83,4 % des personnes apparaissant à la Une des principaux titres de presse français en 2020 sont des hommes, selon un rapport du ministère de la Culture. De plus, alors que 60 % des diplômés sont des femmes et que plus de 70 % des décisions d’achat sont faites par des femmes, les médias continuent à interroger massivement (82 %) des hommes quand ils ont recours à des experts. Pourquoi et comment concrètement faire entendre la parole des femmes expertes dans la sphère médiatique ?
Les hommes sont perçus comme plus crédibles ?
La recherche académique depuis les années 70 a essayé d’identifier les caractéristiques qui rendent une source crédible. Le sexe, comme bien d’autres variables, a été testé. Les résultats ne montrent aucune cohérence laissant penser que les hommes ou les femmes seraient perçus comme plus crédibles. D’un point de vue objectif, le taux de diplomation plus élevé des femmes laisse supposer que le panel de femmes expertes est plus large que le panel d’hommes. La sur-représentation des hommes n’a donc pas de raison d’être. Il semblerait donc que l’explication de la sous-représentation des femmes soit à trouver dans les habitudes des journalistes. Etonnamment, aucune étude robuste n’a cherché à identifier les facteurs de choix des expert.e.s par les journalistes.
Augmenter la voix des femmes expertes dans les media
Comme le souligne le rapport du ministère de la Culture précédemment cité et remis par Céline Calvez, deux aspects sont à prendre en compte. D’une part, le nombre de femmes expertes dans les media et d’autre part, leur temps de parole. Ce sont donc deux habitudes qu’ils font changer : inviter autant de femmes que d’hommes et leur donner autant la parole.
Changer les habitudes : trois voies à explorer
Pour changer une habitude, trois voies sont possibles. Elles ne sont pas exclusives les unes des autres et peuvent se compléter. La première voie est celle de l’information et de la formation. Pour cela, les chiffres du déséquilibre et l’annuaire d’expertes (expertes.fr) sont de bonnes solutions. Ils doivent être communiqués aux journalistes et surtout aux étudiants en journalisme pour leur donner des habitudes égalitaires. Les incitations sont la deuxième voie. Celles-ci peuvent être positives ou négatives. Lorsqu’elles sont positives, elles vont récompenser le changement d’habitude. Lorsqu’elles sont négatives, elles vont sanctionner le non-changement. A cet égard, les pouvoirs publics sont les mieux placés pour agir. Les organismes de certification ou les organisations professionnelles peuvent aussi, par des labels et certifications, valoriser les bonnes pratiques. Enfin, la troisième voie s’attaque à l’environnement de travail lui-même. Aucune action de ce type n’a été menée à ce jour. Pour des journalistes motivés par l’égalité, des modifications simples (les nudges), peuvent les aider à changer leurs habitudes.
Libérer du temps et donner confiance aux femmes expertes
Outre ces méthodes pour changer les habitudes des rédactions, la répartition inégale de la charge familiale et domestique dans les couples (respectivement 65 % et 71 % assumées par les femmes, d’après l’INSEE) reste un frein à la prise de parole des femmes expertes. Elles disposent en effet de moins de temps que les hommes pour parler dans les médias. Les conjoint.e.s ont donc un rôle à jouer pour permettre aux femmes expertes (en particulier celles qui sont parents) de prendre leur place dans les media. Enfin, elles doivent elles-mêmes se départir, s’il existe, du syndrome de l’impostrice. Les expertes.fr proposent à cet égard des formations à la prise de parole et au media-training.
En conclusion, c’est un cercle vertueux qui doit être mis en route par les media, les conjoint.es d’expertes et les expertes elles-mêmes pour arriver à une égale représentation des hommes et des femmes dans les media.
Magali Trelohan, enseignante-chercheuse, South Champagne Business School