La question de l’emploi en France est souvent réduite au taux de chômage. Certes, cette mesure est un indicateur macro utile mais il tend à cacher plusieurs réalités. Le taux de chômage dépend, aussi, de la capacité des recruteurs à reconnaître la compétence, à décider ou à convaincre les managers : il est un miroir de la performance des pratiques de recrutement. Jean Pralong décrypte le process de recrutement pour nous éclairer, candidats, managers, professeurs…
Méconnaissance du travail des recruteurs
Or le travail des recruteurs est encore méconnu. Méconnu des candidats, d’abord. Comme s’il était utile de maintenir un effet de surprise, les recruteurs sont rarement enclins à expliciter leurs démarches. Ce goût du secret s’exerce aussi entre collègues. Dans ce métier, où les formations solides sont rares et les échanges de pratiques encore limitées, qui sait vraiment comment procède son voisin ? Entre des jeunes diplômés de formations RH et des séniors issus des fonctions opérationnelles, entre les psychologues et les gestionnaires, entre les consultants et les opérationnels, une pléiade de profils existe. Pourtant, cette variété de profils semble partager un outil commun : le process. A la fois gage de professionnalisme et outil marketing, le process est souvent présenté comme une « bonne pratique » universelle. A quoi sert-il vraiment ?
Le process : couteau-suisse du recruteur
L’apparition et le consensus autour de ce process ont été une étape essentielle dans la structuration du métier de recruteur. Le connaître et l’utiliser sont des repères identitaires pour toute une profession. Car le process présente bien des avantages. Il est d’abord une méthode rationnelle : savoir ce qu’on cherche (identifier les critères), c’est savoir où, quoi et comment « sourcer » et évaluer. Mais le process est aussi un outil marketing. On ne peut pas recruter un candidat avant de l’avoir cherché. Le process, lui, est montrable. Faute de pouvoir présenter le résultat, présenter les moyens est une solution pour rassurer et convaincre.
Et en pratique ? 61% des recruteurs (« Process, mon amour… Quelles pratiques réelles et quelles pratiques idéales pour les recruteurs en France ? » HRInsights #6, Chaire Compétences, Employabilité et Décision RH, EM Normandie BS.) pensent que le recrutement a pour but de trouver le candidat s’approchant le plus de critères prédéfinis : ce sont « cueilleurs » de candidats. Mais pour 34% de leurs collègues, il faut surtout allouer du temps à la fin du recrutement, pour coacher ou former la recrue. Selon eux, un recrutement réussi dépend d’une relation à construire entre le candidat et l’entreprise : ces recruteurs sont des « tisseurs » de relations.
Faut-il être un cueilleur ou un tisseur pour être un bon recruteur ?
Un candidat est-il « bon » pour ses caractéristiques ou pour le consensus qui se dégage autour de lui ? Les deux, évidement. La performance peut être prédite par des critères dont certains sont rédhibitoires. Identifier ces critères et mesurer leur présence chez les candidats est un des fondamentaux du métier de recruteur. Or les résultats montrent que les recruteurs sont cueilleurs ou tisseurs, rarement les deux. La cause est peut-être à chercher du côté de la formation reçue ou des pratiques observées chez les pairs. Elle est probablement à trouver du côté des contraintes économiques. Entre cueillir et tisser, il faudrait choisir. Or il ne faut pas.
L’auteur est Jean Pralong, Professeur de GRH – titulaire de la chaire « compétences, employabilité & décision RH », EM Normandie BS