Ho, Ho, Ho : qu’on se le dise, la Covid n’aura pas eu raison de l’esprit de Noël ! Sans renier le contexte de cette édition 2020 unique dans les annales, les marques mettent tout en œuvre pour le faire vivre… même à distance. Nouveaux canaux, nouveaux comportements, nouveaux messages : quand le marketing ne fait pas de cadeau au coronavirus.
Si le mouvement du marketing digital est en marche depuis quelques années déjà, il a clairement été accéléré, voire transformé, par la pandémie. « Si auparavant les marques devaient s’adresser aux consommateurs avec une forme de ciblage, aujourd’hui, la situation est renversée : c’est à l’entreprise d’aller chercher le consommateur à l’endroit où il est : sur le net ! » introduit Kafia Ayadi, professeur assistant en Marketing et en Comportement des consommateurs à NEOMA BS. Et pas n’importe où sur le net. « Alors que la Génération Y est sur Facebook et Instagram, les Z privilégient Snapchat et Youtube, pendant que la Génération Alpha est fan de TikTok, de Youtube et des influenceurs qui s’y trouvent. »
A situation exceptionnelle, messages exceptionnels ?
Alors que le premier confinement avait été celui de l’avènement de nouveaux contenus pour aider les familles à occuper leur temps libre (DIY et autres tutos) ou s’enrichir avec des programmes ludoéducatifs , « la crise sanitaire reste très peu évoquée par la publicité en cette période de Noël » note Coralie Damay, enseignante-chercheuse à l’ISC Paris et directrice du laboratoire de recherche de l’école. La faute au fameux « degré d’acceptabilité » des consommateurs ? « Plus que d’habitude, les personnes ont envie de rêver et de chasser le marasme ambiant. De fait, les marques en protègent les consommateurs, les enfants notamment. Car il ne faut pas oublier que même si le budget consacré à Noël par les ménages est en baisse depuis quelques années, le budget cadeaux des enfants est le dernier budget auquel on touche, précise-t-elle. A cela s’ajoute le risque d’apparaitre comme une marque « rabat-joie », ou à l’inverse, comme une marque opportuniste ».
Les valeurs au cœur du marketing de Noël 2020 ?
Noël 2020 voit d’ailleurs se cristalliser des tendances qui précédaient la crise Covid. « Les gens ont été bousculés dans leurs repères. Le sens du partage, de l’authenticité, de la solidarité, des valeurs propres à cette période, sont exprimées d’autant plus fort cette année. Ce qui fait que l’expérience digitale, somme toute très solitaire, n’a pas réponse à tout dans une période de Noël où on recherche avant tout une expérience physique et sensorielle » note Claire Roederer, professeur des universités spécialisée en marketing à l’EM Strasbourg et responsable de la chaire Expérience client de l’école.
Et si on faisait comme si de rien n’était ?
Mais peuvent-elles pour autant faire fi du contexte ? « Une publicité qui reflète ce qu’on vit, c’est malin et ça parle aux consommateurs. Mais tout est question d’adaptation à sa cible au temps T. Ainsi, chez les jeunes générations ultra informées, plus méfiantes et moins fidèles face aux marques, les messages qui ne sont pas en phase avec la réalité du monde ont moins de chance d’être impactant » ajoute Kafia Ayadi. Autre risque : donner l’image d’une marque trop datée, voire hors-sujet. « Il y aura un esthétique post-Covid. Intermarché l’a par exemple bien compris en optant cette année pour une campagne axée sur les remerciements au personnel médical. Ou comment se saisir de la question tout en gardant son univers, pour montrer qu’on peut consommer autrement, sans arrêter de consommer » estime Claire Roederer.
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Les lutins restent au rendez-vous
Mais s’il y en a qui n’ont pas du tout envie d’arrêter de consommer, ce sont LES plus gros prescripteurs d’achat à Noël a.k.a les enfants ! Et pour les atteindre de façon rapide et efficace, rien de mieux qu’un bon vieux catalogue. « Un support ludique que l’enfant attend avec impatience et qu’il peut prendre le temps de s’approprier. Même si cette année, les parents ont pu avoir du mal à se le procurer en raison de la fermeture des magasins. Et face à lui, deux stratégies : celle de l’offre pléthorique où le Père Noël n’a plus qu’à piocher, et celle du ciblage extrême où l’enfant peut indiquer au Père Noël dans quel magasin et à quel prix il trouvera le cadeau de ses rêves » indique Coralie Damay.
Une stratégie qui va de pair avec l’intériorisation de certaines contraintes. Car si l’enfant reste le prescripteur N°1, il reste soumis au véto parental. « Dès l’âge de 8 / 10 ans, des enfants ne demandent pas certains cadeaux car ils savent qu’ils ne l’auront pas. D’autres optent pour un contournement de ce véto en faisant des requêtes différentes à leurs parents… et à d’autres, comme leurs grands-parents. Parallèlement, on voit cette année émerger au sein des familles plus de discussions sur la consommation locale, responsable et sur le fait de privilégier des petits commerçants par exemple » ajoute-t-elle.
Sous le sapin cette année…
Il y aura plus de petits cadeaux. « Pour compenser le fait que les familles ne pourront pas se réunir comme d’habitude, les parents de jeunes enfants ont tendance, à budget constant, à troquer le gros cadeau unique pour plusieurs petits cadeaux afin de conserver une image de profusion » prévoit Coralie Damay. Des cadeaux dont beaucoup seront achetés en ligne et livrés, ou achetés par les parents pour toute la famille, afin d’éviter de confronter les grands-parents à la foule dans les magasins notamment.
Et les marchés de Noël ?
Claire Roederer porte depuis quelques années ses recherches sur le Marché de Noël de Strasbourg et s’intéresse cette année, qui l’aurait cru, à l’absence dans la consommation. « C’est une vraie tragédie pour les destinations touristiques comme Strasbourg qui sont très investies dans cet esprit de Noël. Si la ville est toujours très bien décorée cette année, la magie n’est plus vraiment là. Et pourtant, elle a été particulièrement créative pour développer des projets en ligne. Mais l’expérience de Noël ne se vit pas uniquement derrière un écran. Elle revêt une dimension holistique d’expérience sensorielle, physique, du consommer ensemble » observe-t-elle.
Mais ce n’est pas pour autant que ces consommateurs, qui viennent aussi sur le marché de Noël pour profiter de la bonne chair et de la convivialité du vin chaud, vont faire une croix sur les agapes. Là aussi, un souffle de consommation responsable commence à souffler. « Beaucoup se tournent vers le local, pour aider les petits commerçants. On consomme oui, mais avec du sens : les consommateurs se rendent compte que leurs comportements peuvent venir en soutien du tissu local » conclut l’experte de l’EM Strasbourg.
>>>> Pour aller plus loin : Le e-commerce est-il le Père Fouettard de Noël 2020 ?