Les séries : pures fictions ou reflets de la réalité ? Benoît Aubert (ICD Paris) et quatre étudiants ont analysé les plus emblématiques.
Les séries : pures fictions ou reflets de la réalité ? Benoît Aubert (ICD Paris) et quatre étudiants ont analysé les plus emblématiques.

Copier-coller de la réalité ou limite abusées, les séries TV suscitent discussions, vocations ou déceptions. En tout cas, on a de quoi se poser des questions ! Aux côtés de Benoît Aubert, directeur général de l’ICD Paris et professeur de marketing, des étudiants en médecine, droit, informatique et communication ont tenu à rétablir la vérité. Alors, vrai ou faux ?

 

Parce que non, un électrocardiogramme plat ne signifie pas que le patient est mort (mais plutôt que la machine est débranchée !), qu’on ne prend pas 15 cafés par jour (coucou Friends), ou qu’il ne suffit pas de taper sur toutes les touches de son clavier pour pirater la NASA (à ne surtout pas reproduire chez soi) ! Les séries, ce n’est pas la vraie vie. Mais si certaines se passent loin de notre cosmos, d’autres sont parfois de bon soutils pour comprendre les phénomènes de société. Benoît Aubert, directeur général de l’ICD Business School, en tire le meilleur dans son livre De MacGyver à Mad Men – Quand les séries nous enseignent le management.

Les séries ? Un facilitateur pédagogique d’après lui. Chacune illustre une problématique à travers des situations « vécues » par les personnages : qu’est-ce que MacGyver et Sherlock nous apprennent sur la manière d’innover ? Comment créer sa startup digitale avec Breaking Bad ? « Elles décrivent très bien le monde de l’entreprise et les relations humaines. C’est un bon support pour faire comprendre aux étudiants certaines notions en cours. Comme l’anti-management avec Dr House, médecin-chef plutôt cassant qui fait des dégâts auprès de son équipe, la prise de décisions collectives avec Riverdale ou La Casa de Papel, ou encore, le leadership avec le personnage de Rick dans The Walking Dead. » Quand la réalité dépasse la fiction.

Même les travers de séries, caricaturales ou négatives, permettent de poser ce qu’il ne faut surtout pas faire. « C’est le propre de la pédagogie que de choquer pour mieux retenir ! Ce qui compte, c’est la façon dont on les interprète », rappelle Benoît Aubert. Mais d’ailleurs, comment les étudiants les interprètent-ils ?

Mad Men (AMC – 2007-2015) : bible du marketing ?

C’est THE série selon Benoît Aubert. New-York, les années 60, une agence publicitaire (Sterling Cooper Advertising). Pour le dean de l’ICD Paris, l’univers de Mad Men plante parfaitement le décor des prémices du marketing. « A travers les yeux de Don Draper, la série apprend la base de la discipline : comprendre le consommateur. » Don Draper, c’est le protagoniste principal, le directeur créatif star de l’agence, un génie dans l’art de la campagne publicitaire !

La clé d’une stratégie marketing réussie selon Don ? La nostalgie. Back to basics ! « C’est pourtant un concept qui n’apparaît qu’à partir des années 80, au moment où l’expérience client est révolutionnée. Certains partis pris sont hors d’époque », a remarqué le directeur. Anachronismes en vue.

Don Draper – Mad Men ©AMC

Elora Sage, en Bachelor à Pigier Performance, retrouve aussi dans Mad Men des concepts qu’elle étudie en cours. « Même si aujourd’hui, le public ne veut plus qu’on lui vende du rêve comme le fait Don Draper, mais recherche plutôt de la transparence, de la vérité et de la sincérité », précise l’étudiante à la pointe des tendances marketing. En alternance, elle compare la série avec son environnement de travail. « Dans l’épisode pilote, la nouvelle secrétaire visite l’agence. Les chargés de projets et les chargés de création y sont mélangés. Aujourd’hui, c’est d’autant plus probant : les hiérarchies sont dissoutes, tout le monde travaille en équipe dans un open space. »

Autre update : « chez Sterling Cooper Advertising, les femmes sont uniquement cantonnées aux postes de secrétaires. Maintenant, les métiers de la communication se sont féminisés. Pour preuve : dans mon bureau, nous ne sommes que des femmes. » Bye bye le machisme ambiant des agences publicitaires des sixties !

Dr House (Fox – 2004-2012) : le cœur a ses raisons ?

Dr House ©20th Century Fox Television

A contrario, Dr House se passe dans les années 2000 mais les incohérences sont plus flagrantes. Et ce, dès le premier épisode. Un médecin-diagnosticien, son équipe et une patiente atteinte de dysphasie et de convulsions, jusque-là tout va bien. Pour Dr House, adepte des énigmes médicales les plus complexes, le cas vaut le détour lorsqu’il apprend que le problème n’est pas neurologique. « Même moi je pensais que c’était lié au cerveau en début d’épisode », avoue Maud Gasnier, étudiante en médecine à l’Université de Bordeaux. Symptômes listés sur un tableau blanc, blouses et nuits blanches pour des diagnostics pondus in extremis. « Comme dans la série, nous apprenons à énumérer tous les symptômes qui auraient pu causer le problème et on fait passer des examens. »

Résultat : la patiente a un ver solitaire. Parasite qui se développe dans l’intestin, après l’ingestion de viande crue notamment. « Dr House prévient que l’on peut vivre avec pendant 30 ans sans s’en rendre compte. Ça peut paraitre démesuré, et pourtant c’est vrai ! » Mais pour l’étudiante, le temps de diagnostic est beaucoup trop court. Un peu plus de 24h pour faire les examens, trouver la maladie et guérir la patiente : ambitieux comme programme. Et dans la vraie vie ? « Généralement ça prend beaucoup plus de temps. Il faut faire appel à plusieurs équipes. Impossible que seul le service de diagnostic s’occupe de tous les examens », souligne-t-elle. Le métier de diagnosticien n’existe même pas vraiment. Tous les médecins sont en quelques sortes poseurs de diagnostic. En tout cas, tout un service dédié sûrement pas. Chaque examen médical ou chirurgical est réalisé par le professionnel compétent. Dr House qui répète que « tout le monde ment » est lui-même un petit cachotier !

Mr. Robot (USA Network 2015) : réalité virtuelle ou virtuelle réalité ?

Elliot Alderson – Mr. Robot @USA Network

Aussi intelligent, marginal et antisocial que House, Elliot Alderson de la série Mr. Robot est ingénieur informatique le jour, hacker la nuit. Une double vie pour un personnage torturé et engagé, loin des clichés du geek à la Big Bang Theory. La fiction a d’ailleurs été souvent saluée par la critique pour ses allures réalistes. Abel Derderian, en M2 Software Engineering, et Alexandre Martin, en M2 Sécurité des SI, à Efrei Paris sont du même avis. « Elliot Alderson est très loin des stéréotypes du NERD, ridiculisé, avec une mentalité de garçon de 14 ans, qui fait des blagues perchées. C’est un peu l’image qu’ont nos grands-parents qui ne comprennent pas le métier d’informaticien. » Ou le métier d’ingénieur en général, comme le rat de laboratoire coincé des séries policières !

Raison pour laquelle ils recommandent Mr. Robot. « Un peu exagéré d’un point de vue technique. On dirait que c’est beaucoup trop facile et rapide de coder. » Seul point noir de la série. « Mais les éléments informatiques, qu’on aperçoit dans les plans sur l’ordinateur, sont vrais et cohérents », nuance Alexandre. Attaque DDOS, Netscape Navigator, Linux, Social Engineer Toolkit… Des noms de logiciels énoncés au fil des épisodes, tous vrais confirment les deux étudiants.

La Mr. Robot’s touch ? Sa vision d’un monde chaotique, où la faille est plus humaine que technologique. Les machines sont faciles à comprendre, mais les hommes ? « Dans 90 % des cas, les failles sont effectivement humaines. C’est d’ailleurs le rôle du Social Engineer de tester la sécurité humaine dans les grandes entreprises », prend comme exemple Abel.

Avis à tous les binge watchers !