RSE, environnement, égalité, mixité… Les Millennials ne cherchent plus seulement le patron qui leur donnera un CDI et leur salaire à la fin du mois. Ils veulent un guide, un homme ou une femme qui les rend fiers de travailler pour une entreprise. Entre effet de mode et engagement sincère, comment les leaders relèvent-ils le défi qui leur est lancé par les jeunes générations ?
L’engagement c’est maintenant ? Parce que la génération Y constitue aujourd’hui une part importante des populations en situation d’être managées, la question du sens est devenue centrale. « Si la génération X acceptait le sens donné par l’entreprise sans trop le discuter, ses successeurs posent des questions et n’hésitent plus à remettre en question des choix managériaux pour trouver du sens, de l’autonomie et de la flexibilité dans leur travail », introduit Pierre-Yves Sanséau, professeur à Grenoble Ecole de Management et membre de la chaire Paix économique, mindfulness et bien-être de l’école.
Sens vs narcissisme
Mais est-ce vraiment un phénomène nouveau ? Alors que les employés des années 30 à 50 évoquaient déjà cette question, la grande nouveauté de cette remise en question managériale résiderait plutôt dans le narcissisme assumé (et biberonné aux réseaux sociaux !) des nouvelles générations. « Lorsqu’ils se situent dans le monde du travail, c’est « moi avant l’entreprise », ils refusent de se fondre dans un cadre ». Mais si le changement de paradigme est réel, cela signifie-t-il que la révolution du leadership est en marche ? Pas si sûr… « On ne réinvente pas le leader de demain, on fait plutôt des ajustements à la marge. Il s’agit plus aujourd’hui d’expliquer aux jeunes collaborateurs pourquoi ils sont là, vers où l’entreprise se dirige et pourquoi elle le fait ». Ou comment redonner ses lettres de noblesse au leadership. « La terminologie même de leader renvoi au fait de donner une direction, une orientation. A eux aujourd’hui de donner à chacun du sens à ses actions », ajoute-t-il.
Je veux améliorer le monde !
Une quête de sens qu’ils font le plus souvent rimer avec responsabilité sociale. « Les jeunes perçoivent l’entreprise comme un acteur sociétal », constate Isabelle Barth, DG de l’INSEEC School of Business & Economics. Cela implique bien sûr une dimension macro : comment l’entreprise contribue-t-elle à améliorer le monde ? Mais cela renvoie aussi à une vision plus micro : comment l’entreprise, par la voix de son leader, permet-elle à chacun, à son échelle, d’améliorer le monde ?
Vous avez dit exemplaire ?
Une grosse responsabilité pèse alors sur les épaules du leader. Désormais, impossible de ne pas être exemplaire ! « Rien de plus anxiogène pour un collaborateur que d’écouter un beau discours qui n’est pas suivi d’actions. Ou pire, d’écouter une liste d’excuses pour ne pas agir. Etre engagé, c’est avoir le courage d’être cohérent », insiste Carole Simmonet, professeur associée et responsable du département RSE de PSB.
Une démarche qui vaut aussi pour son engagement auprès de ses collaborateurs. « L’engagement nécessite de faire preuve d’intelligence émotionnelle, ce qui passe par l’écoute et la valorisation. Car prendre le parti de ses émotions quand on est un leader, ce n’est pas être faible. Au contraire, le courage réside dans sa capacité à les gérer et les mettre à profit pour porter ses équipes vers une vision commune », précise-t-elle. Pas d’engagement sans considération.
S’engager, ça vaut pour tout le monde ! Les boites de la Silicon Valley ou le rêve des Millennials ? « Le modèle américain déployé par les GAFAM est particulièrement engageant pour le collaborateur. Une fois entré dans l’entreprise, le processus d’identification est très fort, il s’engage et se donne à fond », précise Pierre-Yves Sanséau. Mais est-ce pour autant un modèle facilement exportable en France ? « Le modèle culturel français renvoie à une frontière moins poreuse entre vie privée et vie professionnelle et donc à une moindre implication dans l’entreprise. Si un collaborateur américain va naturellement être dédié à son entreprise, le collaborateur français devra adhérer à 150 % à son entreprise pour en arriver là. »
L’œil de Loick Roche, DG de Grenoble Ecole de Management
A GEM, la RSE n’est pas un effet de mode. Engagée pour la paix Economique, de laquelle découlerait paix sociale et paix environnementale, l’école ambitionne en effet de transformer la business school en school for business for society. « S’engager, ce n’est pas rien. Etymologiquement, c’est se donner en gage et donc se donner totalement. GEM a décidé, avec l’accord de ses collaborateurs, de soutenir quatre grandes causes : l’accès à l’éducation pour toutes et tous (avec le développement d’un programme pour les autistes Asperger notamment), la parité, la paix économique et la lutte contre le réchauffement climatique. »