Loin de la splendeur du Parthénon, de la fournaise d’Athènes, du fourmillement du Pirée, les îles grecques, fragments de mosaïque étalés sur le bleu de la Méditerranée, peuvent se découvrir à petits prix, si possible hors saison, en sautant d’un ferry à l’autre, de préférence les rapides Flying Dolphins. On loge chez l’habitant pour se faire dorloter par les mamas tout en noir. L’une de ces îles est par ticulièrement impressionnante par la catastrophe qu’elle évoque encore et ses hautes falaises torturées plongeant à la verticale vers la mer : Santorin.
Santorin la volcanique
Perchée sur un ancien volcan dont on devine encore fort bien la forme, Santorin est la plus spectaculaire des îles grecques. L’éruption, qui aurait eu lieu vers 1500 av.J-C, serait à l’origine du mythe de l’Atlantide, le continent perdu chanté par Platon. L’éruption
dut être terrible car on a trouvé des fragments de roches volcaniques jusqu’en Egypte et Palestine, à près de mille kilomètres de là. Cette explosion fut peut-être aussi à l’origine de la légende de l’ouver ture de la Mer Rouge devant Moïse et son peuple, formidable raz-de-marée ou tsunami produit par la violence du choc. L’île en forme de fer à cheval épousant la courbe de l’ancien cratère est donc dominée à l’ouest par de hautes falaises s’élevant jusqu’à 120 mètres et basculant abruptement dans le bleu de la mer rayé par le sillage des bateaux. Sous l’eau, la « caldeira » du cratère a formé des fosses marines se creusant jusqu’à 400 mètres sous la surface. La côte est s’allonge au contraire jusqu’à la mer en formant de belles plages.
Théra, la ville multicolore
La capitale de l’île, appelée Théra ou Fira, est juchée sur la crête des falaises, pourvue d’un minuscule por t en contrebas que l’on atteint en téléphérique. Il y a peu de place et les maisons multicolores, les délicieuses chapelles également peinturlurées se serrent les unes contre les autres pour gagner de l’espace et ménager de tortueuses ruelles. La vue est saisissante, surtout au bout de la corniche, dans le quartier de Firostéfani où elle porte sur 360°. Même hors saison, Théra est si resserrée qu’il y a toujours du monde. Mais l’île ne manque pas de petits bistros où s’attabler pour déguster de merveilleux cafés glacés aromatisés au rhum.
Une ballade en caïque
C’est au port en bas de la falaise que l’on peut retenir un bateau pour explorer les autres îlots de la caldeira. Un sentier escarpé y mène, mais aussi le téléphérique. La plus spectaculaire de ces îles est aussi la plus grande, Néa Kaméni, surgie des flots en 1573, donc très récemment pour un géologue ! Dans un paysage désolé évoquant les cratères lunaires, on distingue coulées de lave noire et fumerolles. L’îlot plus ancien et plus exigu de Paléa Kaméni, apparu quant à lui en 196 av. J-C, borde une crique d’eau sulfureuse et chaude, excellente pour la peau, où l’on peut se baigner depuis le bateau car il n’y a pas moyen d’y aborder. Mais on peut atteindre l’îlot habité de Thirassia, en face de Thera, d’où la vue est également splendide. Il faut la mériter car la montée est rude.
Les paisibles villages du centre de Santorin
Pour fuir la foule qu’attire en toute saison l’étonnante petite capitale de Santorin, rien de mieux que de louer un scooter pour sillonner la campagne plantée de vignes et d’oliviers et découvrir la côté est où s’étalent de belles plages où l’on peu se baigner sans danger, certaines de sable noire, telle Périssa ou Kamari avec ses gravillons sombres. Si les routes sont tournantes et plus ou moins bonnes, les distances restent cour tes et il est facile de rayonner à partir de Théra pour découvrir les villages du centre de l’île, Kartérados, Messaria ou Pyrgos. Ils charment surtout par leur calme et leur rythme de vie si paisible, offrant à leurs visiteurs des pensions de famille bien moins chères que les hôtels, permettant de partager la vie d’une famille. En pleine campagne, d’austères monastères blottis parmi les oliviers renferment encore de belles icônes, comme ceux de Prophitis Ilias et de Mégalochori.
Finikia et le port d’Oia au nord
Finikia aux vieilles maisons chaulées et aux sombres ruelles invite aux paresseuses flâneries. Tout près, le port d’Oia est le plus beau village de l’île, avec sa rade paisible et ses demeures troglodytes creusées dans le roc, où habitaient jadis les marins. Très prospère au XIXe siècle, ce por t abritait alors plus d’une centaine de navires de commerce avant de péricliter. On y voit encore d’élégantes demeures patriciennes juchées sur la falaise et les vestiges d’un ancien chantier naval.
Les sites archéologiques
A 9 km au sud-ouest de Théra, vers la pointe de la caldeira, après le paisible village d’Akrotiri, s’étend un champ de fouilles de 12 000 m2. Un archéologue grec, Spyridon Marinatos, passionné par Santorin, obtint la permission d’y faire des fouilles, qu’il conduisit pendant huit saisons. Il ne recherchait pas la mythique Atlantide, mais une rade bien abritée qui aurait convenu aux marins de l’Antiquité et son choix se porta sur Akrotini. Il n’avait pas tort. La masse des cendres du volcan avait recouvert tout l’ancien port comme à Pompéi et il dut creuser sur 40 à 50 m d’épaisseur pour trouver les ruines bien conservées d’un port important. Sa mort suspendit les fouilles, reprises ensuite par le professeur Doumas, mais Akrotiri est loin d’avoir livré tous ses secrets. Le second site est celui de l’ancienne Théra, au sud-est de la capitale actuelle, perché au-dessus de Périssa, au sommet d’un piton rocheux désolé s’élevant à 369 m au-dessus de la mer, poste d’observation idéale pour surveiller les abords de la mer Egée. Les vestiges sont sur tout grecs et romains. Avec un peu d’imagination, quand on atteint la terrasse des Fêtes, au sud du site, on croit revoir et entendre les beaux éphèbes nus chantant et dansant en l’honneur d’Apollon, le dieu de la musique et de la poésie, honoré par les Grecs comme par les Romains.
Isaure de Saint Pierre