On envisage bien souvent l’Inde sous l’angle de la croissance et du progrès. Rappelons que depuis 1991, la croissance indienne a été en moyenne de 5 %, atteignant un record de 8,4 % en 2004. Mais ce serait négliger les multiples obstacles qui s’érigent sur le chemin du développement. Attardons-nous sur l’un d’entre eux : le verrou de l’éducation. Si l’Inde fait illusion en raison du rayonnement de son élite, elle peine néanmoins à sortir son épingle du jeu en termes de main-d’oeuvre qualifiée. Ainsi, la hausse considérable des salaires tient plus à la pénurie de travailleurs compétents et spécialisés qu’à une dynamique favorable de la productivité. D’où provient une telle insuffisance ?
L’éducation en péril
Le premier handicap concerne les inégalités sociales traditionnelles. Celles-ci se sont accrues ces dernières années et le domaine de l’éducation n’a pas échappé à cette tendance. Si le nombre d’élèves indiens scolarisés permet au pays de classer son système éducatif au second rang mondial en termes d’importance, on ne saurait faire abstraction du fait que la moitié d’entre eux abandonnent leurs études en cours de route. Ainsi, bien que le système éducatif ait fait des progrès considérables depuis l’indépendance du pays, l’application des réformes a été freinée par la persistance des discriminations liées au système des castes et des discriminations envers les femmes. En outre, la qualité de l’enseignement laisse grandement à désirer. Mais est-ce réellement étonnant dans un pays où l’on ne compte qu’un enseignant pour 61 élèves ? La conséquence logique d’une telle disproportion est, entre autres, un analphabétisme persistant. Quant au supérieur, seul 10 % des établissements sont en mesure d’offrir une formation de qualité rivalisant avec les écoles étrangères internationalement reconnues. Ainsi, l’Inde ne consacre pas assez de moyens à l’éducation des masses. Seuls 7 % d’une classe d’âge accèdent à l’enseignement supérieur. Des réformes urgentes sont ainsi nécessaires pour donner un nouveau souffle au système éducatif Indien.
Des réponses innovantes pour relever le défi éducatif
« L’Inde a un immense potentiel. Agir sur l’éducation induit le progrès à long terme d’une nation » a affirmé récemment Gordon Brown, envoyé spécial chargé de l’éducation auprès du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon. En 2009, une loi avait déjà été votée sur le droit à l’éducation gratuite pour les enfants de 6 à 14 ans. En 2010, le Right to Education Act la complète en élargissant la tranche d’âge. L’Etat indien a donc assimilé l’importance de telles réformes éducatives. Mais celles-ci restent bien insuffisantes, ne s’attaquant pas de front à la qualité de la formation.
D’autre part, les prises d’initiative privées ne manquent pas et nous rassurent quant à l’évolution de la formation des Indiens. Depuis 2001, le projet Sarva Shiksha Abhiyan (« Éducation pour tous ») soutient les efforts déployés par le gouvernement pour réintégrer dans le système d’enseignement primaire 20 millions d’enfants non scolarisés, appartenant aux minorités du pays. D’autre part, une « éducation non formelle » a été mise en place en Inde dans les années 1970 pour faire face au principal problème éducatif qui est l’abandon de la scolarité au cours du primaire. Concrètement, des écoles, de tailles très diversifiées et s’adressant à des populations- cibles identifiables (filles, ruraux…), se sont multipliées en Inde, pouvant être créées par des particuliers, des familles, des associations, des ONG, des groupes religieux…
Les défis à relever sont donc nombreux en Inde, ce qui a conduit Anand Sharma, ministre du Commerce, à prôner l’optimisme : « l’Inde est une jeune nation. Croyez en l’Inde, il y a des millions et des millions d’opportunités à venir ».
Laurie-Anne Cadel (promo 2016)