Relations économiques : quand la géopolitique vient percuter la mondialisation

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Les relations économiques doivent de plus en plus prendre en considération les tensions géopolitiques. Il y a trente ans, la fin du communisme nourrissait la promesse que le doux commerce de Montesquieu contribuerait désormais à pacifier le monde. Le GATT se consolidait en Organisation mondiale du commerce, la Chine y faisait son entrée en 2001, la Russie en 2012.

La fin de l’hypermondialisation bouleverse les relations économiques

Aujourd’hui, il faut plutôt craindre la démondialisation. Plusieurs facteurs se sont enchaînés pour causer ce renversement. La crise économique et financière mondiale de 2008-2009 a stoppé une période d’hypermondialisation. Les taux d’ouverture (rapport du commerce extérieur au PIB) se sont mis à baisser, signifiant que le commerce mondial croît désormais moins vite que la richesse.

L’affrontement entre la Chine et les Etats-Unis

– le « piège de Thucydide » – est sans doute le facteur géopolitique le plus important qui explique que les préoccupations économiques et commerciales sont désormais subordonnées aux préoccupations politiques et de souveraineté. La Chine menace la « stabilité hégémonique » exercée par les Etats-Unis dans le champ économique, financier, monétaire, qui était précisément un fondement de l’hypermondialisation. L’affaire Huawei, exclue par les pays occidentaux du déploiement de la 5G sous la pression des Etats-Unis, le renforcement du contrôle des investissements étrangers, la qualification de la Chine comme « rival systémique » par la Commission européenne en 2019, ont marqué un tournant dans la relation à ce pays.

La pandémie de Covid-19

combinée aux effets du changement climatique, a renforcé les tendances aux relocalisations et au raccourcissement des chaînes de production. Il est significatif que l’Union européenne ait consacré en 2020, en pleine pandémie, le concept d’autonomie stratégique ouverte, ce qui n’était pas acquis de la part des pays nordiques et libéraux.

Enfin, la guerre en Ukraine

a poussé jusqu’au point de rupture la dérive croissante entre l’Occident libéral et la Russie poutinienne. A travers le quasi-embargo qui lui a été imposé, la Russie est déconnectée de force de l’économie occidentale. L’Occident, de son côté, voit s’amplifier les conséquences économiques négatives des évolutions en cours, en termes d’inflation, de baisse du pouvoir d’achat, voire de récession, et on parle d’un état d’« économie de guerre ». La Russie, qui avait promu dès 2009 le format du BRICS (Brésil – Russie – Inde – Chine – Afrique du Sud) comme contrepoids à la domination occidentale, fait le calcul qu’elle arrivera à survivre en diversifiant ses relations économiques.

Conséquence géopolitique d’un bouleversement des relations économiques : une nouvelle guerre froide ?

Que sera le monde de demain ? Une guerre froide reviendra-t-elle, comme celle qui avait opposé le bloc occidental et le bloc communiste ? Le rapprochement entre Moscou et Pékin d’un côté, la consolidation de l’alliance occidentale autour des Etats-Unis de l’autre, sont des tendances fortes. Cependant, les choses sont moins claires idéologiquement. Les pays opposés à l’Occident libéral ne sont pas unis par une idéologie universaliste, mais par un nationalisme autoritaire et conservateur, comme il existait dans beaucoup de pays au 19° siècle. Nombre d’Etats se sentent plus proches de ce mode de gouvernance. Et au sein même du monde occidental, le populisme et le nationalisme menacent le libéralisme.

Un multilatéralisme à deux vitesses

L’opposition se cristallise entre un camp occidental structuré autour des Etats-Unis, et des rivaux qui se rapprochent, avec des pays dans une zone intermédiaire, Inde en tête, comme l’étaient les « non-alignés » durant la guerre froide. La course aux armements entre les puissances ne peut que s’accélérer. Un multilatéralisme à deux vitesses réapparaît entre des institutions solides dominées par l’Occident (OTAN, l’UE, OCDE, FMI) et un multilatéralisme universel affaibli par la mésentente entre les puissances, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour la gestion de menaces communes telles que la prolifération du nucléaire, le terrorisme, les épidémies, le changement climatique. Les acteurs économiques doivent suivre : le réveil est particulièrement brutal pour un pays comme l’Allemagne, qui avait misé à fond sur l’adaptation à la mondialisation. Les Etats, le réalisme et la géopolitique sont revenus au centre du jeu.

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L’auteur est Maxime Lefebvre, ancien ambassadeur, professeur de géopolitique à ESCP Business School, directeur du master « International Business & Diplomacy », auteur du Jeu du droit et de la puissance. Précis de relations internationales, PUF Major, 2022.

>>>>A lire aussi la tribune de René Mauer, ESCP Business School « Pourquoi les entrepreneurs doivent tirer parti du hasard »

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