Pierre-Yves Lesaicherre

Pourquoi Lumileds met toute la lumière sur ses opportunités actuelles

Lumileds, c’est avant tout plus d’un siècle d’innovation. Une dimension d’autant plus importante en pleine révolution technologique. Mais lorsque l’on est un dirigeant comme Pierre-Yves Lesaicherre (INSEAD 97), CEO de Lumileds, l’innovation se place à tous les niveaux. Le premier d’entre eux : le management.  – Par Violaine Cherrier

 

Lumileds est en cours de rachat. Quelle est la clé pour réussir cette transition ?

Le marché ne cesse d’évoluer donc il faut continuer de diriger la société. C’est une période complexe à gérer. Mon rôle est donc simple : faire appliquer la stratégie d’entreprise et communiquer en interne mais aussi auprès des partenaires et des clients. Que se passe-t-il ? Comment ça se passe ? Quelle va être la direction à venir ? Il est important de garder le cap et de communiquer pour ne pas qu’il y ait d’inquiétude !

 

Le rôle du CEO ?
• Aider à la réalisation d’une vente et diriger l’entreprise.
• Montrer la valeur de l’entreprise
• Expliquer la direction stratégique
• Communiquer en interne et en externe

 

Quel impact sur la stratégie d’entreprise ?

Il est positif. Pour bien expliquer la stratégie, il est essentiel de bien la comprendre soi-même. Nous avons donc été amenés à l’affiner depuis ces deux dernières années. Comment ? Grâce aux nombreux feedbacks que nous avons reçus de la part de nos acheteurs potentiels qui ont un œil très critique. Et c’est très favorable. Nous avons de multiples interactions concernant la stratégie mais aussi nos produits et les marchés que nous servons. C’est une période très intense car il faut à la fois mener l’entreprise mais aussi réaffirmer la stratégie. Cette réflexion facilite aussi notre compréhension de qui pourrait être amélioré.

Usine de production à Penang en Malaisie
Usine de production à Penang en Malaisie

Voyage, voyage

Comment réussir une telle transition ? En faisant preuve d’un grand dynamisme. Et Pierre-Yves Lesaicherre n’en manque pas. Il parcourt ainsi le monde pour communiquer sa stratégie auprès de ses 9 500 collaborateurs répartis dans 30 pays. « Je visite régulièrement une quinzaine de sites dans 8 pays : Shanghai, Hong-Kong, Singapour, Malaisie, Pays-Bas, France, Allemagne, Pologne… Ce qui a changé aujourd’hui c’est la nature du message : on communique plus sur la vente potentielle, la stratégie, les changements amenés par nos discussions. C’est compliqué mais très intéressant. »

 

Donc cette période constitue plus une opportunité qu’une contrainte ?

Les changements sont toujours synonymes d’opportunités. Qui dit nouvelle stratégie, dit nouvelles compétences. Donc nous cherchons de nouveaux profils et talents intéressés par une prise de risque plus élevée. Prise de risque qui favorise aussi la prise d’initiatives et donc une montée en compétences rapide. Il faut pouvoir naviguer dans des périodes d’incertitude mais c’est un pari inhérent à toute embauche. C’est surtout l’occasion de participer à une aventure. Une entreprise établie offre peu de changement de personnel, de position, de stratégie. Ici, un jeune talent peut vraiment participer à créer le futur de l’entreprise et à occuper un rôle plus important.

 

Quels profils ?
« Nous les avons tous ! Vente, marketing, développement, opérations, logistique, finance… Nous recrutons en permanence partout dans le monde. »

Quels sont les atouts d’un dirigeant français pour s’imposer à l’international ?

Il faut arriver avec l’esprit ouvert et la volonté d’apprendre. Il faut faire beaucoup d’efforts de compréhension d’une culture pour s’adapter. Et l’adaptabilité, ça se travaille. Donc il faut accumuler des expériences à l’international. Ensuite, on est capable de manager une organisation à travers le monde. C’est plus facile à faire quand on est jeune car on a moins de contraintes familiales et une certaine disponibilité intellectuelle. Si on l’acquiert tôt, c’est alors un véritable plus dans votre carrière. Je suis parti après mon doctorat au Japon puis aux États-Unis. Jusqu’à l’âge de 35 ans, j’ai accumulé les expériences internationales, ce qui m’a permis de progresser dans ma carrière.

 

Les pays de Pierre-Yves Lesaicherre

Si le CEO de Lumileds est français, il n’a cessé d’évoluer à l’international au sein de cultures très différentes. « J’ai appris le japonais au Japon, ma femme est japonaise donc je le parle toujours et je travaille toujours en japonais. » Voici le top 5 des pays dans lesquels il a évolué :
• France • Grande-Bretagne
• Allemagne
• Japon
• États-Unis

« L’objectif de Lumileds : innover, croitre et inventer le futur »

 

C’est donc facile quand on est jeune ?

Oui car on voit les choses différemment. Au Japon, j’habitais pendant 5 ans dans 19 m2. Il y a beaucoup d’excitation aussi car c’est une aventure mais il faut être prêt à sauter le pas, à avoir ce côté entreprenant. Quand on a évolué dans des cultures aussi différentes, que l’on a été exposé à tous ces fonctionnements humains, on comprend mieux les différences entre les humains. Or la qualité d’un dirigeant réside en sa capacité à fédérer des équipes multiculturelles à travers le monde. L’international est donc une excellente formation à la fonction de dirigeant.

 

Son slogan « Never before possible. »
Sa vocation, inventer des technologies  qui n’existaient pas avant. « Le monde évolue très vite, donc il faut sans cesse réfléchir au futur »

 

Quels sont les spécificités du management à l’américaine ?

La première, c’est l’orientation business. Les décisions sont prises rapidement. C’est un style de management plus direct, moins politique, surtout dans des entreprises plus petites. La deuxième, c’est l’innovation : elle est partout, dans l’utilisation de nouveaux systèmes, dans les modes de raisonnement… Il y a cette idée et cette volonté d’innover et de créer de nouveau modèles, un peu comme dans les startups françaises !

 

Réussir en 2017
Réussir, c’est atteindre ses objectifs. Plus vous serez ambitieux, plus la réussite sera grande. Mais à chacun ses objectifs. Si chaque vision de la réussite est différente, ce qui manque chez beaucoup, c’est cette vision des objectifs. Pour moi, il s’agissait d’aller au Japon, de faire l’INSEAD, de travailler dans la Silicon Valley… Aujourd’hui, il s’agit de mener mes 9 500 collaborateurs dans la bonne direction… Mais c’était différent il y a 5 à 10 ans. C’est pourquoi, je demande toujours en interview où vous souhaitez être dans 5 ou 10 ans.

 

Vos meilleurs atouts ?

Ma formation scientifique et mes 10 années de recherche se sont avérées très structurantes concernant la façon de fonctionner et d’apprendre. C’est très apprécié à l’étranger. L’INSEAD m’a ensuite permis de me réorienter de la R&D vers le marketing et le management en me donnant les bases fondamentales du business. J’y ai acquis les fondements financiers, marketing et stratégiques nécessaires à ma fonction. L’INSEAD est une formation exceptionnelle en ce sens qu’elle m’a aidé à aller où je voulais et permis d’arriver où je suis aujourd’hui. Je suis très favorable au MBA car c’est une formation essentielle et un vrai plus dans une carrière surtout quand on vient du milieu scientifique.

 

3 conseils
• Faites une formation la plus pointue possible dans votre domaine de prédilection pour approfondir vos connaissances.
• Multipliez les expériences et si possible à l’international car elles aident à progresser.
• Réfléchissez à vos objectifs et aux meilleurs moyens de les atteindre.

 

Mon père, ce « héros »

Un président peut en cacher un autre. Telle pourrait être la devise de la famille Lesaicherre. En effet, le père de Pierre-Yves Lesaicherre était président de l’Union Générale de Savonnerie. Il a ainsi lancé la lessive et le savon Le Chat. « Je ne suis pas allé très loin pour trouver mon modèle. Ma sœur a également fait carrière. Ma famille m’a beaucoup aidé toute ma vie. C’est important de demander l’avis de personnes que l’on respecte dans sa vie ou en entreprise et qui seront de bons conseils. »

 

Contact
pierre-yves.lesaicherre@philips.com