Millennials et profils plus seniors : même combat ? Quête de sens, autonomie… Selon une enquête Opinionway pour Horoquartz, les aspirations des collaborateurs seraient les mêmes, quel que soit leur âge. Seule différence, la relation avec l’entreprise. Si on a beaucoup opposé les attentes des nouvelles générations et celles de ceux qui sont dans l’entreprise depuis plusieurs années, la réalité n’est pas aussi manichéenne qu’on ne le pense.
Le saviez-vous ? Pour un même poste, deux collaborateurs qui ont fait les mêmes études auront les mêmes attentes du monde du travail, quel que soit leur âge. Pourquoi ? Jean Pralong, professeur de Gestions des Ressources Humaines et titulaire de la chaire Compétences, Employabilité, décision RHà EM Normandie, nous éclaire. « Il y a une raison très simple derrière ce constat. Une génération est un regroupement d’individus qui n’ont que l’âge en commun. »
Pour faire simple, les générations X, Y et Z ne partageraient rien d’autre qu’une date de naissance sur leur carte d’identité. « Un enfant de cadre, étudiant en business school a bien plus de points en commun avec son père qu’avec un élève en CAP né la même année que lui. La société est faite pour se reproduire à l’identique », explique le professeur d’EM Normandie.
« Le concept même de génération se base sur un postulat de reproduction et non de transformation »
Le cataclysme social
Serions-nous donc condamnés à répéter les mêmes schémas indéfiniment ? C’est en tout cas ce que pensait le sociologue Karl Mannheim. Selon lui, même les événements les plus marquants ne suffisent pas à changer la société en profondeur. Ainsi, Mai 68 n’aura pas suffi à créer les conditions nécessaires pour marquer une génération et la transformer.
Mais alors, comment faire évoluer les populations pour sortir des normes établies depuis des années ? Selon Mannheim, seul un cataclysme social sera capable d’avoir un tel effet sur notre société. « Le concept même de génération se base sur un postulat de reproduction et non de transformation. Pour qu’il y ait un changement, il faut un défaut dans ce système de production. C’est quelque chose d’impensable en Occident. Un tel phénomène ne peut survenir que dans des pays où la société est fragmentée comme la Chine de la révolution industrielle », décrypte Jean Pralong.
Digital Impact
Catherine Lajealle, sociologue et chercheur à l’ISC Paris, nuance. Selon elle, même si les attentes sont sensiblement les mêmes selon les générations, elles sont malgré tout marquées par leur rapport à la technologie.
Pour la sociologue, la génération X, qui rassemble les personnes nées entre les années 60 et 80, est avant tout marquée par la patience. « C’est une génération que j’appelle 48h chrono. La Redoute venait de se créer et promettait de livrer toute la France en 48h. Un délai relativement long aujourd’hui, mais qui a appris à cette génération à être plus patient. Elle évoluait dans un monde où la contrainte technique était importante. Pour acheter un billet, il fallait aller en agence, les forfaits téléphoniques coûtaient cher… Ce sont des gens qui ont un respect de la hiérarchie, car il y a l’idée que l’expérience a une valeur. »
Y et Z, des générations disruptées
Catherine Lejealle en est persuadée, le réel changement est survenu avec les Y et les Z. Les fameux Y (individus nés entre les années 80 et 95) représentent aujourd’hui 40 % des salariés. Ils ont vu arriver les technologies, ont grandi avec Facebook et MSN pour renforcer leurs liens interpersonnels tout en s’affranchissant du contrôle social.
La génération Z a quant à elle créé une réelle rupture. « Ce sont des jeunes de 17 à 23 ans qui commencent à arriver dans l’entreprise au travers des stages et qui n’ont connu que peu de contraintes techniques. Ils ont grandi avec BlaBlaCar, AirBnb ou Snapchat. Ils sont dans l’hyperconnexion et l’illimité. Grâce à la géolocalisation et à l’économie collaborative, ils peuvent satisfaire leur moindre désir dès qu’ils le veulent », explique Catherine Lejealle.
Ce sont eux qui ont notamment amené de nouveaux paradigmes dans l’entreprise. Si avant, les attentes des collaborateurs demeuraient les mêmes, cette génération assume ses idées ! « La notion d’expérience n’est plus la même depuis l’arrivée des Z. Ils partent du principe qu’ils ont leur mot à dire et que celui-ci a autant de valeur que ceux de n’importe quel manager. Ils veulent qu’on les écoute. Certaines entreprises ont ainsi transformé leur organigramme. Accor a par exemple mis en place un shadow COMEX composé uniquement de Y », note la sociologue et chercheur de l’ISC Paris.