Pourquoi les entrepreneurs doivent tirer parti du hasard

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crédits pexels/Nataliya Vaitkevich-

De nombreux produits dont nous ne pouvons plus nous passer doivent leur existence au hasard – et au sens des affaires de leur inventeur. Les entrepreneurs savent tirer parti du potentiel du hasard, ce qui leur ouvre des portes. Découvrons pourquoi et comment.

Le village suédois de Jukkasjärvi doit autant à son fondateur, Yngve Bergqvist, qu’au hasard. Yngve a su reconnaître le potentiel touristique du lieu en été. Pour ce qui est du tourisme en hiver en revanche, il raconte comment cela s’est passé et le scepticisme auquel il a été confronté. Il fait trop froid et trop sombre en hiver dans le nord de la Suède. Mais il a tenu bon et mis en place un projet de sculpture sur glace dans une galerie d’art en forme d’igloo constituée de neige et de glace.

Et c’est là que le hasard entre en jeu : lorsqu’un groupe de personnes a voulu passer la nuit dans le village malgré le froid de la nuit d’hiver, mais qu’aucune hutte chauffée n’était disponible, Bergqvist a rapidement proposé de les laisser passer la nuit dans la galerie d’art, dans un igloo. Les invités ont adoré, et l’Icehotel était né.

Le hasard crée du potentiel à partir du néant

Yngve Bergqvist a accueilli le hasard à bras ouverts : il a su déceler le potentiel d’une situation fortuite. Il n’a jamais eu pour objectif de construire un hôtel de glace, mais lorsqu’il a vu cette idée germer, il a décidé de la suivre jusqu’au bout.

Bergqvist aurait très bien pu considérer la fascination des artistes pour l’igloo comme un cas particulier. Néanmoins, ce dernier a opté pour une autre voie. Celle empruntée par les personnes ayant un état d’esprit entrepreneurial.

Comment nous positionner face au hasard ?

Lorsque créateurs d’entreprise et collaborateurs sont confrontés au hasard, reste une chose essentielle à savoir : vont-ils accepter le hasard et saluer ses effets, ou sera-t-il perçu comme une incertitude et une déviation du plan, les incitant à renoncer à leurs projets ?

L’état d’esprit joue bien entendu un rôle décisif dans l’appréhension du hasard. Mais la question de savoir quel comportement adopter pour favoriser l’émergence du hasard est encore plus passionnante. Il serait tentant de pouvoir influer sur le hasard pour qu’il surgisse plus souvent ou, du moins, au bon moment.

Mais tout ce qui fait la particularité du hasard, c’est justement qu’il survient de manière fortuite et qu’il est plutôt difficile à provoquer. Une chose est claire : nous ne pouvons pas forcer notre chance. Mais les personnes douées d’un état d’esprit entrepreneurial peuvent accueillir le hasard à bras ouverts. Littéralement. Seuls celles et ceux qui s’exposent et qui s’ouvrent aux autres et aux échanges peuvent provoquer la chance.

L’effectuation, un premier pas en direction de l’inconnu

L’innovation ne naît pas dans un entonnoir à idées standardisé, car il n’existe pas de valeurs empiriques pour les innovations radicales. Il n’est pas possible d’évaluer quelque chose de radicalement novateur à l’aide de paramètres connus ni d’accompagner sa création. L’innovation naît plutôt d’un chaos organisé.

Issue de la recherche entrepreneuriale, la méthode empirique d’effectuation est la concrétisation de cette approche : au lieu de sélectionner certains membres d’équipe pour développer des idées dans le cadre de processus définis, il suffit d’établir un cadre général, une mission ou un challenge et de demander à un groupe de volontaires intrinsèquement motivés d’y consacrer leur temps.

En effet, l’effectuation s’appuie sur deux principes fondamentaux.

  • Premièrement : toutes les informations utiles pour développer des innovations sont déjà en la possession des personnes – reste à déterminer lesquelles, et comment et avec qui ces personnes travailleront pour atteindre l’objectif.
  • Deuxièmement : il ne sert à rien de chercher à prédire et à planifier dans les périodes de grande incertitude. Il faut donc laisser une liberté de création aussi grande que possible en début de processus d’innovation. C’est une fois qu’un certain nombre d’informations sur le projet et son potentiel auront été réunies que l’on pourra progressivement introduire des outils structurants.

Si Yngve Bergqvist avait établi son « business plan » dès le début ou qu’il avait eu recours au design thinking, il n’aurait probablement pas eu l’idée de créer l’Icehotel. Il a su accepter le hasard et en tirer le meilleur parti. Il serait donc souhaitable de faire plus souvent du hasard le Collaborateur du mois.

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crédits yvonneploenesphotographie

L’auteur est René Mauer, professeur à ESCP Business School (campus de Berlin), ainsi que coordinateur européen du département entrepreneuriat de l’école (Institut Jean-Bapstiste Say). Son domaine d’expertise est la prise de décision entrepreneuriale dans des contextes de création d’entreprise, et il a été impliqué dans une variété de projets avec des startups ou des entreprises établies. 

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