L’intelligence artificielle (IA) annonce la prochaine vague d’innovations de rupture mais soulève massivement des inquiétudes quant au risque qu’elle puisse remplacer les humains dans le travail et la société. Une vision à mon sens inutilement sombre de l’avenir. En réalité, je crois que la vraie valeur générée par l’IA est d’améliorer – et non remplacer – la connaissance humaine et donc l’innovation. | Kevyn Yong, professeur d’entrepreneuriat and innovation à l’ESSEC Business School
L’intelligence artificielle accroît l’innovation
Dans leurs travaux sur la créativité, Jacob Getzels et Mihaly Csikszentmihalyi posent le principe que l’innovation implique un processus itératif d’expérimentation de différentes approches et de reformulation pour développer de nouvelles façons d’envisager un problème, autrement dit, d’identification du problème à résoudre. Une approche difficile puisqu’elle n’est pas naturelle. Par exemple, face à un obstacle on a plutôt tendance à se lancer directement dans un brainstorming – plutôt que de s’interroger sur l’origine des difficultés rencontrées. Ceci reflète une compréhension subjective du problème ? biaisée par les limites de la perspective individuelle et qui inhibe en conséquence l’innovation.
Je crois que les nouvelles technologies liées à l’IA devraient être conçues pour aider à mieux cerner les problèmes que doivent résoudre les innovateurs. Elles pourraient ainsi accroître l’innovation et créer une valeur nouvelle pour chaque individu à l’intérieur d’une organisation, une communauté et dans toute la société. À cette fin, la recherche dans de nombreux domaines, comme le lien entre l’expertise et l’innovation, peut aider à comprendre dans quelle mesure l’IA peut atténuer les préjugés inhérents à la connaissance humaine.
Quand expertise et innovation ne font pas bon ménage
Pier Vittorio Mannucci et moi-même avons récemment étudié les carrières des innovateurs pour constater que, aux premiers stades de leur carrière, l’étendue de leur expertise étouffe l’innovation car leur conformisme ne leur permet pas la profondeur nécessaire pour repousser les limites du statut quo. Réciproquement, l’expertise est nécessaire à l’innovation et notamment aux dernières étapes d’une carrière car ils risquent sinon d’être inflexibles et donc résistants aux perspectives alternatives. Ainsi, le bon équilibre entre l’étendue et la profondeur de l’expertise est nécessaire pour innover. À cette fin, l’IA peut être développée pour soutenir une expertise déséquilibrée afin de favoriser l’innovation et de casser cette barrière.
Autre exemple, dans une étude sur les inventeurs-entrepreneurs qui ont commercialisé leurs propres inventions, Thomas Åstebro et moi-même avons constaté que les entrepreneurs dont l’expérience de travail antérieure était caractérisée par une grande diversité professionnelle et une faible exposition aux variétés industrielles étaient les plus prospères. Nous avons soutenu que cette configuration offre le bon équilibre de connaissances et de profondeur parce qu’une grande diversité professionnelle est signe d’expériences qui encouragent la pensée divergente dans la production de nouvelles inventions. Ainsi, l’IA pourrait être conçue avec un algorithme de systèmes de recommandation caractéristique de l’apprentissage non supervisé pour augmenter la cognition sous-jacente à la capacité d’un innovateur à s’engager dans une pensée divergente et convergente. De ce fait, l’innovateur pourra augmenter sa base de connaissances existante pour atteindre le juste équilibre nécessaire aux inventions de plus haute qualité et à la commercialisation réussie.
Un livre blanc sur l’intelligence artificielle et l’innovation en entreprise
Je crois enfin profondément que la recherche sur les modèles mentaux n’est qu’une voie parmi tant d’autres pour expliquer comment l’IA peut favoriser l’innovation. L’ESSEC Business School a ainsi récemment collaboré avec la Fondation Live with AI (LWAI) sur un livre blanc afin d’expliciter comment l’intelligence artificielle pourrait être utilisée pour innover dans les entreprises et la société dans son ensemble. Pour ce livre blanc, 35 étudiants du programme IBEA (International Business Education Alliance), un programme conjoint entre l’ESSEC Business School, FGV EBAPE, l’Université de Mannheim et l’Université de Caroline du Sud, ont travaillé en étroite collaboration avec cinq mentors du think-tank LWAI pour mener des recherches et évaluer comment l’IA pourrait avoir un impact sur la santé, les transports, la finance et l’environnement. Les étudiants de l’IBEA ont échangé avec 29 entreprises, laboratoires et experts différents ce qui a conduit un certain nombre de propositions et recommandations dans les domaines du vieillissement de la population, des interactions homme-machine, de la surcharge de contenus, de l’urbanisation rapide et de la fracture sociale mais également des ressources naturelles.
Globalement, des initiatives telles que cette collaboration entre l’ESSEC et LWAI – associée à mes propres recherches – me permettent de dire que l’IA nous offre aujourd’hui une opportunité d’innover comme jamais auparavant et de créer de la valeur non seulement pour les entreprises mais surtout pour la société en général.
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