Alors que Paris s’apprête à accueillir les JO, le monde espère que cette compétition marquera une trêve pacifiste dans les tensions internationales. Si le CIO a récemment autorisé les athlètes russes et biélorusses à prendre part à Paris 2024, l’Ukraine n’a toujours pas, quant à elle, confirmé sa participation. Le rêve d’universalisme de Pierre de Coubertin n’était-il qu’une utopie ?
Lorsqu’il remet au goût du jour les jeux olympiques en 1894, Pierre de Coubertin portait alors une vision ambitieuse : démocratiser le sport mais aussi pacifier les relations internationales. L’histoire a montré que l’universalisme prôné par le père de l’olympisme moderne s’est heurté maintes fois aux réalités géopolitiques. L’audience et la médiatisation des JO en font un terrain de jeu éminemment politique qui cristallise les tensions entre les nations.
Un miroir des rivalités géopolitiques
Au-delà des jeux d’influence menés en coulisses pour devenir pays hôte, les JO sont un véritable outil de soft leadership qui révèle en plein jour les rivalités sourdes entre puissances mondiales. La compétition exacerbe le sentiment de fierté nationale, chaque pays brandissant fièrement son drapeau pour supporter ses athlètes. Aux yeux du public, la puissance d’une nation se traduit aussi par sa capacité à se hisser sur les trois marches du podium et à truster le tableau des médailles. Une course aux records qui traduit les rivalités économiques et politiques sur l’échiquier mondial : les médailles accumulées sont autant de pieds de nez lancés à l’adversaire.
Les JO jouissent d’une exposition médiatique incomparable
Les JO agissent aussi comme une formidable caisse de résonnance médiatique pour porter des messages politiques. Avec ses quatre milliards de téléspectateurs, la première compétition sportive mondiale offre une vitrine incomparable pour atteindre l’opinion publique, notamment sur la question des droits de l’Homme. L’histoire retiendra les poings levés des médaillés du 200 mètres Tommie Smith et John Carlos sur le podium des JO de Mexico en 1968, pour protester contre le sort des Afro-américains en pleine lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis. Un geste qui sera sévèrement sanctionné par le CIO, puisque les deux athlètes seront déchus de leur titre. Même si la règle 50 de la charte olympique interdit aux sportifs toute manifestation religieuse, politique ou raciale dans les stades, les athlètes sont considérés comme des leaders d’opinion et des citoyens légitimes pour porter des convictions.
Boycott et drames olympiques
Loin d’être apolitiques, les JO déportent les rivalités idéologiques sur le terrain sportif. Certains pays ont parfois été interdits de jeux par le CIO, à l’instar de l’Afrique du Sud, exclue de la compétition de 1964 à 1992 en raison de sa politique d’Apartheid. D’autres nations choisissent de boycotter la compétition pour signifier leur position, comme les Etats-Unis lors des JO de Moscou de 1980 pour protester contre l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS ou la Corée du Nord lors des JO de Séoul en 1988. Ces conflits politiques peuvent même virer au drame, comme lors du « bain de sang de Melbourne » en 1956, lors de la demi-finale de water-polo opposant l’URSS et la Hongrie quelques mois après l’insurrection de Budapest. Ou encore la prise d’otage puis l’exécution de onze athlètes israéliens par un commando terroriste palestinien lors des JO de Munich en 1972.
Les JO et le rêve de l’universalisme olympique : une douce utopie ?
Les anneaux entrelacés – symbole de l’union des cinq continents – et la flamme olympique allumée le 16 avril dernier auraient- ils donc moins de sens aujourd’hui qu’au siècle dernier ? Espérons que les JO de Paris – ville qui a vu naitre Pierre de Coubertin – donnent enfin raison au Baron. Et que l’hymne olympique résonnera encore plus fort dans les stades comme une mélodie universelle et pacifiste chantée à l’unisson dans le concert des Nations.
L’auteur est Laurence Gosse, Directrice scientifique « Evénementiel, influence et réputation » ISCOM