Restons simples ! Parlons de compétences émotionnelles

compétences émotionnelles
crédits Pexels

Si le concept d’intelligence émotionnelle a été théorisé il y a plus de 30 ans, avec une popularisation fulgurante au travers d’un ouvrage vendu à l’époque à plus de 5 millions d’exemplaires, il reste toujours controversé. Comment alors considérer des modalités d’application dans le monde de l’éducation ou du travail ?

« Les psychologues traitent les théories des autres comme des brosses à dents – aucune personne qui se respecte ne veut utiliser les théories de quelqu’un d’autre »

« Intelligence émotionnelle », « conscience émotionnelle », « alexithymie », « créativité émotionnelle », « flexibilité émotionnelle », etc. Une pléthore de concepts – dont le périmètre des mécanismes sous-jacents se recoupe généreusement – s’accumule dans la littérature, empêchant les connaissances scientifiques d’avancer (e.g., manque de reproductibilité des résultats) mais également les domaines d’application de s’emparer de résultats probants (pour une récente revue). Alors, restons simples ! Parlons de compétences émotionnelles : l’habileté des individus à comprendre les émotions et faire l’expérience de leurs propres émotions et de celles des autres.

Des compétences positives… mais pas tout le temps !

Certaines études montrent un lien positif entre l’alexithymie et l’abus de drogues, les douleurs chroniques et les troubles de l’alimentation. L’intelligence émotionnelle serait reliée négativement aux symptômes dépressifs et anxieux ou à l’abus de drogues. Dans le contexte du travail, l’intelligence émotionnelle serait reliée au sentiment de satisfaction, à la réussite d’une négociation ou encore à la performance d’une équipe. Toutefois, différentes méta-analyses (2010 ou 2015) suggèrent que ces résultats sont à prendre avec précaution dans la mesure où les tailles d’effet sont généralement peu élevées et que différents facteurs modulent significativement ces relations. Par exemple, il serait contreproductif de vouloir augmenter les compétences émotionnelles chez tout type d’employé : lorsqu’un emploi implique une charge émotionnelle conséquente (e.g., aide à la personne, soins), elles seraient positives pour la performance au travail, mais ce serait l’inverse pour d’autres types d’emplois. Dans la même lignée, certains travaux suggèrent que l’intelligence cognitive reste le meilleur prédicteur de la performance au travail.

Apprendre les compétences émotionnelles ?

Le terme de compétences (contrairement à l’intelligence cognitive) permet de considérer le caractère – au moins en partie – non déterminé des compétences émotionnelles, et ainsi d’envisager qu’elles peuvent faire l’objet d’améliorations. Il s’agit de considérer que la compréhension et l’expérience des émotions s’inscrivent dans un contexte donné, lequel sera lieu d’apprentissage et de renforcement des valeurs collectives. Cette forme d’acculturation émotionnelle mène à l’adaptation optimale à son milieu, et serait associée à un bien-être psychologique et physique. Puisque l’expérience émotionnelle et le partage de cette expérience sont des clés d’apprentissage, il n’est pas surprenant que certains programmes d’entrainement mènent à de jolis succès, notamment dans le milieu éducatif. Par exemple, le programme RULER, développé au Yale Center for Emotional Intelligence, vise l’entrainement de cinq compétences : la reconnaissance des émotions chez soi et autrui, la compréhension de leurs causes et conséquences, leur verbalisation, leur expression en cohérence avec les normes collectives et leurs stratégies de régulation. Les résultats montrent notamment que les élèves ayant suivi le programme ont de meilleures compétences académiques et de meilleures relations sociales. Toutefois, les preuves expérimentales restent encore à développer, sans aucun doute au regard des problèmes théoriques susmentionnés – pour permettre la mise en œuvre potentielle de programmes adaptés à un contexte et à un objectif identifié.

compétences émotionnelles
crédits Pexels

Par Sandrine Gil, professeur des universités à l’université de Poitiers

Imprimer

Articles qui pourraient vous intéresser également

Inscrivez-vous à notre newsletter !

Vous pouvez vous inscrire à notre newsletter en cliquant sur le lien suivant :

inscription à la newsletter