Le concept d’intelligence émotionnelle a émergé en psychologie et en neurosciences. La résolution de conflits ou la conduite du changement s’en réclament. Il s’agit de la capacité à comprendre la signification des émotions et leurs relations, à résoudre des problèmes à partir de cette compréhension (Daniel Goleman, chercheur à Harvard, a popularisé le concept dans son livre Intelligence émotionnelle, 1995). Comment appréhender cette intelligence, et s’apprend-elle ?
De quoi s’agit-il au juste ?
Les employeurs valorisent désormais l’intelligence émotionnelle comme une compétence parmi d’autres. Offres d’emploi, tests : l’intelligence émotionnelle est partout. Il s’agit pour les managers de prendre conscience de la place et de l’impact des émotions sur les comportements, de leur rôle dans la relation à soi et aux équipes.
Emotions et management, un drôle de lien ?
On ne les exprime plus seulement, on les gère ! Or « gérer ses émotions » implique une approche managériale. Comment les émotions et la gestion, qui calibre et quantifie, pourraient-elles interagir ? Des sociologues alertent : Arlie Russell Hochschild parle de « prix des sentiments », Eva Illouz de « marchandises émotionnelles ». Les émotions seraient-elles devenues un marché ?
Les émotions, un champ de controverses
La relation entre émotions et cognition est très étudiée par les neurosciences et les sciences sociales. Schématiquement, deux approches théoriques existent :
L’une étudie les mécanismes corporels concomitants aux vécus émotionnels
L’autre interroge le contexte d’émergence des émotions
Or la relation est dialectique selon Marie Potapushkina Delfosse, dont le paradigme de recherche, l’enaction, a irrigué notre module.
Un dispositif pédagogique innovant
Afin d’explorer ces (nombreuses !) questions, Institut Mines-Télécom Business School a mis en place un module dédié. Vingt étudiants volontaires en Master 1 se sont inscrits à cet enseignement fondé sur une pédagogie expérientielle et inductive : séances de pratiques artistiques, puis de groupes de parole et enfin des séances théoriques, puisant dans les sciences du langage et l’histoire. Le théâtre du Coin des Mondes à Evry fut l’écrin des ateliers de pratiques artistiques. L’espace étant une des conditions de l’émergence des émotions, il était capital que les séances n’aient pas lieu sur le campus, assurant ainsi une congruence entre le thème et la pédagogie par le sensible. Le bilan fut très positif et le module est reconduit à l’unanimité. En facilitant la fabrication d’un consensus via le décentrement, le dé-jugement, l’intelligence émotionnelle participe aussi d’un enjeu politique : celui du vivre ensemble.
Une équipe pédagogique composite et complémentaire composée de :
Audrey Stavrevitch, Directrice de département à IMT-BS, responsable du module
Isabella Keiser, comédienne et formatrice
Jean Le Goff, psychosociologue
Marie Potapushkina Delfosse, Maitresse de Conférences à l’UPEC
Quelques témoignages…
J’ai aimé « le premier passage avec la perception corporelle au théâtre puis le groupe de discussion et d’analyse et ensuite la partie conceptuelle »
« Au début, c’était angoissant de devoir travailler ainsi et pas devant un bureau, puis […] je me suis libérée des contraintes de l’école pour le mieux »
« Ce cours devrait être obligatoire à chaque futur manager »
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L’auteur est Audrey Stavrevitch, Directrice du département LSH et chargée d’enseignement en Français et Coordinatrice FLE MSc, Responsable du module d’intelligence émotionnelle Département Langues et Sciences Humaines