Pour développer leurs ventes, les fabricants de biens durables (produits technologiques, électroménagers, automobiles…) peuvent être tentés de réduire volontairement la durée de fonctionnement de leurs produits, forçant ainsi les consommateurs à les renouveler.
Cette stratégie serait non seulement non éthique, illégale, mais également dangereuse du point de vue de l’image des marques, les consommateurs étant de plus en plus sensibles à cette dimension, même s’ils ont eux-mêmes tendance à racheter un nouveau produit alors que l’ancien fonctionne encore. L’innovation doit aujourd’hui aller dans le sens de la durabilité.
La tentation de l’obsolescence programmée
Dans tous les marchés développés, les taux d’équipement des ménages en biens durables sont élevés et probablement à leur maximum. Pour développer leurs ventes, les industriels ne peuvent compter que sur deux leviers :
- L’innovation radicale, mais très risquée, en créant de nouvelles catégories de produits
- Le renouvellement des produits, qui dépend de leur durée de vie
Le développement des ventes de renouvellement passe par des innovations incrémentales, ou de simples extensions de gammes, qui peinent de plus en plus à convaincre les consommateurs. Les fabricants peuvent alors être tentés de raccourcir artificiellement la durée de fonctionnement de leurs produits. C’est ce que l’on appelle l’obsolescence programmée.
Le risque de l’obsolescence perçue
Ce phénomène a déclenché de nombreuses réactions parmi les associations de consommateurs et de défense de l’environnement et les pouvoirs publics. Des formes plus discrètes d’obsolescence programmée ont été dénoncées, comme les mises à jour forcées pour les ordinateurs, le manque de disponibilité des pièces de rechange, ou l’impossibilité de changer certains éléments indépendamment, comme les batteries des téléphones.
Si tous ces éléments doivent être pris en compte, les entreprises doivent prendre la mesure d’un autre phénomène, celui de l’obsolescence perçue. Les consommateurs renouvellent en effet fréquemment leurs produits alors même qu’ils fonctionnent encore de façon satisfaisante.
Cela peut être dû à différents facteurs : perte de valeur sur le marché de la revente, perception d’une moindre valeur esthétique, réduction de la performance relative par rapport aux modèles « dernier cri ». La valeur sociale est également en cause : posséder un ancien modèle c’est parfois s’exposer aux railleries de l’entourage. En conséquence, certains consommateurs font le choix de renouveler leur produit –téléphone portable, machine à café ou ordinateur- pour acquérir un modèle plus récent, alors que l’ancien est encore en parfait état de marche. Ce comportement de renouvellement sera plus prégnant chez ceux qui sont plus au fait des nouveautés disponibles sur le marché. Inversement, cette tendance sera moins forte chez ceux qui ont une attitude critique vis-à-vis de la société de consommation, ou qui ont une conscience écologique développée.
Une opportunité pour innover de façon plus durable
Ainsi, il appartient aux entreprises de résister à la tentation. En effet, lancer de nouveaux modèles offrant des innovations incrémentales, dans le but de pousser les consommateurs au renouvellement est de plus en plus mal ressenti. L’image des marques pourrait donc en pâtir.
L’innovation radicale est, on l’a vu, une solution. Mais elle n’est pas forcément synonyme de création de nouvelles catégories de produits.
Ainsi, certaines entreprises innovent au contraire pour prolonger la durée de vie des produits dans les catégories existantes, à l’instar de Seb qui garantit la disponibilité et la réparabilité de ses produits pendant 10 ans. Fairphone promet un téléphone modulaire, avec un design à l’épreuve du temps. Michelin travaille sur un pneu sans fin, qui pourrait être sans cesse renouvelé grâce à la technologie de l’imprimante 3D.
Pour que l’innovation soit, au sens strict, durable.
pour en savoir plus sur l’auteur :
Emmanuelle Le Nagard, Professeur de marketing à l’ESSEC Business School, rendez vous sur son twitter