Le couple numérique et énergie répond à deux problématiques : le numérique au service de l’optimisation énergétique et l’efficacité énergétique d’un numérique énergivore. Avec l’avènement du numérique et des objets connectés, terminaux, réseaux télécoms, fabrication des matériels informatiques et datas centers consomment déjà 10 % de l’électricité mondiale selon les calculs du cabinet Digital Power Group. Il prédit également le doublement de cette consommation dans les 10 à 20 ans.
RÉCUPÉRER L’ÉNERGIE PARTOUT OÙ ELLE SE NICHE
Jean-Marie Bonnin, enseignant-chercheur à Télécom Bretagne travaille sur les réseaux au service de l’énergie dans la ville. « Je m’intéresse aux protocoles de communication pour la gestion de l’énergie entre les véhicules électriques et les smart grids. » Son objectif est de permettre la mise à disposition de l’énergie stockée dans les batteries du véhicule à son environnement. Pour optimiser ce transfert, le véhicule doit connaître les besoins de son environnement, et donc communiquer avec lui. « Ces communications se font dans le contexte des smart grids, des réseaux intelligents. Ce transfert d’énergie peut intervenir lors des pics de consommation pour réduire l’abonnement, d’une panne de réseau au cours d’une tempête, en zone isolée pour une autonomie énergétique… »
« L’histoire est en train de s’écrire ! On ne pourra pas aller vers
la transition énergétique sans piloter les producteurs et les charges. »
PRENDRE LE RELAI DES ÉNERGIES RENOUVELABLES
La récupération d’énergie a aussi un lien avec les énergies renouvelables. « L’intérêt est de pouvoir stocker l’énergie pour la libérer lorsqu’une éolienne ou un panneau solaire n’en produit pas, souligne le professeur Bonnin. Les outils numériques déterminent quand décharger l’énergie en fonction des besoins, quels sont les stocks. » Par exemple, une auto électrique indique chaque soir combien d’énergie elle peut décharger dans le réseau d’une maison afin de prendre le relai d’un panneau solaire par définition inactif la nuit.
PILOTER DES MILLIONS DE PETITS PRODUCTEURS
De son côté Florent Cadoux, titulaire de la chaire smart grids de Grenoble INP, s’intéresse au pilotage des éléments qui se trouvent dans le réseau électrique. « La France dispose de 400 centrales électriques et d’une infrastructure réseau centralisée. Cela permet d’adapter la production en fonction de la consommation. » La multiplication des petits producteurs d’énergie renouvelable pose un nouveau problème. « Ils sont à la fois nombreux et dispersés sur le territoire. Si l’on souhaite les piloter, il faut déployer une infrastructure complexe et donc onéreuse. On ne pourra pas aller vers la transition énergétique sans piloter les producteurs et les charges. »
UN RÉSEAU SOUS-DIMENSIONNÉ
De plus, l’infrastructure des câbles entre producteurs et consommateurs est limitée. « La capacité de puissance a été dimensionnée pour des besoins d’il y a plusieurs dizaines d’années », explique Florent Cadoux. Les nouveaux usages engendrent des flux pour lequel le réseau n’est pas adapté. « La congestion du réseau nécessite de nouveaux équipements, couteux et dont la fabrication est polluante. » Là encore le pilotage fin pour adapter la production à la consommation via des réseaux intelligents s’impose.
SÉCURISER LES DONNÉES
Qui dit réseaux communicants, dit récupération de données et pose la question de leur sécurité et confidentialité. « Un thermostat s’appuie sur des données captées ou que vous aurez renseignées pour réguler la température de votre habitation, comme vos créneaux d’absence, illustre J-M. Bonnin. On imagine les dérives commerciales ou frauduleuses de l’usage de telles informations. » D’autant plus qu’avec le machine learning, le système apprend les habitudes de l’usager ! « Le risque de hacking est aussi réel, ajoute le professeur Cadoux. Par exemple pour prendre le contrôle d’un réseau et couper le courant. »
FORMER DES INGÉNIEURS DOUBLEMENT COMPÉTENTS
Former des ingénieurs généralistes ayant développé une vision des enjeux télécoms et énergétiques est au coeur de la fusion entre Mines Nantes et Télécom Bretagne. Cette convergence est aussi à l‘origine de l’ouverture en septembre 2016 d’un programme 50 % ENSIMAG/50 % ENSE3 à Grenoble INP, « Des réseaux électriques aux réseaux d’information. »
A.D-F