QU’IL EN SOIT LE DIRIGEANT FONDATEUR OU LE LEADER, LE PRÉSIDENT D’UNE ENTREPRISE FAMILIALE N’EST PAS TOUT À FAIT UN PRÉSIDENT COMME LES AUTRES. A LA FOIS PATRON ET / OU CRÉATEUR, ENTREPRENEUR ET MEMBRE DE LA FAMILLE, IL OCCUPE UN RÔLE HYBRIDE QUI LE MUE EN PROTECTEUR D’UN PATRIMOINE FAMILIAL EN PROIE À DES PRESSIONS ET DES SUCCÈS SANS ÉGAL.
Les impératifs de l’entreprise familiale
Si le leadership d’une entreprise familiale est si unique, c’est d’abord parce qu’elle est soumise à un impératif de compétitivité phénoménal. « Elle développe une vision long terme et cherche la pérennité nécessaire à sa transmission. La continuité y est essentielle et ne viendra que grâce à la compétitivité. », insiste Sylvain Daudel, Directeur de l’EDHEC Family Business Centre. Elle doit également se doter d’une gouvernance efficace, pas toujours facile à établir dans une entreprise à l’actionnariat familial. L’excellence du leadership est enfin une question cruciale. « Alors que dans une entreprise classique, le CEO reste en poste 5 ans en moyenne, cette durée s’allonge à 15 voire 20 ans dans une entreprise familiale. Face à cette légitimité conférée par la famille et le temps, son leadership se doit d’être excellent. »
Au croisement des rôles
Un impératif d’excellence engendrant une très forte pression sur les épaules du PDG de l’entreprise familiale « une structure qui est à la fois un outil de travail économique générant des bénéfices et un patrimoine à protéger et à faire fructifier. D’où la prudence particulière de son dirigeant en matière de prise de risques économiques ou financiers » précise Miruna Radu Lefebvre, Responsable de la Chaire Entrepreneuriat Familial et Société d’Audencia. Une posture qui l’amène à pratiquer un style de management de proximité qui se traduit par une relation de confiance avec les salariés et l’environnement de l’entreprise. « Parce qu’elle est généralement implantée localement, son dirigeant se sent responsable à l’égard de sa communauté. Avec ses clients et fournisseurs, il privilégie des relations sur le long terme afin d’assoir une stabilité économique propre à ces structures qui ne sont pas dans une recherche effrénée du profit à court-terme. »
Et le fondateur ?
Un équilibre entre succès et pression d’autant plus subtil à mettre en place lorsque l’entreprise est dirigée par son fondateur, « un entrepreneur qui prend un risque professionnel et financier important (il abandonne souvent un statut sécurisant), mais aussi familial car il investit beaucoup de temps et d’effort. Un dirigeant inscrit dans une dynamique de création alors que ses successeurs seront plus dans une dynamique de développement. », précise Miruna Radu Lefebvre. Un leader par essence doté d’une forte personnalité. « Autonome et très intuitif, il sait détecter les opportunités. Physiquement et moralement très endurant, c’est un homme ou une femme qui a les épaules pour créer quelque chose de nouveau et le faire perdurer. » conclut-elle.
Quid de la succession
Qui dit entreprise familiale dit forcément transmission. Une phase de transition dont la réussite est intimement liée à la reconnaissance par tout le corps social de l’entreprise (collaborateurs, clients, partenaires, CA,…) du nouveau dirigeant. Agathe Potel, Professeur Chercheur en leadership à EMLYON Business School insiste d’ailleurs sur la dimension psychologique de la succession. « La pérennité est une notion essentielle : même si l’entreprise évolue avec l’arrivée d’un nouveau dirigeant, celui-ci doit maintenir un outil de travail et organisationnel qui fait sens pour ses acteurs. » Les clés pour y parvenir sont multiples : désinvestissement de l’ancien dirigeant parfois confronté au déni de sa succession, investissement de son successeur qui doit prouver sa légitimité patronale, accompagnement de ce changement en intégrant in situ les compétence du nouveau dirigeant pour qu’il convertisse son expérience en compétence. « Dans tous les cas, il faut rassurer et devenir crédible. Un processus qui se joue dans une logique partenariale entre le cédant et son successeur, fondamentale si on veut impulser un corps social qui adhère et non à qui on impose. »
CW.