Une journée avec… la capitaine Laurène, pilote d’hélicoptère au sein de l’Armée de l’Air et de l’Espace

Femme pilote d’hélicoptère
© Julien Guillot

Vivre à 300 pieds d’altitude et à 200 km/h, c’est le quotidien de la capitaine Laurène, membre de l’EH (Escadron Hélicoptère) 03.067 Parisis. Formée à l’École des pupilles de l’air et de l’espace, puis à l’école de l’air à Salon-de-Provence, elle est depuis 2020 pilote d’hélicoptères Fennec. Entre exercices de pilotage en Île-de-France, briefings et travail administratif sur la base aérienne 107 de Vélizy-Villacoublay, nous avons plongé dans le quotidien d’une des rares femmes pilotes d’hélicoptère en France.

8h10 à la base aérienne 107, le soleil tente une percée derrière la ligne d’horizon, mais la petite ville composée d’aviateurs est déjà bien active. Des véhicules parcourent les huit kilomètres de la base, d’autres préparent les engins et tout au fond, au sein du bâtiment pilote, un rituel se met en place : le briefing. Météo, conditions atmosphériques, potentiels dangers, itinéraires ou encore hélicoptères disponibles, tout est passé en revue et en anglais. « Tous nos briefings se font en anglais – la langue de l’OTAN – pour habituer nos pilotes à communiquer avec nos alliés sur le terrain lors de nos missions extérieures » précise le commandement de la base de Velizy. Après la prise d’informations générales, place au plan spécifique de vol avec le commandant de bord de la mission, le capitaine Ludovic et la capitaine Laurène accompagnés par le responsable sécurité : le sergent-chef Vakesan. Après le calcul des poids, la répartition des charges et le carburant, il est temps d’étudier l’itinéraire. L’exercice du jour consistera à des atterrissages de précision sur différents terrains au sud de Paris : bords de Seine, terrain escarpé, terrain en pierre, clairière avec des petits obstacles, le but est de travailler la dextérité du pilote, sa gestion du carburant et sa confiance en l’équipe qui l’accompagne. Si aujourd’hui tout semble naturelle et que l’exercice a déjà été répété, la capitaine Laurène confie sur le chemin qui mène à l’appareil qu’elle a longuement hésité avant de trouver sa voie. « J’ai beaucoup tâtonné au lycée. Après avoir essayé pas mal de choses, j’ai eu le déclic pour la classe prépa des Pupilles de l’air à Grenoble. J’y ai découvert l’environnement militaire et je m’y suis très vite épanouie. »

10h : Le Fennec déploie ses hélices

Une fois sur le tarmac, place au vol. Chacun à sa place. Le commandant de bord devant sur la droite, la co-pilote devant à gauche et le responsable sécurité à l’arrière pour vérifier que les manœuvres se déroulent à la perfection. Avant le décollage un dernier checking est effectué et les zones d’exercice sont repérées à l’aide d’une tablette. Il est 10h08, les conditions sont optimales avec un beau soleil, une température parfaite et seulement un stratus à l’horizon. Avec le casque vissé sur la tête et les tests micro positifs, l’équipage du Fennec se place dans la zone de décollage. Après une dernière vérification des conditions (« La sécurité avant tout » précise le commandant dans le casque), il est temps de s’envoler dans le ciel francilien. Chaque vol est une vraie fierté pour la capitaine Laurène, encore aujourd’hui très inspirée par sa mère. « Grande fan d’aéronautique, elle avait son brevet de pilote privée mais je ne l’ai jamais vue voler. Chaque fois que je pilote un hélicoptère, je réalise une partie de son rêve. » Une confidence qui n’empêche pas la capitaine d’avoir toujours la sécurité en ligne de mire. Chaque élément pouvant s’avérer potentiellement dangereux est mentionné au micro : « Ligne électrique à midi, oiseau à 11h, stratus à 1h. Chaque personne présente dans l’appareil doit être attentive à la moindre anomalie et le préciser à la radio. C’est un travail d’équipe et la réussite d’une mission dépend de tout le monde » explique en vol le commandant.

L’Armée de l’Air et de l’Espace, l’armée la plus féminisée

Avec quasiment 25 % de femmes, l’Armée de l’Air et de l’Espace est la plus féminisée, devant la Marine nationale et l’Armée de Terre (moins de 20 %) et la quatrième armée la plus féminine du monde. Si la parité n’est pas encore atteinte, la capitaine Laurène constate au quotidien que de plus en plus de femmes rejoignent l’armée. Un phénomène qui devrait rapidement s’accentuer. En effet, un candidat sur trois à l’École de l’Air et de l’espace est une candidate. Mais pas question de brûler les étapes pour autant. « Il faut laisser le temps au temps, si on fait avancer le taux trop rapidement par l’intermédiaire de sélection, cela pourrait être préjudiciable pour notre crédibilité. Nous voulons être jugées d’égal à égal et surtout, sélectionnées au mérite, même si cela prend plus de temps » détaille-t-elle.

10h45 : Exercice sur le terrain

Après un survol de la campagne francilienne, l’heure du premier exercice arrive. La capitaine Laurène est aux commandes de la manœuvre. Son objectif : poser le Fennec dans une zone boisée et suivre les indications qui lui sont données. A trente mètres du sol, le responsable sécurité de l’exercice ouvre la porte de l’appareil, vérifie ses attaches et se porte à moitié en dehors de l’appareil pour donner ses premières instructions : « 30 mètres, 20 mètres, 10 mètres, 5 mètres, rondin de bois sur la droite, zone dégagée à gauche, 2 mètres, 1 mètre, 50 centimètres, patin droit au sol, patin gauche au sol, appareil stabilisé » énumère-t-il. La manœuvre effectuée par la capitaine Laurène est parfaite, le premier exercice est réussi. Celui-ci sera répété à différents endroits afin de tester les aptitudes de la pilote sur différentes situations, toujours en parfaite synchronisation avec l’équipage. De Vélizy à Melun en passant par Étampes, la sortie aura duré près d’1h30 et 450 litres de kérosène auront été utilisés. Après une traversée des pistes d’Orly et un passage par le périphérique sud pour admirer la capitale et ses monuments, une dernière manœuvre attend la pilote : l’atterrissage à la Base. Dans des conditions une nouvelle fois parfaites, l’atterrissage se déroule sans encombre, signifiant la fin de l’exercice… mais pas la fin de la journée !

12h00 : Retour sur la base aérienne et débriefing

Après un rapide verre d’eau, la pilote débriefe le vol à chaud, afin de checker les réussites, les petites erreurs, les points d’amélioration, avec le plus détails possibles pour faire monter l’équipage en compétences et assurer la sécurité des prochains vols. « Tu dois être plus synthétique dans tes commandes et tes communications radios » indique le commandant de bord qui supervisait l’exercice. Ces vols d’entraînement sont effectués environ trois fois par semaine afin que chaque pilote puisse tester différentes configurations. A chaque retour sur terre, c’est le sentiment du devoir accompli, mais aussi la satisfaction, qui prennent le dessus. « Je fais partie des 10 % de femmes pilotes en France, c’est un véritable accomplissement pour l’ado que j’étais et qui a découvert le milieu militaire à la fin du lycée. Et aujourd’hui, je suis profondément épanouie dans ma carrière » partage la capitaine. Une fois la mission terminée, une autre équipe prend le relais : celle de la maintenance des appareils. Remise à niveau du carburant, nettoyage des vitres, vérification des paramètres, la maintenance de chaque appareil peut durer deux à trois heures après chaque vol. L’équipage en profite pour aller déjeuner, toujours en alerte. « Nous mangeons sur deux créneaux différents afin de toujours pouvoir parer à une urgence » précise la capitaine.

Vie pro/Vie perso : un fragile équilibre

En temps normal, la journée commence entre 8h et 8h30 et se termine autour de 17h30-18h00. A cela, il faut ajouter une mission de nuit toutes les deux semaines et la journée s’achever à 2h du matin. De plus, un détachement de deux mois tous les ans dans une base extérieure – comme au Gabon ou en Côte d’Ivoire – est à prévoir. Mais le plus compliqué reste la gestion humaine. « Lors d’une mission, une collègue présente dans l’hélicoptère nous a demandé de tout faire pour rentrer à la base pour qu’elle puisse retrouver ses enfants. C’est un comportement que l’on évite dans la mesure où cela rajoute de la pression et peut faire commettre des erreurs. Quand on part, il faut mettre la famille de côté et se concentrer sur ce que l’on a à faire. Si on doit dormir sur place parce que les conditions ne permettent pas de rentrer, il faut le faire » explique-t-elle.

14h00 : Le côté administratif reprend le dessus

Le repas avalé, le travail reprend. Les missions d’un pilote d’hélicoptère ne s’arrêtent pas à l’atterrissage de son appareil. Le volet administratif prend en effet une place importante. « Près de 80 % » du temps ! » estime même la capitaine Laurène. Une partie du travail qui peut paraître rébarbative, mas qui n’en reste pas moins indispensable. « Nous programmons nous-même nos missions et organisons leur logistique. Nous n’avons pas d’assistant pour nous réserver nos hôtels ou nos repas quand nous partons à l’autre bout de la France, explique le capitaine Ludovic, son collègue. Quand nous partons à l’étranger, c’est moi qui appelle les autorités sur place pour prévenir de notre arrivée et je gère tout ce qui concerne le vol. C’est un travail important qui requiert préparation et anticipation » précise-t-il.

16h00 : Être en alerte pour des missions variées

Fil rouge de la journée, une alerte peut survenir à tout moment pour prévenir les pilotes d’une urgence ou d’une mission de dernière minute. « Nous avons une alarme au centre du bâtiment et nous savons que si elle retentit trois fois, il faut se mettre en ordre de marche » décrit le capitaine Ludovic. Même si des pilotes sont partis en exercice, un hélicoptère est toujours présent sur base et prêt à l’emploi en cas d’urgence. Des urgences qui peuvent prendre différentes formes : « intercepter un drone – comme pendant les JO où certains touristes ne savaient pas que le survol de Paris était interdit –, intercepter un ULM dans une zone interdite, survoler une zone pour rechercher un lieu d’accident ou encore, protéger une zone aérienne, comme l’espace aérien parisien pendant la cérémonie d’ouverture des JO. Dans ces cas-là, on quadrille une zone bien précise et on se relaie toutes les deux heures » précise la capitaine. C’est l’opérateur qui décrypte la mission et prévient la base aérienne concernée la plus proche pour pouvoir intervenir le plus rapidement possible. Si ces missions urgentes n’arrivent pas tous les jours, elles restent essentielles pour la sécurité nationale. Lorsqu’aucune urgence n’est détectée, les militaires rentrent généralement chez eux autour de 17h30 pour se reposer, retrouver leur famille et pratiquer une activité sportive. Avant de retrouver leur deuxième famille sur la base le lendemain pour d’autres missions.

Comment devenir pilote d’hélicoptère ?  

Avoir une vision parfaite et être en excellente condition physique sont des prérequis indispensables. Deux options s’offrent à ceux qui souhaitent devenir pilote d’hélicoptère : passer le concours de l’École de l’air et de l’espace après deux ans de classe préparatoire post-bac, ou intégrer les élèves officiers du personnel navigant, accessible dès le niveau BAC. Dans le premier cas, vous devenez officier de carrière, avec l’objectif d’assumer des responsabilités après une première partie de carrière comme pilote. Dans le second, vous êtes officier sous contrat pour 20 ans, avec des fonctions de pilote ou d’instructeur. Plus d’informations sur https://devenir-aviateur.fr

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