Le développement de la numérisation en santé (dossiers médicaux partagés, réalité virtuelle/augmentée en chirurgie, applications mobiles de suivi des constantes médicales, téléconsultations…) soulève légitimement des questions éthiques liées à l’innovation : est-ce un moyen d’empowerment pour le patient ou un risque de déshumanisation ? Ces avancées peuvent-elles renforcer l’autonomie des patients et l’efficacité des soins sans nuire à l’humanité des services ?
Vers une innovation éthique en santé : collaboration et intégration des patients
Dans une perspective éthique, l’innovation en santé s’oriente vers une intégration active de l’utilisateur, promouvant une collaboration entre professionnels, technologues, patients et chercheurs pour créer des solutions technologiques justes et adaptées. La réussite de cette démarche repose sur l’identification des facteurs économiques, socio-organisationnels, et psychosociaux favorisant l’adoption des innovations. Ces méthodologies visent à empêcher la déshumanisation, en s’assurant que les technologies soient conçues pour répondre véritablement aux besoins des utilisateurs, renforçant ainsi leur autonomie et contribuant positivement à la société.
Patient-partenaire : clé de l’innovation participative en santé
Dans le nouveau contexte technologique, les patients peuvent ainsi être vus comme des partenaires. Dans la conception des solutions et services en santé, il est devenu essentiel d’intégrer les patients le plus tôt possible. Or, jusqu’à peu les technologies sont souvent conçues par les professionnels de santé et les développeurs pour les patients et non avec eux.
De plus en plus de structures, au service de l’innovation (comme le MedTechLab, living lab de Mines Saint-Etienne et AESIO), mettent en œuvre une approche de conception participative et inclusive. Les résultats montrent que les outils ainsi développés gagnent en qualité et en pertinence, car la démarche (re)donne un pouvoir d’agir aux patients ; ils retrouvent une certaine liberté d’action. Une nouvelle forme de relation de confiance s’établit alors entre tous les usagers : professionnels et le patient.
Numérisation de la santé : innovations, défis et impacts sur le patient et le soignant
La numérisation de la santé ouvre la voie à une médecine personnalisée et préventive, exploitant le big data pour des traitements sur mesure, illustré notamment lors de l’épidémie de COVID-19. La réalité virtuelle et augmentée en chirurgie améliore la précision des interventions, réduisant les risques et favorisant le rétablissement. Parallèlement, les applications de suivi santé sur smartphones, dont certaines sont scientifiquement validées et les téléconsultations permettent une gestion proactive de la santé par les patients, rendant la médecine plus accessible et orientée vers la prévention. L’IA permet aux professionnels de santé d’avoir des outils d’aide à la décision pour établir un diagnostic et proposer un traitement.
Or ces outils peuvent également interférer dans la relation soignant-soigné, une interaction directe qui peut influencer la qualité du diagnostic et de la prise en charge. Pour les professionnels de santé, ces outils peuvent affecter l’autonomie dans le travail et voir leur expertise dévalorisée par l’essor de ces nouvelles technologies. Pour les patients, il y a un risque d’entrer dans une forme d’addiction de l’utilisation de ces technologies pour comprendre leur maladie et pour être en lien avec des communautés de malades au risque d’adopter des comportements pas toujours ajustés vis-à-vis de leur pathologie.
Ainsi ces technologies viennent modifier la relation entre le patient et les professionnels de santé. De nature descendante, l’information est transmise au patient, elle passe à une nature contributive, le patient développe ainsi une expertise sur sa santé et est capable de l’auto gérer en plus des soins dont il peut bénéficier. On parle dès lors de démocratie sanitaire à travers l’engagement et la participation du patient ce qui lui permet d’être au cœur du système de santé et d’être un véritable acteur et engagé dans le processus de décision de son parcours de soin.
Les auteurs sont : Elena Elias, docteur en ergonomie et psychologie, chercheure et Raksmey Phan, docteur en informatique, chercheur à l’école des Mines de Saint-Etienne.