Le fiasco de la procédure APB (Admission post-bac) aura-t-il été la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? L’élément déclencheur d’une série de réformes majeures pour l’université ? Le scandale de dizaines de milliers de jeunes bacheliers laissés pendant des semaines sans affectation – ils étaient encore 6 000 dans ce cas à quelques jours de la rentrée – a choqué l’opinion. Et poussé les pouvoirs publics à multiplier les chantiers.
Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, vient d’annoncer une refonte d’APB et la fin du tirage au sort pour 2018. Une décision plutôt bien accueillie – mais qui conduit aussi à revoir tout le système d’accès à l’université.
Une concertation a été engagée sur les « pré-requis », que les nouveaux entrants devraient impérativement maîtriser. Dans la foulée, le sujet de « l’orientation active » fait son retour. L’idée étant de permettre aux lycéens de vérifier – par exemple à l’aide d’un MOOC en libre accès – s’ils ont bien les compétences pour intégrer telle ou telle licence. La création d’une licence « modulaire », qui permettrait de changer de voie en cas d’erreur d’orientation, est aussi à l’étude. Autre piste pour les étudiants affichant des lacunes : une remise à niveau, sous forme de stages d’été ou de période « propédeutique ». Les travaux engagés cet été sur le « contrat de réussite étudiant » s’inscrivent aussi dans ce contexte.
Vers une forme de sélection à l’entrée de l’université
Mais surtout, c’est la question de la sélection qui est désormais posée. Longtemps sujet tabou, elle était actée depuis fin 2016 pour l’entrée en master : cette année, les titulaires d’une licence ont dû soumettre un dossier de candidature pour rejoindre la filière de leur choix ; ils peuvent être refusés, faute de capacités d’accueil suffisantes ou sur d’autres critères. Ce nouveau dispositif, même assorti d’un « droit à la poursuite d’études », a déjà suscité de nombreux recours d’étudiants écartés…
Après le niveau master, faut-il instaurer une forme de sélection dès l’entrée à l’université ? Nombreux sont ceux qui estiment qu’à tout prendre, le bac, avec près de 88 % de réussite, ne jouant pas son rôle de filtre, mieux vaut une sélection assumée qu’un tirage au sort, forcément injuste. Le président de la République a souligné que l’université ne pouvait être « la solution pour tout le monde. » Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d’université (CPU), de son côté, s’est prononcé contre « une sélection brutale ».
Côté budget, les choses ont aussi bougé pour les étudiants. La baisse de 5 euros par mois des APL les affecte directement. Et le coup de rabot annoncé en juillet (331 millions d’euros en moins pour l’enseignement supérieur et la recherche) a inquiété la communauté académique, dans un contexte de hausse des effectifs. Depuis, le Premier ministre a pris soin de rappeler que le supérieur figurait parmi « les priorités à financer ». Et annoncé un « plan de vie étudiante », avec des mesures sur le logement et la santé.
Pour les universités, tous les sujets sont sur la table. Y compris ceux qui fâchent les syndicats étudiants, comme ceux de la sélection ou des moyens. Rarement le programme de réformes avait été aussi chargé. Après un été studieux, l’automne promet d’être fertile en annonces.
Jean-Claude Lewandowski