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Les leaders cassent les codes !

Face à une génération de Millennials accro au nomadisme, à l’instantanéité, à l’équilibre vie pro / vie perso et à la quête de sens au travail, quelle énergie les directeurs généraux doivent-ils insuffler dans leur entreprise pour donner aux jeunes dip’ l’envie de travailler non plus POUR eux mais AVEC eux ? Doivent-ils à tout prix casser les codes du management traditionnel quitte à tomber dans le jeunisme ? Doivent-ils inscrire leurs méthodes dans une évolution naturelle ou engager une vraie révolution ? Focus sur ces « DG new generation ».

 

Le grand témoin : Frank Bournois, Dean de ESCP Europe

(c) ESCP Europe

Le DG new generation, pas si nouveau que ça ? Entre émergence des nouvelles technos (TIC, IA et autres Big data), fulgurance du net et boom de la mondialisation, il est en réalité le fruit d’une évolution constante depuis le début des années 2000. Mais alors quel est son vrai visage ? Quels codes de leadership met-il en action ? Pourquoi et comment doit-il les casser pour accroître la performance économique, sociale et humaine de son entreprise ?  Frank Bournois, Dean d’ESCP Europe nous éclaire.

Le leader qui casse les codes, mythe ou réalité ?

Réalité bien sûr ! Les jeunes générations ont grandi avec Internet dans leur berceau alors que les dirigeants qui ont 50 ans aujourd’hui sont nés avec une TV à une seule chaîne : comment faire autrement ? Il est impératif qu’un leader casse les codes pour projeter son organisation dans son futur et donc sa survie. Le bon leader est celui qui libère les énergies, qui accepte de ne plus tout contrôler. Mais attention, cette dynamique n’est pas pour autant synonyme d’open bar management !

Face à cette génération de collaborateurs plus penseurs qu’exécutants, quelle posture adopter ?

En affirmant « Je suis le chef, vous m’obéissez car j’ai le savoir et le contrôle des choses », un dirigeant aura sans doute du mal à asseoir sa légitimité. S’il doit libérer les énergies et faire confiance à ses collaborateurs, il doit aussi rester le chef d’orchestre, celui (ou celle) qui cadre sans frustrer. Entre autocratie et liberté, le nouveau leader déplace sans cesse le curseur en fonction des personnes et des services qu’il a en face de lui.

Le challenge est donc au cœur de cette nouvelle relation ?

Les jeunes sont en effet en demande de challenger leur chef et parallèlement, leur chef doit être prêt à être challengé. Mais attention, si le mode relationnel évolue, certains pans de l’organisation ne changent pas. Les actionnaires continuent à désigner le dirigeant et à lui assigner des objectifs.

Mais alors, que deviennent les « totems du leadership » ?

En cassant ces totems, le dirigeant met fin à des méthodes managériales vues comme frustrantes. Il a ainsi toutes les chances de devenir une référence et donc de susciter la fierté de ses collaborateurs. Mais cela implique de la pédagogie : expliquer pourquoi ce que l’on a toujours fait, ce qui a fait notre succès d’hier doit changer pour ne pas précipiter notre perte de demain.

L’heure du leadership traditionnel a donc sonné ?

Si certains top managers passent très haut la main l’examen du dirigeant qui casse les codes, il ne faudrait pas pour autant donner l’impression que des managers plus expérimentés n’ont plus droit de cité. Prenons l’exemple d’un manager de 50 ans qui pensait avoir toutes les caractéristiques du leader il y a 15 ans. A l’époque, on lui disait « prends ton temps ». Lui dire aujourd’hui « c’est trop tard, place aux jeunes », c’est courir le risque de freiner la dynamique de changement. Là encore, tout est une question de curseur.

 

Les 3 Do’s du manager de demain ?

Être à l’écoute de son écosystème pour sentir les tendances

Jouer la carte de la collaboration afin de ne pas écarter les gens ou s’enfermer dans l’autocratisme

Encourager la disruption et savoir pivoter pour s’inscrire dans un management prospectif

 

MISFITS ou les 7 piliers du DG new generation selon Frank Bournois

Meaning : on ne peut plus diriger et on n’acceptera plus d’être dirigé sans comprendre la finalité, le sens du travail de chacun, bien au-delà des caractéristiques des produits ou des services proposés par l’entreprise.

Interdisciplinary : le fonctionnement en silos, c’est terminé ! Les collaborateurs veulent être en relation étroite avec d’autres pôles que le leur. C’est d’ailleurs dans cette optique que les écoles de gestion développent par exemple des enseignements sur les Humanités en parallèle des cours de comptabilité ou de management.

System Thinking : l’heure est à la compréhension de la chaîne globale de valeur dans une optique systémique. Une démarche indispensable au regard des innovations considérables que va connaître le monde d’ici 2030.

Focus : pensée globale ne doit pas rimer avec dispersion mais bien avec persistance et ténacité. Le dirigeant reste celui qui détermine s’il faut maintenir le cap sur un dossier risqué, dire stop ou encore.

Imagination : la créativité du dirigeant est déterminante, et pas seulement dans les milieux dits « créatifs » comme la mode ou le design. Une créativité nécessitant bien sûr une réflexion sur de nouvelles coopérations sources de sens.

Trust : la confiance permet la libération des énergies. Et sans confiance, pas d’adhésion. Croire que le top management est seul détenteur des bonnes idées pour demain est une erreur qui peut s’avérer fatale.

Sharing. Pour le dirigeant, 1 + 1 = 12 ! Observer et partager avec son écosystème lui permet de ramener des idées, sublimées par l’intelligence humaine.

 

les millennials ont-ils vraiment envie qu’on casse les codes ?

« Que pensent les Français du management de leur entreprise ? ». Selon l’enquête de la Chaire Innovations Managériales d’Audencia, alors que 49 % des salariés reconnaissent avoir vécu un changement majeur d’organisation, 71 % jugent le management de leur entreprise pas ou pas du tout innovant. L’enquête constate également une faible adhésion des collaborateurs aux innovations managériales. Est-ce à dire que le discours des entreprises prônant l’innovation managériale ne serait que du marketing cachant des méthodes bien traditionnelles ?

Les nouvelles générations déclarent en tout cas être intéressées par les innovations managériales. En effet, si leurs motivations d’engagement au travail sont les mêmes que celles de leurs aînés, la perception de la reconnaissance des efforts fournis au quotidien est moins importante qu’auparavant. Alors que les Millennials déclarent être en attente d’accompagnement de la part de leur manager, la majorité des salariés issus des nouvelles générations (53 % des 18-34 ans et 45 % pour les 35 ans et plus) ne souhaitent pas être intégrés à la réflexion sur les innovations managériales dans leur entreprise. La génération Go – No go est en marche !