Socle qualitatif de stabilité sur lequel se construit la relation employeur-salarié, la marque employeur apparaissait, il y a peu, comme une sorte de contrat de progrès réciproque. Mais, aujourd’hui, il n’en est plus question.
Il faut que tout change pour que rien ne change…
Ce que les juristes appellent la dimension synallagmatique – qui comporte une obligation réciproque entre les parties – du contrat de travail, doit être repensée quand on parle de marque employeur. Aujourd’hui, la convergence indispensable des points de vue et des intérêts pour sceller la relation de travail produit au mieux un équilibre fragile et mouvant. Et paradoxalement, c’est sur cette instabilité relationnelle que prospère l’« affectio societatis » qui attire et attache le salarié à l’entreprise. Cette extrême adaptabilité donne toute sa modernité à la marque employeur.
Quel est le prix à payer pour l’entreprise ?
Plus que jamais la marque employeur doit être pensée comme un mix. Elle mobilise subtilement les compétences qui donneront sa dimension qualitative, moderne et dynamique à la relation de travail. Au confluent de la communication interne et de la communication externe, les performances de l’entreprise se mesurent aujourd’hui à l’aune des missions qu’elle se fixe, des promesses qu’elle poursuit et bien sûr de sa profitabilité, mais plus seulement.
Mariés au premier regard !
C’est dans ce contexte multidimensionnel, que le salarié va développer et revendiquer sa congruence avec l’entreprise. Il le fera aussi bien au travers de la marge qui lui sera laissée pour s’épanouir qu’à l’intensité vécue de son ressenti. En parallèle l’entreprise ancrera sa légitimité et exprimera son attractivité par la vivacité de sa culture d’entreprise. D’après le baromètre « Talents : ce qu’ils attendent de leur emploi », 78 % des jeunes de 18 à 24 ans sont prêts à ne pas accepter un emploi qui n’a pas de sens pour eux. Face à ce constat, la marque employeur ne peut se résumer à une clause contractuelle standardisée au bas d’un contrat. La négociation gagne en perspective ! Et pour paraphraser Georges Clémenceau, la marque employeur est devenue un enjeu bien trop grave pour ne la confier qu’aux seuls spécialistes du travail et du management dans l’entreprise.
Plus que jamais climatosceptiques
Quand l’entreprise crée un baromètre de la Qualité de Vie au Travail de quel indicateur entend-elle se doter ? Veut-elle mesurer la performance de son management, le poids des tensions, la transparence des relations internes ou le bien-être de ses salariés ? En réalité, c’est un peu de tout ça ! C’est bien au travers du prisme de la marque employeur que se lit aujourd’hui la climatologie de l’entreprise. Et le marqueur est multiforme alliant : l’attractivité et le rayonnement de l’entreprise, le dynamisme et la pertinence de sa culture, sa crédibilité et sa transparence, sa capacité inclusive et de fidélisation. Le champ des compétences mobilisées devient complexe. Personne ne peut en être le titulaire à titre exclusif.
Choisir, c’est renoncer
La lecture des organigrammes modernes se fait sous un nouveau jour. Ce qui est désormais en jeu, ce n’est pas tant la désignation du service en charge de la marque employeur que le niveau d’élévation dans la hiérarchie des responsables de sa conception et de sa mise en œuvre. Louis XIV avait affirmé, « l’État, c’est moi ». Quel service, quelle personnalité pourrait affirmer aujourd’hui, « la marque employeur c’est moi » ? Elle ne peut qu’être multiple et mouvante pour se vivifier et se diffuser. C’est un concept collectif de consensus et de projet. Là est son sens.
Ainsi s’affirme la double nature du concept actuel de marque employeur. Progressivement la dimension hiérarchique de la relation employeur s’estompe pour mettre en pleine lumière celle de marque. L’entreprise est mise au défi de révéler et synthétiser sa valeur commerciale, relationnelle et aspirationnelle. Bref, de s’assumer comme marque.
L’auteur est Philippe Bastien – Istec Business School Paris, Professeur Communication et Stratégie de Marque, Responsable du Master Événementiel Industries Culturelles et Créatives