donc poussé la porte de l’association pour trouver des conseils et échanger avec d’autres femmes qui se trouvaient dans ma situation. Petit à petit, j’ai commencé à organiser des conférences et des ateliers. Je suis finalement devenue présidente de Supélec au féminin il y a 4 ans.
Quelles actions menez-vous avec l’association ?
Les diplômées sont notre première cible. Nous mettons en place de nombreux événements qui permettent à toutes les femmes de trouver les réponses aux questions qu’elles se posent dans leur vie professionnelle. Nous avons par exemple récemment proposé à nos adhérentes un atelier de développement personnel pour apprendre à mieux communiquer et à miser sur leurs forces. Cette année, nous avons également organisé une conférence sur l’engagement politique au féminin avec nos homologues centraliennes et Gaspard Gantzer [ancien conseiller communication de François Hollande, NDLR].
Qu’est-ce qui fait la force de Supélec au féminin ?
De manière générale, les femmes ingénieurs ont tendance à moins réseauter. Ce que nous offrons, c’est un cadre pour leur permettre de faire du networking. L’atout de Supélec au féminin : être un groupement intégré à l’association des anciens de l’école, ce qui lui permet de bénéficier de l’ensemble des apports et avantages du réseau d’alumni. De nombreuses diplômées nous voient comme une porte d’entrée vers l’association des anciens élèves.
Supélec au féminin est donc synonyme d’ouverture ?
Bien sûr ! Nous travaillons en étroite collaboration avec l’association des diplômées de Centrale, avec laquelle nous sommes en train de fusionner. Mais nous essayons également de nous ouvrir au-delà du cadre de l’ingénieur. Pour preuve, nous avons récemment organisé un événement qui regroupait des diplômées de Centrale, de Supélec, mais aussi d’emlyon et de HEC.
Proposez-vous également des actions pour les étudiantes ?
Malheureusement elles sont très sollicitées et nous n’avons que peu d’échanges avec elles. Nous participons cependant à quelques événements comme les Formidables, une initiative menée avec les diplômées de Centrale. Un dispositif donnant la parole à des femmes qui prouvent que la carrière d’ingénieur peut se conjuguer aussi bien au féminin qu’au masculin.
Qu’en est-il des lycéennes ?
Pour augmenter le nombre d’étudiantes au sein de CentraleSupélec et des écoles d’ingénieurs en général, il est important d’agir très amont dans le processus d’orientation. À chaque fois que nous sommes sollicitées, nous nous attachons à témoigner dans des collèges ou des lycées. Nous participons également à des actions à titre individuelle en collaboration avec l’association Femmes Ingénieurs. Personnellement, j’interviens dans l’établissement de mes filles pour expliquer mon métier et montrer que les femmes y ont tout autant leur place que les hommes.
« Mon plus grand souhait ? Que nous n’ayons plus besoin de notre association »
Qu’est-ce qui manque pour faire bouger les lignes ?
On constate que la rupture se fait avant la prépa. En Terminale S, la répartition est assez équilibrée entre les filles et les garçons. Mais les filles qui sont attirées par les sciences se dirigent plutôt vers des carrières médicales. Ce qu’il manque, ce sont des modèles qui donneront envie aux lycéennes de s’essayer au métier d’ingénieur. L’autre frein, c’est le côté abstrait du métier d’ingénieur. Peu de lycéens arrivent à comprendre de manière concrète son rôle et son importance dans la société. Pour lutter contre cette méconnaissance, il est essentiel de communiquer sur que nous faisons au quotidien.
Quel est dispositif dont vous êtes la plus fière ?
Mis en place il y a 10 ans, notre système de marrainage entre les diplômées et les étudiantes s’impose comme un précurseur dans son domaine. Son objectif : répondre aux questions que les jeunes filles se posaient sur notre métier. Les retombées étaient tellement positives que nous avons décidé d’étendre ce dispositif aux garçons. Désormais, étudiantes comme étudiants bénéficient d’un mentor.
Comment voyez-vous Supélec au féminin dans 5 ans ?
Mon plus grand souhait serait qu’il n’y a plus aucune différence entre les femmes et les hommes, que la présence d’ingénieures dans l’entreprise soit naturelle et que nous n’ayons plus besoin de notre association.
Comment favoriser la diversité au sein des entreprises ?
La discrimination positive est une solution possible : à compétences égales, il faut privilégier les profils féminins. Il est également important que lorsqu’un poste à responsabilités s’ouvre dans l’entreprise, on trouve au moins une femme dans la shortlist des candidats. Il faut faire du push et attirer les femmes pour que les choses changent. Si l’instauration de quotas de représentativité au sein des Conseils d’Administration permet à la situation d’évoluer, ce n’est qu’un premier pas vers la parité. Les femmes sont encore trop sous-représentées dans les Comités exécutifs par exemple.
Le saviez-vous ? Supélec est l’une des deux premières écoles d’ingénieurs – avec Centrale Paris – à avoir diplômé une femme en France. Admises en 1917, Madame Havard et Madame Kahn ont reçu leur précieux sésame en 1918.
Femmes ingénieures : des problèmes persistent Le rapport annuel 2017 de Femmes Ingénieurs, basé sur les données issues de l’enquête IESF menée en 2016, a mis en avant une nette augmentation du nombre de femmes ingénieures depuis 10 ans. En 1995, on notait seulement 22 % d’ingénieures de moins de 30 ans contre 29 % en 2015. Cependant, le rapport annuel met également en lumière des inégalités persistantes, notamment en termes d’écarts de salaire entre les femmes et les hommes. Il est en moyenne de 6 % à l’embauche, avec un pic à 30 % après 10 ans de carrière dans le secteur du Conseil Audit Management. L’étude pointe aussi du doigt un manque cruel de femmes au sein de la direction générale. Un signe indéniable de la solidité du plafond de verre auquel se confrontent encore trop souvent les femmes ingénieures, quatre fois moins nombreuses que les hommes.