Dans le but de diversifier l’expérience apprenante auprès de leurs étudiants, les écoles ont recours à des situations d’apprentissage et d’évaluation différenciantes. Cette quête de sens peut prendre corps dans des rencontres avec des acteurs de la vie économique à l’extérieur de la salle de cours traditionnelle. Après la crise sanitaire, cette quête de sens vers une connexion plus forte de la pédagogie avec les acteurs économiques, sociaux et culturels est plus que jamais nécessaires pour les étudiants.
Le digital : enfermement ou ouverture ?
Le digital aujourd’hui ne nous enferme plus physiquement. Même si certains affirment avec justesse qu’il tisse une bulle d’isolement corporel, il créé aussi du lien même si tout d’abord virtuel.
Le digital dans sa forme post-moderne (ATAWAD – Any Time, Any Where, Any Device, Any content) permet en effet d’être connecté et d’effectuer certaines tâches personnelles et professionnels, non seulement en dehors des murs de notre maison et de notre travail, mais aussi d’apprendre en dehors des murs des écoles.
La “Mobiquité” : nouvelle expérience digitale pour les étudiants ?
Le terme de “Mobiquité”, fusion de mobilité et d’ubiquité, représente une nouvelle approche expérientielle. Parfaitement intégrée par les générations Y et Z, elle est aussi une opportunité pour le monde de l’éducation. Equipés de leurs outils digitaux et agissant dans le monde réel, les étudiants construisent leur savoir en vivant des expériences « augmentées » et « phygitales » (contraction des termes « physiques et digital » en dehors des murs de l’école).
De la pratique à la théorie
Cette approche pédagogique est ancrée sur les principales théories du domaine de l’éducation, cognitive, socioconstructiviste ou expérientielle. Le processus de connaissance cognitive est axé dans notre cas sur la technologie. L’approche sociale, qui découle de la théorie du constructivisme socioculturel, présente les interactions d’apprentissage collectif comme des constructions sociales de la connaissance. Enfin, la stratégie d’apprentissage expérientiels’appuie sur l’immersion des étudiants dans des cadres et situations pratiques fidèle à la réalité.
Optimiser l’apprentissage par l’expérientiel
Sur le campus du Havre de l’EM Normandie, « je me suis demandé pourquoi faire travailler les étudiants seulement sur des cas pratiques en inter muraux, et pour quelles raisons ne pas leur faire vivre une vraie expérience de terrain » affirme Yonathan Roten, professeur et directeur académique du M2 stratégie marketing et développement commercial. De la même façon, Olivier Faury, responsable du cours « commerce international, achats et logistique », considère que la compréhension des enjeux managériaux passe par un apprentissage expérientiel fort. Ainsi l’intégration d’un escape-game leur donne la possibilité d’être immergé, de manière ludique, dans un univers reprenant l’ensemble de ces points. Grace aux outils digitaux et au réseaux de connexion omniprésents, les étudiants vivent une expérience pédagogique phygitale qui restera ancrée dans leur mémoire.
Dans le cadre du M2 Stratégie Marketing et Développement Commercial, la pédagogie hors les murs a été expérimentée à travers une mission sur l’analyse des canaux de distribution. Après un travail préparatoire en classe, les étudiants ont pu choisir une enseigne existante d’un centre commercial défini. L’expérience « extra murale » a donc commencé quand la classe de plus de 50 élèves s’est répartie par groupes dans le centre commercial essayant d’expérimenter physiquement et digitalement les canaux de l’enseigne choisie. Pendant environ deux heures, les étudiants ont pu interroger vendeurs, clients et gérants, prendre des photos… Munis de leur smartphone et de leur laptop, ils ont donc combiné une expérience extra-murale physique et digitale de pédagogie. D’autres étudiants de M1, après un cours introductif de logistique et commerce international, disposent de 3h, par groupes de 3, pour résoudre une énigme qui leur permettra de trouver le nom de commanditaires qui veulent empêcher la production d’un vaccin.
Faisant appel aux ressorts des pédagogies actives, l’Escape Game permet de donner du sens aux apprentissages théoriques et de rendre les étudiants acteurs dans la construction de leurs savoirs (mémorisation, motivation, expérience de réalité augmentée ou virtuelle, impression 3D…) dans un esprit de collaboration. Il est toujours accompagné d’un second temps de débriefing pour favoriser un échange métacognitif.
De Piaget (1964) à l’expérience « extra murale »
Dans la lignée de la construction cognitive de Piaget prônant la verbalisation et la discussion pour coconstruire les savoirs, l’expérience « extra-murale » permet aux étudiants de partager leurs actions individuelles et leurs activités conjointes. Interprétant et réinterprétant l’expérience vécue tant individuellement que collectivement (Learning by experiencing), ils construisent une connaissance commune. Enfin, l’avènement du métaverse participe aussi à ce décloisonnement spatial. Varier les rôles pour les étudiants est très important, il faudra penser au scénario d’apprentissage pour l’expérience hors les murs. Par exemple, les éléments à produire par les étudiants pourront varier dans la forme : dossier, vidéos, photos, blog, podcast, interview ou encore rapport d’observation (participante ou non).
Les auteurs sont : Olivier Faury, PhD, Professeur Associé en Supply Chain Management, Yonathan Rothen, PhD, Professeur Assistant en Marketing, Directeur Académique du M2 Marketing et Stratégie Commerciale et Arnaud Delannoy, PhD, Professeur Assistant en Marketing, EM Normandie