Depuis deux décennies, l’entreprise s’est complètement transformée. L’intégration poussée des technologies et l’adoption de modes managériales issues tout droit des pays anglo-saxons ont poussé les organisations à se réinventer et le manager à changer de posture. Comment arrive-t-il à trouver l’équilibre entre Homme et machine ? Quels sont ses atouts pour affronter ses nouveaux défis ? Christophe Clavé, professeur en stratégie et management à l’INSEEC School of Business & Economics, dresse le portrait-robot du DG du Nouveau Monde.
Le premier challenge du DG nouvelle génération ? Manager avec la technologie. Si ces outils ont toujours accompagné les collaborateurs, l’IA et le big data ouvrent de nouvelles possibilités dans l’entreprise. Comment intégrer ces technos ? Comment faire travailler de concert humain et machine ? Autant de problématiques dont s’empare le manager aujourd’hui. Si l’intégration de la technologie paraît chose aisée, la tâche est plus complexe qu’elle n’y paraît. Christophe Clavé identifie en effet un écueil dans lequel tombent de nombreux managers : la mise en place d’outils technologiques, au détriment de l’humain. « Il ne faut pas confondre outils et moyens. On pense souvent que la plateforme peut remplacer un Homme et effectuer ses tâches à sa place. Mais c’est faux. » Une erreur commune qu’ont commise de nombreux managers dans les années 90. Fort du constat qu’il fallait repartir des besoins des consommateurs, plusieurs entreprises ont adopté le CRM. « Tout le monde s’est emparé de cet outil, pensant qu’il ferait la relation client à notre place. En réalité, le changement n’est arrivé que bien plus tard, lorsque les managers ont compris que la technologie n’était que le support qui nous permettrait d’être plus efficaces. »
L’intelligence collective : nouvel atout du DG
Alors que les entreprises étaient encore très silotées jusqu’à la fin du 20e siècle, de nombreux DG sollicitent désormais l’intelligence collective de leurs collaborateurs. « De nombreuses études prouvent que nous sommes plus productifs et créatifs lorsque nous travaillons ensemble », explique le professeur de l’INSEEC School of Business & Economics. Le nouveau rôle du manager devient ainsi de mettre en place les conditions permettant à ses collaborateurs de travailler ensemble. « Créer des open spaces ne suffit pas. Insuffler cette dynamique à son équipe demande d’être à l’écoute de ses salariés et de son environnement, de s’ouvrir à d’autres points de vue, de confronter sa vision. » Un nouveau paradigme déjà adopté par les acteurs de la Tech comme Google. Pour s’assurer du succès de ses projets, le géant américain a déployé un outil qui identifie les profils de ses collaborateurs pour constituer des équipes dont les forces sont complémentaires.
Manager dans monde instable
Un autre phénomène bouleverse le quotidien du manager : l’instabilité économique. « Les modèles prédictifs sont devenus obsolètes. L’avenir n’est plus la conséquence logique du passé. Nous avons quitté le 20e siècle et entrons dans une nouvelle ère économique. Nous sommes aujourd’hui dans une grande période de transition. » Et pour faire face aux nouveaux défis économiques, Christophe Clavé préconise d’abandonner la dimension « rationnelle » du manager. « De nouvelles qualités comme la sensibilité sociale ou l’intelligence émotionnelle sont essentielles ! On parle beaucoup d’écosystème, mais pour faire travailler les hommes ensemble, il faut mettre en place un émosystème. L’objectif ? Se baser sur les émotions dans le but de faire produire ses collaborateurs. Conclusion : moins de rationnel et de quantitatif, pour plus de qualitatif.
Manager recherche un nouvel équilibre
La recherche d’un équilibre. Dans cet univers instable, voilà LA grande qualité qui guidera les actions du DG de demain. « Il ne faut pas être à 100 % dans l’émotion, mais trouver le juste milieu entre ce modèle et un côté plus rationnel. Ce point d’équilibre est devenu un atout séduction pour des Millennials qui sont en quête de sens dans leur travail. » Conséquence : le DG ne tire plus sa légitimité de son statut, mais bien de sa capacité à faire un focus sur ses équipes. Il doit désormais les intégrer dans sa prise de décision. « Il faut laisser ses collaborateurs expérimenter et se tromper. On apprend beaucoup en échangeant avec eux et en confrontant ses idées. Ecouter et savoir remettre en cause ses croyances sont les clés des meilleures décisions. Comme disait Nietzsche, ce n’est pas le doute qui rend fou, c’est la certitude. »
5 chiffres sur la révolution managériale Comme le met en avant l’enquête de CBRE et Le Moniteur sur la QVT, les collaborateurs plébiscitent les nouveaux modes et outils de travail. 67 % des salariés interrogés réclament une organisation différente avec en tête : la gestion personnelle du temps et de l’espace de travail. 74 % sont même favorables à la transformation des locaux. Côté techno, 69 % considèrent que l’évolution des outils dont ils disposent contribue à l’amélioration de leurs tâches. Des innovations qui ont permis la mise en place du flex-office, une nouvelle méthode de travail qui aurait réinventé le management en interne pour 44 % des salariés interrogés. Selon Socialy, 40 % des entreprises qui ont réussi leur transition numérique observent un réel gain de performance. À vous de jouer !
DG d’un grand groupe ou d’une PME = même combat ?
Grand groupe, ETI, PME, industrie, spécialistes du conseil… Quel que soit le secteur d’activité ou la taille de l’entreprise, le rôle du DG est central. Dans cet univers où la concurrence est mondialisée, sa présence est encore plus importante que jamais. « Il est celui qui connaît et maîtrise les forces et les faiblesses de son entreprise et de son environnement. Il a une vision 360° sur les 5 prochaines années et emmène sa société, ses collaborateurs, ses clients, ses produits avec lui pour la réaliser. » Autre pilier du DG quelle que soit la taille de l’entreprise : ses équipes. « Le DG doit prendre conscience qu’une organisation, est une mécanique complexe dans laquelle de nombreuses personnes s’impliquent et travaillent ensemble. » Ainsi, ce manager est clé pour créer les espaces qui permettront à ses collaborateurs de mettre en œuvre leurs projets.
Les défis du DG de PME
Un point de divergence subsiste malgré tout entre les différents types de structures : la proximité avec le terrain. « Dans une PME, le DG est directement opérationnel, car il est proche des collaborateurs et des clients. C’est une qualité importante. Il faut toutefois se méfier de cet atout. Certains managers seraient tentés de prendre des décisions seuls, se basant uniquement sur leur connaissance terrain. » Le DG de PME doit ainsi être plus collaboratif que jamais ! « Dans une petite entreprise, il faut construire avec ses collaborateurs et les parties prenantes, partager le plus possible. Le monde est trop instable pour pouvoir tout faire seul. »