spécial Président(e)s
Les L de l’X, c’est le surnom que l’on donne au groupe « Polytechnique au féminin », qui était à l’honneur le 16 octobre dernier puisque Polytechnique fêtait le 40ème anniversaire de l’entrée des femmes dans l’école. A l’occasion de cet « anniversaire formidable », pour reprendre l’expression de Claudie Haigneré dans son discours d’introduction, une cérémonie était organisée au Palais de la découverte, où plusieurs intervenants ont débattu sur la question de la féminisation de
Polytechnique.
A l’époque…
Elles étaient sept seulement, les filles, en 1972, pour la première promotion mixte de l’X. « Etre une femme, c’était être une espèce rare avec le côté parfois un petit peu lourd de faire pour la première fois l’initiation militaire par exemple », se souvient avec un sourire Marion Guillou, qui a fait partie de la deuxième promotion mixte et qui est désormais présidente du conseil d’administration de l’école. « Nous avons eu beaucoup de premières fois. Chaque année, nous demandions des améliorations pour les générations suivantes. Nous l’avons fait en groupe. » Une anecdote ? « L’adjudant chef qui vous dit « Bombez le torse ». Le vocabulaire militaire n’était pas très adapté à une population féminine (rires). Brigitte Bouquot, présidente de Thalès assurances et gestion des risques, issue de la promotion 76, se remémore cette époque elle aussi : » Quand j’ai intégré l’X mon grand-père m’a dit : » C’est bien, mais tu prends la place d’un garçon, j’aurais préféré que ce soit un de mes petits-fils ! « Aujourd’hui, ce qui a changé pour les elles de l’X ? » Tout d’abord, c’est beaucoup plus naturel « , explique Marion Guillou. » Une jeune fille l’autre jour me racontait que oui, elle avait eu peur pendant le stage militaire, mais qu’elle avait trouvé une vraie solidarité de groupe. De plus, nous avons beaucoup ouvert les disciplines enseignées à l’école, or les filles sont souvent plus intéressées par les matières biologiques. Nous sommes maintenant près de 2000 filles à avoir fait Polytechnique. » La première barrière, celle qui empêchait les demoiselles d’intégrer l’école, est désormais franchie. Mais il reste un obstacle. » Nous sommes face à une deuxième barrière parce qu’actuellement il y a 18 à 20 % seulement des effectifs qui sont des femmes « , déplorait Marion Guillou lors de la cérémonie d’anniversaire. » Donc il faut arriver à faire tomber cette deuxième barrière et ouvrir le dialogue avec ces jeunes filles qui sont dans les lycées, qui aiment les sciences, mais qui pour l’instant n’osent pas entamer ce type d’études parce qu’elles ont l’impression que cela mène à des métiers qui ne sont pas pour elles. »
Femmes de progrès, femmes de Polytechnique
Le 16 octobre, Dominique Lévy-Saragossi, directrice générale d’IPSOS France, a présenté les résultats de son étude sur Les jeunes femmes et le progrès. » Cesfemmes ont toutes une vision du progrès qui est positive « , explique-t-elle. Mais elles ont une » vision assez minimaliste de ce qu’on peut faire soi-même pour faire avancer la société « . Ainsi, 96 % des jeunes femmes interrogées croient au progrès mais seulement 10 % » sont véritablement prêtes à s’impliquer « . Or, devenir ingénieur, c’est justement s’engager pour le progrès, scientifique certes, mais aussi le progrès de la qualité de vie, de l’accès à l’emploi… Un aspect du métier d’ingénieur que malheureusement les jeunes filles ont très peu en tête. » Comment fait-on pour faire grandir ce 10 % ? « , lançait à l’assistance la directrice d’IPSOS. Plusieurs réponses ont été suggérées par les intervenants présents ce jour-là. Pour Marion Guillou, il s’agit de » recréer des chemins entre ces pratiques scientifiques un peu dures et les champs d’application possibles dans ce que les filles attendent. » Elle expliquait le lendemain de la cérémonie : « Il faut aller témoigner dans les lycées, parce que c’est là que tout se joue. C’est la représentation des métiers qui manque aux jeunes filles. Il y a autant de manières d’être ingénieur que d’être femme. Il y a une vraie diversité. C’est à nous de faire le lien entre les disciplines de l’ingénieur, et les attentes des lycéennes, à travers des exemples concrets. Un témoignage a plus de force que la théorie ». Elisabeth Crépon, directrice de l’ENSTA ParisTech allait plus loin : » Le lycée c’est peut-être même trop tard : dès le collège… » Claudie Haigneré, elle, suggérait, en complément de l’éducation traditionnelle » qui prépare « , de » toujours garder une place pour une éducation qui inspire « . De multiples autres idées ont été proposées : les pistes pour inciter les jeunes femmes à se lancer dans des carrières d’ingénieurs et à être actrices du progrès sont donc nombreuses. Gageons que cet anniversaire permettra dans un futur proche d’en concrétiser certaines.
Claire Bouleau