Sur les traces de Darwin Brésil

Sur les traces de Darwin : de la Mata Atlântica aux récifs du Brésil

Si on vous dit « partir en expédition dans la forêt tropicale à la recherche d’oiseaux aux couleurs flamboyantes, parcourir les sommets d’Itatiaia à la recherche d’une grenouille endémique et plonger dans les eaux turquoise d’Arraial do Cabo pour nager avec les tortues », cela vous évoque sûrement un reportage Arte… Nous peinons autant que vous à y croire et pourtant, c’est bien le résumé de nos trois premières semaines d’expédition Sur les traces de Darwin au Brésil.

Chapitre 1 : Cérémonie des anneaux à l’observatoire des oiseaux de la Mantiqueira 

Le 21 janvier, après un court séjour à Rio de Janeiro, nous partons en direction de la Serra da Mantiqueira où nous sommes attendus à un observatoire d’oiseaux (Instagram : @oamantiqueira).

Tout d’abord, un petit mot sur la région. Serra en portugais veut dire « chaîne de montagne » et Mantiqueira, en langue Tupi, signifie « la montagne qui pleure ». Ce nom enchanteur aurait pu être celui d’un paysage sorti d’un roman de Tolkien mais il se trouve en réalité à cheval entre trois états brésiliens : Rio de Janeiro, Minas Gerais et São Paulo. La Serra da Mantiqueira est une zone de première importance pour le sud-est du Brésil à plusieurs niveaux. Elle est pourvoyeuse en eau douce pour de nombreuses villes et s’avère être un réservoir important de biodiversité. Biome de la Mata Atlântica, cette aire abrite un écosystème riche et endémique. Bien qu’elle soit depuis 1982 une aire protégée, la Mantiqueira subit durant les temps coloniaux, de sévères dommages… Initialement préservée par son inaccessibilité, elle ne tarde pas à céder à l’avancée des colons : extraction minière, élevage, agriculture et utilisation du bois d’Araucaria en font une aire majeure de déforestation. Avec la déprise de ces activités, cette dernière reprend peu à peu ses droits, non sans difficulté cependant. La biodiversité peine à recouvrer son abondance originelle et certaines espèces endémiques sont définitivement éteintes. 

Dans l’optique de favoriser la résilience du site, certains locaux veillent à la sauvegarde de la Mantiqueira. C’est le cas de Lino Matteus de Sá Pereira, ancien membre international de la National Geographic Society et défenseur des terres de la Mantiqueira. Dans sa maison au milieu de la forêt, ce dernier nous livre le témoignage de ses vingt ans de combat qui ont permis à cette terre de devenir aire protégée. Qui sait si après lui la Mantiqueira résistera aux menaces émergentes que sont l’urbanisation et le tourisme…

Au cœur de la forêt luxuriante, Luiza et Affonso nous accueillent à la fazenda de Boa Vista. L’accès y est difficile et c’est ce qui donne aussi du charme au lieu, on se sent seuls et aussi tellement privilégiés de pouvoir côtoyer la nature avec une telle proximité. La Mantiqueira a beau être un grand réservoir d’avifaune, aucune étude ornithologique n’y a jamais été menée. Ainsi, il y a 5 ans, l’OAMa est créé avec l’ambition de créer une base de données sur les oiseaux de la région afin de pouvoir étudier les espèces endémiques de la région.

La récolte des données fonctionne par un processus de capture-bagage-relâcher. Deux fois par trimestre, avant le lever du soleil, des filets à mailles très fines, visant à ne pas blesser les oiseaux, sont tendus entre 50cm et 2m du sol. Toutes les 10 minutes, les filets sont inspectés afin de ne pas laisser les oiseaux se débattre. Lorsqu’un oiseau est trouvé, Luiza et Affonso se munissent d’un petit sac en tissu dans lequel ils glissent l’oiseau et le ramène à la table d’observation. Ils commencent alors à prendre différentes données : sexe, tranche d’âge, poids, taille des ailes, du corps, qualité des plumes… A la fin, si l’oiseau n’a jamais été capturé, ils lui apposent un anneau à la patte portant un numéro unique qui permettra de le reconnaître et d’en faire son suivi. Ainsi, leurs travaux s’inscrivent aussi dans une démarche de protection de ces espèces.

Chapitre 2 : A la recherche de la grenouille des sommets d’Itatiaia

En 1937 s’ouvre le premier parc national brésilien : Itatiaia. 11 943 ha de terres protégées qui comprennent quelques sommets les plus élevés du Brésil. Son nom vient lui aussi du tupi : « falaise pleine de pointes ». Nous décidons d’y séjourner 4 jours afin d’explorer un peu le site. La variation d’altitude rend l’étude de la faune et de la flore intéressante puisque ces dernières sont plus diversifiées et aussi spécifiques à la région. C’est le cas par exemple de la petite grenouille Melanophryniscus moreirae, aussi appelée Sapo Flamenguinho en brésilien, emblème du parc et endémique de la région.

En montant le pic des aiguilles noires (pico das agulhas negras), 5ème plus haut sommet du Brésil avec seulement 2 791 m d’altitude, l’orage commence à gronder et la pluie s’annonce. A deux doigts d’abandonner et de rebrousser chemin, on finit par trouver le tout petit amphibien !

Chapitre 3 : Danse avec les tortues à Arraial do Cabo

Après la montagne, nous sommes curieux d’observer la faune marine du Brésil. Direction Arraial do Cabo où nous devons rencontrer Juliana Fonseca et un groupe de chercheuses du laboratoire d’écologie et de conservation des milieux récifaux de l’UFF (Universidade Federal Fluminense). Ces quatre jeunes biologistes de la vie marine nous amènent plonger avec elles pour nous expliquer leurs travaux sur le terrain, ou plutôt sous le terrain pour être précis. Combinaison, palmes, oxygène, en recherche il faut se mouiller… Chacune d’elles mène ses propres investigations : de l’impact du changement climatique sur la diversité des poissons à l’écologie acoustique des poissons de récif, les thèmes de recherches sont variés. Le site d’Arraial do Cabo est reconnu comme abritant un écosystème marin particulier qui rend son étude intéressante. En effet entre les différentes îles de la baie, un phénomène de résurgence crée une remontée d’eaux froides (<18°C) parmi les eaux chaudes. Ainsi, on peut voir cohabiter aussi bien des espèces tropicales et subtropicales avec des espèces d’eaux froides. En plus de créer une barrière biogéographique, ces eaux froides apportent de nombreux nutriments qui rendent les eaux très riches.

Arraial do Cabo est marquante par ses contrastes : à la beauté sous-marine et côtière s’oppose l’extravagance des activités touristiques… Un masque et un tuba suffisent à assister au spectacle de ces eaux qui grouillent de poissons sublimes et surtout de tortues ! Pourtant, lorsque qu’on sort la tête de l’eau le paradis ne tarde pas à se transformer en enfer : Plages bondées, bateaux de divertissements avec toboggans barbecue et musique sillonnent la baie constamment brisant la tranquillité. Arraial do Cabo est victime de son succès. Autrefois village de pêcheurs, la baie ne devient attractive que dans les années 2000 et un tourisme anarchique et non réglementé s’implante très rapidement, devenant l’activité économique principale. Petite anecdote : le nombre de bateaux dans le port est passé d’une trentaine au début des années 2000 à plus de 300 aujourd’hui.

Malheureusement, la faune marine doit faire face à d’autres menaces que sont la pêche intensive et illégale qui devraient faire l’objet d’une réglementation. Toutes les chercheuses ont pointé du doigt le manque de contrôles effectués pour sauvegarder la biodiversité côtière. Nous nous souviendrons encore longtemps de cette tortue prise dans de grands filets de pêche tendus au bord de la côte…

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