BERNARD RAMANANTSOA, DIRECTEUR GÉNÉRAL D’HEC PARIS DURANT 20 ANS, PARTAGE SA VISION DES GRANDS DIRIGEANTS DANS UN CHAPITRE SON LIVRE « APPRENDRE ET OSER ». IL DÉCRIT ET RACONTE QUI SONT LES « VRAIS » LEADERS. LE PLUS CHARISMATIQUE N’EST PAS FORCÉMENT CELUI QUE L’ON CROIT !
Les signes distinctifs du « grand » leader
Sa vision : elle dépasse le champ de son entreprise. Selon l’auteur, là où « le leader consensuel se met au service de son organisation, le charismatique lui, l’utilise pour transformer le monde. » Le leader vs le manager est aussi capable de transformer une organisation en institution, lui donnant ainsi du sens.
Son charisme : « le grand dirigeant est celui dont l’autorité dépasse la fonction qu’il incarne » décrit Bernard Ramanantsoa. L’autorité charismatique a une dimension inspirante et exceptionnelle. Le charisme est une chose innée, profondément ancrée dans la personnalité. Mais l’auteur prévient aussi qu’il existe de grands dirigeants qui ne sont pas charismatiques.
Etre charismatique n’est en outre pas systématiquement synonyme d’efficacité. « Le charismatique aime s’exposer, se montrer. Il est donc le plus visible. Cela nourrit l’idée reçue, voire le fantasme, que le « bon » leader est forcément charismatique. » Il n’y a pas de règle en matière de leadership et encore moins de leadership efficace.
Plus encore, une entreprise a d’une certaine manière le leader dont elle a besoin. « Car le leader devient leader à partir du moment où ses équipes le considèrent comme tel. Et selon les enjeux de l’entreprise et le moment, ce n’est pas le même leader dont ils ont besoin. » Parfois, il y a besoin d’un leader charismatique, doté d’une vision qui sait mobiliser les équipes. A d’autres moments, il faut un leader « technique » focalisé sur les indicateurs et l’analyse stratégique.
Sa capacité à emmener les autres avec lui trouve sa source dans son charisme. Comme l’explique le professeur de stratégie : « le charisme crée de la croyance, extirpe le réel à sa quotidienneté, en redessine les lignes. Le leader charismatique est l’homme ou la femme de l’appel. »
Son épaisseur humaine : pour le « grand » leader, la dimension humaine dépasse la seule fonction économique du chef d’entreprise. La plupart des dirigeants sont de bons pilotes et d’excellents techniciens. Mais ce qui fait la « grandeur » du dirigeant est ailleurs. « Ce qui le caractérise est sa capacité à écouter, à échanger en profondeur, à passer du temps pour comprendre le monde et les sociétés, avant « d’embarquer » avec lui d’importantes ressources humaines en faveur d’un projet ambitieux, dépassant le cadre des stricts enjeux managériaux. »
« Le grand dirigeant
se distingue du chef d’entreprise compétent par sa vision, son humanité et le projet qu’il porte. Il donne
une âme à la firme qu’il dirige. »
La très rare évidence de l’être charismatique
En 20 ans à la tête d’HEC, Bernard Ramanantsoa n’a été frappé qu’une seule fois par « l’évidence de l’être charismatique ». Devant une dizaine de personnes ou dans un amphi devant 500 élèves, l’auditoire est « comme à l’arrêt », « les gens se lèvent comme un seul homme, je n’avais encore jamais vu cela », « le silence se fait ». Le directeur reconnait en la personne invitée à s’exprimer devant les étudiants, les caractéristiques déclinées par Weber : « une aura extraordinaire, un pouvoir de fascination exceptionnel, et une vitalité engageante. » L’homme rayonne, provoque l’émerveillement, sa présence modifie l’espace, l’investit de ses propres énergie et conviction. « Quelque chose de sa personne envoutait ceux qui l’approchaient. » Ainsi, la conférence donnée par Monseigneur Lustiger à HEC « fut l’une des plus impressionnantes que j’ai pu écouter. » « Ce jour-là, je compris ce qu’était le charisme et combien cette notion était galvaudée. Il n’est pas l’éloquence ni l’autorité. Il est un pouvoir investi d’une vision et d’un désir de concourir à la transformation du monde. »
A. D-F