Portées par l’arrivée du digital et des nouvelles générations, les organisations tentent de s’adapter. La FNEGE (Fondation Nationale pour l’Enseignement de la Gestion dans les Entreprises) et PWC ont tenté de comprendre les enjeux de ces mutations et de définir la place du manager, bousculé par ces transformations.
Les générations Y, Z, les Millennials, l’arrivée du digital : ces facteurs expliquent à eux seuls le besoin des entreprises de se réformer. Pour Bernard Gainnier, président PWC France et Afrique Francophone, le défi premier est de donner du sens aux métiers. « De nouvelles compétences apparaissent : designers, blockchain, intelligence artificielle. Nous essayons de casser les barrières et de développer la transversalité des compétences. Mais il faut donner du sens, replacer l’humain au cœur de ces process. La clé de la transformation : c’est le manager. »
Pourquoi le digital bouscule-t-il les organisations ?
Le digital s’est imposé dans nos vies depuis de nombreuses années. Le premier smartphone est sorti en 2007, la première tablette en 2010. Il est donc naturel de se demander pourquoi le bouleversement arrive si tard. Les études montrent que la bascule s’est faite en 2012, année où le smartphone est devenu incontournable. Pour Jamila Yahia-Messaoud, directrice du département consumer insights à Médiamétrie, la première clé de réponse est à chercher chez les consommateurs. « L’entreprise doit revoir le rapport avec l’individu en rééquilibrant sa relation avec lui. Le digital permet désormais au client de faire connaître ses attentes. Il s’émancipe. Nous devons donc donner à l’utilisateur le sentiment d’être écouté. L’entreprise doit se différencier en proposant aux clients une expérience nouvelle et innovante. La connaissance du client est un impératif, l’enjeu est de capter la donnée et de l’exploiter pour répondre à son besoin d’hyperpersonnalisation, tant dans la communication que dans l’offre de service. »
Mais le rapport entre client et entreprise n’est pas le seul facteur nouveau apporté par le digital. Les méthodes de travail ont également changé : entrepreneuriat et intrapreneuriat, pluriactivité des salariés, freelance, etc. Comment les entreprises gèrent-elles ces nouveaux travailleurs ? C’est la question que se pose François Xavier de Vaujany, professeur à l’Université Paris-Dauphine. « Le nombre de freelancers a augmenté de 5 % entre 2005 et 2014. Le travailleur est isolé et face à un stress élevé, surtout dans le cadre d’une pluriactivité. Ainsi, il faut se rapproche du modèle des coopératives d’activité et d’emploi. Le salarié entrepreneur peut y être autonome, sans être indépendant et peut changer de statut pour rejoindre des groupes de travail au sein de l’entreprise. »
Comment s’adapter au changement ?
La première clé pour répondre à ces transformations de l’organisation est de mettre l’humain au cœur du système. Il faut l’accompagner, écouter ses idées et ne pas être rigide, quitte à distordre les règles en vigueur. C’est notamment le cas des intrapreneurs qui apportent de l’innovation dans l’entreprise. « Le management traditionnel consiste à être gardien de la règle. Cependant, lorsqu’il a au sein de ses équipes un intrapreneur, il est tiraillé entre le besoin d’être le gardien de la règle et celui de distordre les règles qu’il fait respecter pour allouer à l’intrapreneur du temps pour ses projets. Il est donc nécessaire de redéfinir le modèle du manager traditionnel », explique Thomas Durand professeur au CNAM.
Certaines entreprises ont déjà réformé leur modèle managérial. Chez L’Oréal, on pousse les salariés à collaborer et à coopérer, on s’attaque aux points faibles en proposant un feedback bienveillant et on donne un cadre clair aux collaborateurs sur les objectifs et les moyens alloués à la réussite de ces objectifs. ENGIE a réorganisé l’entreprise autour de l’innovation, en mettant en place l’ENGIE Fab, une petite équipe dédiée uniquement à l’innovation qui a notamment travaillé sur la réduction des embouteillages à Bruxelles. Enfin, chez Pôle Emploi, on valorise les initiatives des employés grâce à un concours intrapreneurial annuel, à l’issue duquel, les lauréats développent leur concept grâce au coaching de la société. Parmi les vainqueurs, « Maintenant », un service proposé par Lauren Michel qui permet d’accélérer les rencontre employeurs-demandeurs d’emploi au travers une plateforme sans CV ni dépôt d’offre.
Et la manager dans tout ça ?
Face à un flot d’information continue et à une atténuation de la frontière vie privée-vie professionnelle, le manager doit mettre l’accent sur la liberté de ses collaborateurs. Julie Bastianutti, maître de conférences à l’IAE-Université de Lille, explique : « sous le voile de l’accélération de l’activité et de la performance, il y a une tendance réelle à l’immobilisme dans les entreprises. Le manager doit réapprendre à gérer le temps, à impulser un tempo au sein de ses équipes et ne pas se laisser emporter par les urgences. »
Pour Frédric Petitbon, associé chez PWC, la place du manager est celle du leader de la « tribu » : « le manager doit penser tribu. Il doit reconnaître l’autre et impulser une dynamique, être pédagogue pour montrer à ses collaborateurs toutes les possibilités du métier. Le manager est celui qui construit l’espace et ritualise sa tribu : comment communiquer ? Où communiquer ? C’est très important pour éviter le turn-over. Un open space, sans lieu d’échange avec un chef toujours au centre qui tient les comptes de ceux qui parlent ou ceux qui s’absentent, c’est un danger. »
Comme l’explique David Autissier, maître de conférence à l’IAE Gustave Eiffel : « La société des individus avance beaucoup plus rapidement que les entreprises et les institutions. C’est une première. » Aujourd’hui, il est donc plus qu’important pour les entreprises de réagir et de s’adapter dans un monde en constante mutation. C’est là, la clé de la compétitivité.
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