Bien qu’il traîne des pieds pour le faire, notre pays va devoir, très vite, augmenter sa part d’énergies renouvelables. Sans nécessairement créer beaucoup de « nouveaux » métiers, ce virage va nécessiter nombre de spécialistes capables d’oeuvrer au sein des secteurs traditionnels de manière différente. Aperçu…
« C’est un immense chantier qui s’ouvre devant nous. » explique Catherine Jeandel, chercheuse au CNRS et auteur d’une véritable bible sur l’énergie (voir encadré) « Et il faudra bien finir par s’y atteler ! ». Alors que le Président de la République vient de réaffirmer que la France serait présente au rendez-vous fixé par l’Europe (20 % d’énergies renouvelables en 2020), on comprendra mieux la réaction de Madame Jeandel si on se souvient qu’avec 2,2 % d’énergies renouvelables utilisées, notre pays est tout bonnement la lanterne rouge de l’Europe ! Moyenne mondiale ?… 6 %, sans parler des meilleurs élèves européens déjà à plus de 8 %. Alors, oui, sans nul doute, va-t-il falloir rapidement s’atteler à ce premier grand chantier du XXIe siècle. Et alors…
« Recherchons spécialiste »
600 000 ! C’est le nombre d’emplois que la fameuse transition énergétique doit créer en France dans les prochaines années selon l’ADEM (Agence nationale pour le Développement de l’Emploi). Dans quels secteurs et pour quels métiers ? Contrairement à ce que l’on a trop souvent entendu, il s’agira moins de nouveaux métiers que de nouvelles manières d‘envisager ceux qui existent, à l’image de la production de biogaz qui a déjà commencé de s’accroitre de manière sensible et est sensé couvrir ¼ de nos besoins en gaz rapidement, nécessitant donc des chimistes et ingénieurs spécialistes des déchets et de leur traitement, des ingénieurs également de plus en plus nombreux (réseaux et génie industriel) dédiés aux fameux « smart grid » (réseaux intelligents) qui vont se déployer dans la distribution de l’électricité comme du gaz dès lors que ce dernier sera, à son tour, produit un peu partout. Des entreprises comme Total, Alstom ou Saint-Gobain se sont dors et déjà ouvertes à ces marchés naissants. Du côté de l’éolien, en revanche, c’est presque uniquement dans l’entretien (notamment en mer) que les emplois suivront.
« Quand le bâtiment va…»
Mais s’il est un domaine appelé à croître, c’est bien celui de la mécatronique ; car, plus encore que de consommer d’autres énergies, il va s’agir avec une même quantité d’énergie, d’obtenir davantage de puissance. D’où la nécessité de multiplier en amont les recherches (notamment en physique-chimie des matériaux) et subventionner de nouveaux chercheurs, ce qu’a parfaitement intégré l’Union Européenne. « Car il ne s’agit pas non plus de tomber d’un pillage dans un autre, comme c’est encore le cas avec un photovoltaïque faisant appel à une technologie avide de certains métaux » explique Catherine Jeandel.
Enfin, de l’avis de tous les experts, c’est d’abord dans le bâtiment que la transition énergétique va créer de l’emploi : « dans la conception et la fabrication de nouveaux matériaux, dans l’efficacité énergétique (de plus en plus de territoires vont faire appel à des spécialistes pour développer leurs propres projets), et surtout, dans la rénovation : un marché représentant plus de 35 millions de bâtiments existants qui devront tous être rénovés d’ici à 35 ans », rappelle Raphaël Claustre, directeur du CLER (le réseau d’experts pour la transition énergétique). Un vaste chantier qui, lui aussi, est déjà engagé.
Energie : la bible !
Sous la direction de la géochimiste Catherine Jeandel et du physicien Rémy Mosseri, une douzaine de chercheurs du CNRS ont mis à la disposition du public cette somme qui dit tout de l’énergie : ce qu’elle est, comment la produire, la transformer et la stocker, quelle part, enfin, réserver à chacune des diverses sources au regard des perspectives offertes par nos ressources naturelles comme par la science.
L’énergie à découvert, 345 pages, CNRS Editions
JB