Parmi les sujets du webinaire « France 2030 : Quel rôle pour les grandes écoles dans ce nouvel élan et dans un monde en mutations ? », organisé par la Conférence des Grandes Écoles, sans surprise : la transition écologique. Réflexions et leviers d’action.
La table ronde « Formation, innovation, parcours professionnel : comment évoluer avec les enjeux de transition écologique ? » a notamment mis en lumière ce défi de la transition écologique, entre engagements évolutifs des grandes écoles, attentes pressantes des étudiants et ajustements indispensables des entreprises. Ses intervenants : Carole Deumié, directrice de l’École Centrale de Marseille, Christophe Germain, directeur général d’Audencia, Nicolas Graves, étudiant de l’École des Ponts ParisTech, signataire et membre actif du Manifeste étudiant pour un réveil écologique, et Caroline Renoux, fondatrice et CEO du cabinet de recrutement spécialisé dans les métiers à impact positif Birdeo.
Le temps de l’action est (plus que) venu
« Nous sommes frustrés du décalage énorme entre ce qui devrait être fait et ce qu’on observe. » Nicolas Graves introduit la table ronde par ce sentiment partagé par de nombreux d’étudiants. Ensemble, ils ont publié et signé le Manifeste étudiant pour un réveil écologique « pour appeler à un changement et un engagement de tout le monde. » A commencer par l’engagement des établissements du Supérieur qui les forment. « La formation est un levier fondamental pour le progrès social, économique et environnemental. La preuve : les pays des BRICS se sont développés en réformant au préalable leurs systèmes universitaires » compare Christophe Germain. Carole Deumié confirme cet élan chez les grandes écoles de l’Hexagone. « Nous cherchons à nous donner les moyens de nos ambitions. »
Grandes écoles : premier vecteur de sensibilisation aux métiers de la transition écologique
Grandes écoles et universités françaises sont en effet au cœur d’une chaîne de valeurs : en amont les jeunes générations, en aval les entreprises. « Notre rôle consiste à former, éveiller et faire progresser la conscience de ceux à qui ces sujets semblent encore lointains quand ils débutent leurs études » soutient le directeur d’Audencia. Pari réussi jusqu’ici pour cette business school en 4e position du classement des grandes écoles les plus engagées dans la transition écologique et sociétale des Echos START avec ChangeNOW. « A l’intégration, seuls 30 % des étudiants se projettent dans des métiers avec une dimension environnementale alors qu’en sortie d’études, la tendance s’inverse. Les jeunes diplômés interrogent même les entreprises quant à leur politique en matière de transition écologique et sociale lorsqu’ils sont dans un processus de recrutement ! »
Exemples d’actions pour la transition écologique dans les grandes écoles
La première piste d’action est de connecter le sujet environnemental à toutes les disciplines. Le mot-clé : interdisciplinarité. Carole Deumié donne alors l’exemple de l’école d’ingénieurs dont elle est directrice générale. « A Centrale Marseille, l’intégration des grandes transitions à nos cursus s’est accélérée par une approche pluridisciplinaire et systémique. Notre modèle a profondément évolué pour privilégier une formation scientifique solide, complétée par cinq blocs de compétences transverses : esprit d’innovation, complexité et approche des systèmes, direction de programmes, management éthique et responsable, vision et stratégie. Ainsi, nos futurs cadres ingénieurs centraliens prennent conscience de l’impact de leurs actions. »
De son côté, Audencia met à l’honneur l’interdisciplinarité avec, par exemple, la création du diplôme Acteur de la Transition Energétique en partenariat avec l’école d’ingénieurs Centrale Nantes et l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes. Signature de la Global Compact en 2004, obtention du label LUCIE en 2013 et en 2021, lancement de la Chaire Impact Positif… L’école nantaise a pleinement intégré les enjeux sociétaux et environnementaux au cœur de sa stratégie pédagogique. « Bien sûr, cela n’est pas encore suffisant ! Mais j’ai le sentiment que la crise Covid a accéléré les choses. Nous avons d’ailleurs créé en cette période, l’école de la transition écologique, Gaïa, par laquelle vont passer tous nos étudiants pour développer des compétences en la matière. »
Après la transition écologique dans les grandes écoles, les entreprises
Alors formés, les étudiants peuvent challenger positivement les entreprises pour qu’elles s’améliorent. « Ils savent qu’aucune n’est parfaite et ils ne veulent pas qu’elles se prétendent comme telles. Ils apprécient une marque comme Veja, qui ose avouer sur une page de son site tout ce qu’elle fait de mal et tout ce qu’elle a besoin d’améliorer » relève Caroline Renoux, fondatrice et CEO du cabinet Birdeo, qui regrette cependant la pénurie de compétences. « Les étudiants et les jeunes diplômés ont envie de transformer les choses, tout comme les entreprises prennent globalement conscience qu’il faut le faire, mais ils sont encore trop peu à avoir les compétences nécessaires pour relever ces enjeux. » Plus pour longtemps ?
France 2030 : qu’en disent-ils ?
Les échanges se poursuivent autour du plan France 2030. Ce plan d’investissement pour demain suit 10 objectifs pour mieux comprendre, mieux vivre, mieux produire à horizon 2030. Nicolas Graves n’en est pas tout à fait satisfait. « Seule la question de la transition énergétique est abordée. La biodiversité est ignorée alors que c’est un sujet de grande ampleur. C’est pour le moment du solutionnisme technologique, certains enjeux étant laissés de côté. » Carole Deumié rejoint Nicolas. « Les grands points sont listés mais j’attends plus d’éléments sur les enjeux humains et sociaux qui font partie de l’équation à poser. » Christophe Germain préfère quant à lui voir le verre à moitié plein et reste optimiste. « Une stratégie a été définie avec des axes et des ressources prévisionnelles allouées à chacun de ces axes. Maintenant, il faut voir la qualité de la mise en œuvre. » Avis partagé par Caroline Renoux. « Il y a la France, mais surtout l’Europe. Elle doit prendre sa place, comme elle l’a fait avec la taxonomie verte, qui a le mérite de dessiner quelque chose au niveau européen sur le nouveau capitalisme souhaité par les jeunes générations. »
Première étape : apprendre le vocabulaire
Selon la dernière enquête d’Ipsos et la Fondation Collège de France, les connaissances des 18-35 ans s’avèrent encore assez limitées sur ces sujets. 46 % déclarent ne pas bien connaître la signification de l’expression « gaz à effet de serre », 55 % celle d’« empreinte écologique ». « Les jeunes ont envie d’aller dans les entreprises pour faire bouger les choses. Pourtant, ils savent à peine en parler » regrette Nicolas Graves, étudiant.