Pensé dès 2007 dans un contexte de crise économique mondiale, c’est en septembre 2012 que le Master in Financial Regulation and Risk Management verra sa première promotion assise sur les bancs de l’école. Entretien avec Guillaume Sarrat de Tramezaigues, directeur exécutif du département économie.
Comprendre, appliquer, anticiper
« Nous avons réfléchi à la création de ce master depuis le début de la crise financière en ayant observé les carences de régulation » explique d’entrée de jeu Guillaume Sarrat de Tramezaigues. « Beaucoup de masters existent en risk management, quelques rares masters en régulation, mais tous forment séparément à ces disciplines. L’idée était de former nos étudiants dans ces domaines, considérant qu’il s’agit d’un seul et même sujet de politique économique et financière. Nous avons souhaité former les futurs régulateurs de la manière la plus exhaustive possible ». En effet, les formations françaises en finance déjà existantes dans le paysage des universités et grandes écoles, y compris le master Finance et Stratégie de Sciences Po, n’assuraient pas cette double formation en régulation et risk management. « Il fallait répondre à un réel besoin du marché du travail : nous savions que cette offre répondrait à un besoin à la fois des jeunes diplômés et de l’entreprise – dans ce contexte de contraction du marché du travail, notre priorité était l’optimisation de notre capacité à assurer le placement de nos diplômés. »
Les trois objectifs majeurs du Master in Financial Regulation and Risk Management sont clairs :
1.Faire comprendre aux étudiants la régulation sous toutes ses formes pour qu’ils soient capables de l’appliquer
2. Leur permettre de l’anticiper tout en gérant les risques financiers induits en entreprise
3. Leur faire passer deux examens diplômant, le CFA et la certification AMF ou CIIB.
Un an de formation seulement : une nouveauté pour Sciences Po
En septembre 2012, ce sont donc 24 élèves triés sur le volet qui entameront un cursus d’un an, divisé en trois semestres et totalement délivré en anglais. 500 heures au total, soit un « très important volume horaire de cours imposé par la complémentarité des enseignements » selon les termes de Guillaume Sarrat de Tramezaigues. « Pour Sciences Po, il s’agit de quelque chose de très novateur » confesse-t-il, la tradition de masters destinés aux jeunes diplômés n’étant pas vraiment, pour le moment, ancrée dans les mœurs de l’école. « C’est un souhait de l’institution de pouvoir compléter l’offre de formation à destination de ce type de candidats. » Et le Master in Financial Regulation and Risk Management ne sera probablement pas le seul master de ce genre au sein du département économie. Son directeur exécutif pense en effet sérieusement à l’élaboration d’un enseignement en International Corporate Finance pour septembre 2013…
Ingénieurs, commerciaux, juristes
Guillaume Sarray de Tramezaigues « ne souhaite pas avoir une promotion homogène et parie davantage sur la complémentarité de l’hétérogénéité des étudiants ». Il distingue ainsi quatre types de candidats potentiels :
1. Des étudiants qui ont fait une grande école de commerce avec une forte sensibilisation financière.
2. Des profils davantage amenés à modéliser, en provenance d’écoles d’ingénieur.
3. Des jeunes diplômés de la fac de droit (droit économique, droit des marchés, …)
4. Enfin, « une fraction significative du recrutement se fera à l’international ».
Les 24 heureux élus seront recrutés sur dossier en fonction de la qualité de la formation initiale déjà obtenue, des stages effectués, des recommandations académiques et professionnelles présentées. Deux exigences principales : posséder déjà un niveau master et avoir une expérience professionnelle d’au moins 6 mois.
Avec cette formation, le département économie de Sciences Po entend placer ses étudiants dans trois secteurs :
– le régulateur international ou domestique : FMI, banques centrales, ACP, AMF…
– les institutions financières : banques, compagnies d’assurance, hedge-funds, …
– l’audit financier interne et externe et le conseil
La campagne de recrutement pour septembre 2012 a débuté le 15 janvier 2012.
Christophe Barbier, quelles sont les valeurs, les messages que devrait faire porter un nouveau master de finance ?
Il y a un message tout à fait possible et il y a un message tout à fait impossible. Il y a un message tout à fait possible, c’est l’éthique, c’est-à-dire la fin des voraces. Et ça, c’est un message qui a besoin d’être aidé par la loi, c’est-à-dire que les bonus doivent être encadrés, les professions doivent être beaucoup plus régulées, il faut qu’elles aient le droit de faire moins de choses que ce qu’elles font actuellement, qu’éventuellement on ait aussi une régulation technologique, moins d’ordinateurs qui vont moins vite, qu’on fasse sortir la finance de l’air du dopage. On ne sait plus ce que l’on fait, c’est de l’argent pour l’argent, on ne sait plus à quelle économie c’est branché, on ne sait plus comment ça marche. Il faut repenser complètement une finance qui ne soit plus mathématique, informatique et beaucoup plus éthique. Ca, c’est un combat qui peut être porté, il l’est déjà puisque maintenant il y a des fonds d’investissement qui ont une logique éthique. Simplement, il y a tellement d’argent à faire que la mutation va se faire lentement. Mais cela, cela pourra se faire peut-être par une révolution politique, c’est-à-dire si des règles mondiales arrivent et si d’elle-même une jeune génération sortie de masters de ce type, se dit : “ On ne va plus travailler de la même façon”. En revanche, il y a une autre dimension qui à mon avis est inaccessible, c’est celle qui conduirait la finance à se tourner entièrement vers ce qui aujourd’hui est le but du micro-crédit, c’est-à-dire l’idée de mettre fin à la pauvreté, de sortir les pauvres de leur état. Un objectif qui consiste à dire : voilà on se fixe un seuil minimum de revenus pour la planète entière et toute l’activité financière de la terre sera mise à contribution pour monter jusqu’à ce niveau minimum la part de l’humanité qui n’y est pas. Et ça, ça ne me semble pas possible parce qu’il y aura toujours quelqu’un qui, à un moment donné, aura intérêt à ne pas le faire pour gagner un peu plus d’argent.
Claire Bouleau
Twitter @ClaireBouleau